Revue Romane, Bind 15 (1980) 2

Les auxiliaires négatifs: à propos d'une analyse de Carl Vikner

Morten Nøjgaard

Dans son petit article sur les «auxiliaires négatifs» (Revue Romane XIII (1978) 88-109), C. Vikner entreprend de démolir la théorie traditionnelle de F «encadrement», exposée dans toutes les grammaires. Selon celles-ci, c'est à partir de la place consacrée qu'elle occupe immédiatement après le verbe fini qu'il convient de décrire la syntaxe de la «deuxième partie de la négation», ainsi définie par la pré supposition d'un ne enclitique. Pour Vikner, une étude de la fonction syntaxique des auxiliairesl démontre qu'il n'est en rien nécessaire de considérer l'ordre des parties de la phrase pour décrire correctement le comportement des auxiliaires négatifs. Sauf en ce qui concerne les adverbes de négation (pas, aucunement, nullement, guère) pour lesquels l'analyse traditionnelle tiendrait bon (Vikner 107).

Je pense comme Vikner qu'il est temps de réévaluer cette idée d'une négation bipartite dont la première partie, ne, formerait l'élément essentiel - non pour la nier, mais pour mettre en lumière le glissement fonctionnel qui s'est produit en français moderne, faisant de pas une véritable plaque tournante de tout le système négatif. Je suis aussi d'accord avec Vikner pour penser que, dans leur description de ce système, les grammairiens se sont trop attachés aux variations séquentielles observées dans les temps composés. D'un point de vue systématique, celles-ci me paraissent, en effet, peu intéressantes pour la syntaxe des auxiliaires de la négation, alors qu'elles importent fort à l'analyse fonctionnelle des compléments adverbiaux. En revanche, les critères séquentiels me semblent éminemment aptes à nous faire saisir correctement le fonctionnement général des auxiliaires négatifs dans le français écrit. C'est cette méconnaissance systématique de leur puissance fonctionnelle qui, à mon avis, constitue l'erreur fondamentale de Vikner. Sur ce point, les grammaires traditionnelles me paraissent plus près de la vérité syntaxique que la critique récente de Vikner, qui, dans son ardeur de transformationaliste, confond plus qu'il n'éclaire. C. Vikner a l'avantage sur moi, j'en conviens, de connaître la structure profonde de la négation et de pouvoir démêler les «défigurations radicales dont est sujette la structure profonde en structure superficielle» (p. 91). Je m'en tiendrai modestement à cette dernière et si mon étude peut contribuer à en faire comprendre l'ordonnance en ce qui concerne les expressions négatives, je regretterai peu de ne présenter qu'un «reflet superficiel de l'élément NEG de la structure profonde.» (ibid.)

Reprenons la question des auxiliaires négatifs à son début: la définition.

On définit d'abord les auxiliaires négatifs par leur compatibilité avec la particule clitique ne. On remarque qu'aucun des mots employés comme auxiliaires négatifs ne se trouve exclusivement dans des combinaisons avec ne. Si l'on fait abstraction des propositions elliptiques, guère semble pourtant faire exception puisqu'il exige un rapport de présupposition:il

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position:ilprésuppose partout l'existence d'un ne, sauf dans des contextes négatifs du type «sans guère y penser». Tous les autres mots ont aussi des acceptions qui n'ont aucun rapport avec ne. Ainsi pas se trouve comme substantif, plus comme adverbe de comparaison,etc. Il s'ensuit qu'on ne peut définir les auxiliaires négatifs que si l'on combine toutes leurs propriétés syntaxiques et qu'on en démêle les relations grammaticales.

Aussi bien est-il patent que la «définition» introductive (puisée dans Vikner 88), basée sur le concept imprécis de «combinaison», ne représente au mieux qu'une première approche grossière. Existe-t-il, à tout prendre, un mot qui ne puisse se «combiner» avec ne? Vikner (88) énumère quelques autres critères, qui souffrent du même manque de précision (incompatibilité avec pas auxiliaire négatif, compatibilité avec la -conjonction ni, compatibilité avec l'article partitif réduit de, compatibilité avec une réponse en si).

Je me contente de signaler quelques objections qui se présentent immédiatement à l'esprit. Pour la compatibilité avec une réponse en si, on a une vaste gamme de questions qui ne renferment pas nécessairement d'auxiliaire négatif. Deux, au moins, des auxiliaires traditionnels (plus et rien sans mentionner que) sont compatibles2 avec pas. Aucunement n'est pas compatible avec l'article partitif réduit de, le cas de nullement me paraît douteux, etc.

