Revue Romane, Bind 15 (1980) 2

Réponse

Carl Vikner

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Je remercie Morten Nojgaard pour l'attention bienveillante qu'il a accordée à mon article
sur les auxiliaires négatifs.

Malheureusement il semble que, dans son ardeur antitransformationaliste, Nojgaard n'ait pas saisi certains points essentiels de mon article. Il est étonnant, par exemple, qu'on puisse affirmer, après avoir lu mon article, que «Pour Vikner, une étude de la fonction syntaxique des auxiliaires démontre qu'il n'est en rien nécessaire de considérer l'ordre des parties de la phrase pour décrire correctement le comportement des auxiliaires négatifs». Mais si, c'est nécessaire! La plus grande partie de mon article est d'ailleurs consacrée à l'étude du problème de l'ordre des «parties de la phrase». Même étonnement devant: «Je suis aussi d'accord avec Vikner pour penser que, dans leur description de ce système, les grammairiens se sont trop attachés aux variations séquentielles observées dans les temps composés». Mais je ne pense rien de tel. Il faut dire que les malentendus sont trop nombreux pour que je les relève tous ici.

En ce qui concerne aucunement et nullement, Nojgaard a cependant raison de faire
observer que ces deux adverbes ne sont pas compatibles avec l'article partitif. J'aurais dû

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formuler une réserve sur ce point dans ma description des propriétés syntaxiques communes
aux auxiliaires négatifs. (Je profite de l'occasion pour signaler une faute d'impression:
dans mon exemple (33.b), le par est évidemment de trop.)

Nojgaard propose une nouvelle théorie des auxiliaires négatifs, qui est censée remplacer avantageusement celle que j'ai esquissée. Pour qu'il soit possible de comparer deux théories, il faut évidemment qu'elles traitent des mêmes problèmes, au moins partiellement. Or, dans mon article, j'essaie de rendre compte de la position des auxiliaires négatifs à l'aide de leur fonction dans la phrase, c'est-à-dire que j'essaie d'expliquer des faits linguistiques comme, par exemple, les oppositions Elle n'a pas volé I *Elle n'a personne volé - *Elle n'a volé pas I Elle n'a volé personne - *Pas elle n'a volé I Jamais elle n'a volé. Pour ce faire, j'établis une distinction entre auxiliaires négatifs simples (pas, aucunement, nullement, guère) et auxiliaires négatifs composites (plus, jamais, nulle part, personne, etc.). Cette distinction coïncide avec celle qui existe entre les auxiliaires qui ne peuvent pas se combiner avec d'autres auxiliaires négatifs et ceux qui le peuvent. Ceci permet d'esquisser une explication de certains des emplois positifs des auxiliaires, c'est