Ainsi il n'existe pas de critères qui permettent à eux seuls de fixer l'inventaire des auxiliaires négatifs. Mais peut-être une série de critères permettra-t-elle d'établir des classes d'auxiliaires. On verra que, dans un tel faisceau de critères, ceux puisés dans l'ordre des mots tiennent un certain rang. Considérons d'abord l'inventaire traditionnel des auxiliaires négatifs (reproduit par Vikner 89)3. Je note en passant que si je ne pars pas de l'inventaire postulé par Vikner (91)4, c'est qu'il me paraît plus confus que celui de la tradition. D'abord il ne respecte pas même les critères classématiques avancés par l'auteur lui-même; nous avons déjà vu, p. ex., que aucunement n'est pas compatible avec de article partitif. Ensuite Vikner complique son inventaire sans nécessité en y admettant nulle part comme auxiliaire distinct. Le seul argument valable, à mon sens, parmi les trois énumérés par Vikner (97) est le troisième: dans nulle part, la fonction determinative ne serait pas repérable, puisque toute substitution serait exclues. Cependant cette assertion est fort sujette à caution. D'abord le substantif départ admet les mêmes déterminatifs que sœur p. ex. (ma part, etc.); ensuite nul + substantif fonctionne comme syntagme adverbial aussi avec d'autres substantifs que part: «nulle nuit je n'ai été libre pendant mon séjour à Dijon». Comme nulle part se conforme exactement à la syntaxe de tous les autres emplois de nul en ce qui concerne la syntaxe de la négation, la démarche de Vikner représente ici une complication inutile. Le cas de pas un me semble plus intéressant, puisqu'il diffère ouvertement des restrictions syntaxiques qui régissent, par ailleurs, l'emploi de pas (incompatibilité avec les autres expressions négatives, place postverbale obligatoire, impossibilité de constituer à lui seul une réponse). Si l'on accepte, sur ce point, l'analyse de Vikner (100), il faut grouper pas un avec aucun (etc.). Mentionnons, toutefois, que si l'on admet dans le corpus des phrases du type: «pas content de cette réponse, il repartit» (au lieu de la phrase «correcte»: «non content de cette réponse, il repartit»), il ne sera plus possible de regarder pas un comme une négation à part: c'est toute la syntaxe de pas qu'il faudra alors remettre en cause. Ce qui nous conduirait à envisager le système négatif du français parlé.

Reprenons l'analyse de l'inventaire des «auxiliaires négatifs». On note tout d'abord que
pas se distingue d'entre toutes les expressions négatives traditionnelles par ses présuppositionsgrammaticales.
C'est en effet un mot clitique qui s'appuie nécessairement sur un

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autre mot. Ainsi, pas ne peut constituer à lui seul une réponse, cette situation exigeant la forme disjointe de la négation, non. Lorsque pas se trouve dans une proposition sans verbe, il s'accompagne toujours d'un autre mot. On remarque quepas s'accommode, dans ce cas, indifféremment de la position enclitique («moi pas») et de la position proclitique («pas moi»). En revanche, pas est obligatoirement enclitique quand il se combine avec un verbe fini6 ou un participe présent et obligatoirement7 proclitique dans tous les autres cas (combiné avec l'infinitif, le participe passé ou l'adjectif)- Résumons: pas est un mot clitique à place variable dans les propositions elliptiques et à place fixe dans les propositionsà

Soulignons d'ores et déjà que guère est la seule expression négative qui se classe, du point de vue des présuppositions grammaticales, avec pas. On le trouve pourtant exceptionnellement à l'état isolé dans la réponse, et comme il a une autre combinatoire syntaxique que pas (il est compatible avec personne, etc., avec sans et une négation pleine), il ne saurait se substituer à pas comme critère classématique.

Notons enfin que que se présente également comme un mot clitique; il ne se trouve qu'exceptionnellement dans les propositions elliptiques sans verbe. Ainsi il présuppose pratiquement un verbe (formes finies + participe présent et infinitif) et comme il se fait suivre obligatoirement d'un autre mot (ou groupe de mots), c'est un proclitique qui ressemble beaucoup à une préposition. L'important pour nous est qu'il constitue ainsi une classe à part dans le système négatif, d'autant plus qu'il se combine volontiers avec pas.

La deuxième constatation fondamentale pour saisir l'agencement du système négatif est que la plupart des prétendues expressions négatives ne sont pas compatibles avec pas, alors qu'elles se combinent entre elles (selon certaines règles). Il s'agit concrètement de: personne, aucun (+ adv.), nul (+ adv.), jamais. Ces mots ne sont évidemment pas eli tiques et ils se placent dans la proposition selon les règles normales: personne se comporte comme un pronom, aucun comme un adjectif et jamais comme un adverbe. Ainsi il est évident que ces mots ne constituent pas, de par leur position, une classe à part. D'un point de vue sémantique, ils présentent la particularité déroutante d'avoir tantôt un sens positif, tantôt un sens négatif. Personne serait négatif dans Qui viendra demain? - Personne, négatif dans Personne ne viendra, semi-positif dans Je ne verrai jamais plus personne, positif dans // parle plus que personne.

Ces étrangetés me paraissent disparaître, si l'on fait de ces mots (personne, aucun, nul, jamais) une classe à part, définie non par leur position, mais par leur rapport avec la négation pas, c.-à-d. par le fait Io de présupposer, dans la proposition, une zontpas, 2° de ne pouvoir apparaître, dans la proposition, que lorsque cette zone est actualisée par la forme zéro. Selon cette analyse, il est logique que si l'on combine plusieurs «expressions négatives», il ne se produise pas une accumulation de négations sémantiques: comme l'élément négatif reste, dans ces cas aussi, lié à la zone pas, représentée par la forme zéro, la proposition continue à ne renfermer qu'une seule négation grammaticale, quel que soit le nombre d'«expressions négatives» représentées dans la proposition: toutes ces expressions présupposent l'existence d'un seul et même pai.

Effectivement, à moins de présupposer une zone pas vide, les mots de notre classe n'apparaissent jamais tels quels dans la proposition. Ils peuvent fort bien s'utiliser dans une proposition affirmative simple, à condition d'être pourvus de marques spécifiques signalant, pour ainsi dire, la suspension de la fonction d'auxiliaire. Ainsi personne passe dans la classe des substantifs à l'aide de l'article. Il est hors de notre propos d'étudier les mécanismes assurant le décodage correct de propositions du type suivant: // connaît le

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nom de personne. Disons simplement que, si l'on veut interpréter ici personne comme un substantif (et non comme un auxiliaire négatif), il est nécessaire de regarder le contexte linguistique comme présupposé par notre proposition. Le cas d'aucun est analogue à celui de personne (d'aucuns), alors que nul reste nécessairement auxiliaire, avec l'exception importante de son emploi comme épithète normale (se conformant à la syntaxe de toutes les autres épithètes). Cf. infra à propos de rien.

L'analyse que nous allons proposer du système des auxiliaires négatifs se base sur l'hypothèse suivante: le système tout entier est construit autour de la fonction de pas; dans les propositions où pas fait défaut, il faut présupposer l'existence d'une place de pas vide pour comprendre le fonctionnement du système. Nous essaierons de montrer que l'interprétation la plus simple du système doit se faire à partir du schéma suivant:


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En français écrit, l'existence de la zone pas sous sa forme zéro est évidemment assurée par la présence nécessaire de ne, mais les variations sémantiques notées ci-dessus ne changent aucunement si nous passons à un français qui ignore ne. Notons d'ailleurs que la solidarité entre ne et pas en français écrit servira en tout cas à écarter l'idée de «sens positif» de personne (etc.) dans // parle plus que personne: la comparaison se réduit à une proposition elliptique dont la forme complète serait: «que personne ne le fait.» Ainsi personne n'a ici un sens ni plus ni moins «positif» que dans Personne ne parle.

L'existence de la zone pai sous sa forme zéro peut également être assurée par le simple fait que la proposition dans laquelle apparaît un des mots de la classe se subordonne à une autre proposition à négation entière: // ne pensait pas que personne pourrait lui répondre ce dimanche. Ici encore il me paraît oiseux de discuter pour savoir si personne est employé avec son sens positif ou négatif: l'important est que personne se conforme ici à sa syntaxe normale, figurant dans un complexe négatif et qu'il reste incompatible avec pas (dans la même proposition).

Enfin, la présence d'une zone pas sous sa forme vide peut être marquée par la préposition sans, mot compatible avec toutes les expressions sauf pas. Il n'est donc pas raisonnable, en ce cas non plus, de parler de «sens positif» (ou négatif): personne rentre dans un complexe négatif dans lequel il constitue l'un des deux éléments nécessaires (place de pas vide + auxiliaire).

Trait commun à bien des systèmes syntaxiques, le système des auxiliaires négatifs du
français moderne combine la contrante avec la variation. A côté des deux classes
d'«auxiliaire» que nous venons de repérer et dont la combinatoire est rigoureusement

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fixée par l'usage, nous trouvons deux mots négatifs qui paraissent échapper à cette contrainte:rien et plus. De prime abord, rien semble rentrer dans la classe des auxiliaires secondaires: dans Rien ne presse il est impossible de voir apparaître pas et la zone pas sous la forme zéro y fonctionne donc comme d'habitude. Cependant, on sait qu'on dit fort bien Ce n'est pas rien. Force nous est de constater que rien se combine avec pas et qu'il ne présuppose donc pas nécessairement une zone pas vide. Systématiquement rien présenteainsi un syncrétisme de la zone pas et de la zone de personne (etc.); c'est ce qu'exprimela tradition (dont Togeby) en définissant rien comme «une des expressions les plus négatives» (d'entre les auxiliaires). De fait, la plus négative après pas, puisque le mot apparaît parfois dans une proposition affirmative simple: ils vivent de rien. A mon sens, nous nous trouvons pourtant ici à la limite de l'extension du système, limite que la langue ne dépassera guère, car, dans un système où ne tend à disparaître, la proposition citée est fondamentalement ambiguëB.

On note précisément que cet emploi de rien comme pronom ne présupposant pas une zone pas vide reste soumis à de fortes restrictions (et me semble d'ailleurs complètement étranger à la langue parlée). Il est impossible dans toutes les zones préverbales; il n'apparaît, après le verbe, que comme le régime d'un complément prépositionnel ayant une fonction adverbiale9.

En un sens, on pourrait grouper nul avec rien: voilà deux auxiliaires qui ne se combinent pas seulement avec pas, mais qui figurent aussi dans des propositions affirmatives simples. Néanmoins, nul est seul à réaliser pleinement cette possibilité puisqu'il s'emploie comme adjectif banal et qu'il s'allie donc sans aucune difficulté avec la négation complète: La partie a été nulle. - Ce bulletin de vote n'est pas nul. Cependant, il est facile d'écarter cet emploi de notre champ d'étude, vu que nul adjectif banal est toujours postposé par rapport au nom qu'il qualifie, alors que nul pronom précède obligatoirement le nomlo.

Il me semble ainsi légitime de conclure que rien représente un cas extrême du système des négations et que le passage de l'emploi indépendant dans la proposition niée (Ce n'est pas rien) à celui de la proposition affirmative (Ils vivent de rien) reste probablement bloqué.

Le cas de plus s'avère bien plus simple. C'est fondamentalement un adverbe de comparaison qui n'a rien à voir avec le système négatif. Cependant il peut servir à exprimer une comparaison négative de la durée verbale, à condition de se substituer à pas. Etant compatible avec pas sans pour autant présupposer une zone pas vide: la présence de pas fait rentrer tout simplement plus dans sa fonction normale d'adverbe comparatif de quantité. Quand il assume une fonction négative, il se substitue tout bonnement à pas, dont il emprunte toutes les qualités. Ainsi plus ne peut à lui seul constituer une réponse négative (il serait, dans ce cas, interprété comme adverbe affirmatif). On pourrait penser que, dans Personne ne vient plus, où la présence de pas est exclue, plus présuppose une zone pas vide. Cependant il me semble plus simple d'expliquer plus, partout où il se combine avec un auxiliaire négatif, comme un adverbe affirmatif. Ainsi il est significatif que Personne ne vient plus puisse se transformer en Plus personne ne vient sans changement de sens.

En résumé, je propose de diviser l'inventaire des auxiliaires négatifs en trois classes: 1° Les auxiliaires primaires, 2° Les auxiliaires secondaires, 3° L'auxiliaire restrictif que. Les auxiliaires primaires se limitent à pas et guère, plus s'emploie couramment à la place de pas. La zone postverbale et clitique que constitue pas peut être réalisée sous forme zéro et, parfois, par une proposition principale négative, ou par la préposition sans.

Les auxiliaires secondaires ne peuvent apparaître dans la proposition que si l'une de ces

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conditions est remplie. Ce sont: personne, aucun (4- dérivé), nul (+ dérivé), jamais. Ils n'ont pas de place fixée. Rien appartient, dans la grande majorité de ses acceptions, à la classe des auxiliaires secondaires. Exceptionnellement il peut opérer un syncrétisme entre les zones de pas et de personne (etc.). L'inventaire des auxiliaires négatifs compte ainsi neuf éléments, répartis en trois classes, aux propriétés syntaxiques nettement différentes.

Notre esquisse de la syntaxe des auxiliaires négatifs du français écrit serait incomplète si elle ne se terminait par une mise en garde. Le système que nous venons de décrire a une existence mal assurée, parce que la plupart des écrits modernes sont fortement influencés par le système négatif du français parlé, qui est d'une tout autre nature. Un aspect intéressant de la présente analyse est, je crois, la conclusion qui s'en dégage. A l'heure actuelle, tout le système des auxiliaires négatifs du français écrit repose sur l'analyse de pas. C'est, je crois, dans cette perspective que Vikner critique utilement la «théorie de l'encadrement.» Il démontre, en effet, que cette théorie est pour le moins insuffisante pour expliquer le système négatif du français écrit, dont le fonctionnement ne peut guère se définir entièrement grâce au seul ne. Toutes les restrictions, toutes les règles que nous venons d'esquisser impliquent, d'une façon ou d'une autre, la particule négative pos, véritable plaque tournante du système négatif. Voilà une observation qui pourra peut-être contribuer à expliquer pourquoi ne a perdu sa fonction de particule négative de base dans le système de la langue parlée, système historiquement postérieur à celui que nous venons de décrire.

Odense



Notes

1: Le terme même d'auxiliaire est gênant, car, dans la très grande majorité des cas, il y a, en français écrit moderne, solidarité entre ne et pas. Il est exceptionnel que ne suffise à nier un verbe fini; en règle générale, la négation se compose de deux éléments solidaires: un élément clitique, classe consistant en un seul membre, ne, et un élément à place variable (mais non libre, cf. infra), élément dont la classe est fermée, ne consistant qu'en 10 éléments environ (nombre variable selon les différents grammairiens).

2: Pour Vikner (89), il s'agirait là de «cas d'exceptions [sic] faciles à délimiter». Délimitons, je le veux bien, mais deux éléments sont compatibles ou ne le sont pas.

3: verbe fini pas verbe non-fini plus (quantité) (que) point rien plus personne guère aucun jamais nul rien

4: Auxiliaires négatifs simples 1: Adverbes de négation: pai, aucunement, nullement, guère. Auxiliaires négatifs composites: 2: Adverbes de temps négatifs: plus, jamais. 3: Adverbe de lieu négatif: nulle part. 4: Pronoms indéfinis négatifs: personne, rien, nul, pas un.

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4: Auxiliaires négatifs simples 1: Adverbes de négation: pai, aucunement, nullement, guère. Auxiliaires négatifs composites: 2: Adverbes de temps négatifs: plus, jamais. 3: Adverbe de lieu négatif: nulle part. 4: Pronoms indéfinis négatifs: personne, rien, nul, pas un.

5: Les deux autres sont: Io En français moderne nulle part représente une expression figée, les autres occurences de nul appartenant à un niveau stylistique archaïque. 2° Dans cette expression, /;/// ne peut être remplacé par aucun, comme partout ailleurs. Cependant, s'il fallait prendre au sérieux le critère du niveau stylistique, il faudrait aussi s'occuper de curiosités désuètes comme «point n'est besoin de ...» - et comment être certain qu'un corpus suffisamment étendu de «français familier» ne fournisse pas des /;/// en dehors de la locution? Le deuxième critère souligne seulement un fait sur lequel tout le monde est d'accord: /;/// et aucun constituent deux expressions négatives

6: Nous considérerons plus loin les cas de pas un et de pas plus.

7: On sait qu'avec l'infinitif, qui est, en ce sens ici, une espèce de tête de Janus, il existe toutefois la possibilité de postposer pas (Je regrette de n'être pas arrivé). Il me paraît légitime de l'écarter puisqu'elle apparaît de plus en plus rarement.

8: A part ce cas extrême, rien obéit aux mêmes contraintes que personne, etc.: il ne peut figurer dans une proposition affirmative qu'accompagne d'une marque spécifique. Dans le cas de rien, la marque indiquant qu'il ne fonctionne pas comme auxiliaire négatif est normalement l'article indéfini: Nous sommes les deux pôles d'une opposition. Lui que rien ne permet de juger, moi qu'un rien juge. (N. Sarraute, Disent les imbéciles, Paris 1976, p. 169). Deux idées si élémentaires qu'on voit mal comment les contourner et ci partir de quoi les critiquer. La première: le Maître, qui n'est pas rien, c'est un être visible et concret (...). La seconde, corrélative: Ce Maître, qui n'est pas rien, est pourtant aussi un presque rien (...). (B. H. Levy, La barbarie ¿¡ visage humain, Paris 1977, pp. 24-25).

9: Voilà pourquoi l'exemple de Vikner (104) me semble peu heureux.

10: Différence significative d'avec aucun: comme il n'existe pas d'adjectif qualificatif «aucun», notre pronom conserve une pleine liberté (v. p. ex. sans difficulté aucune).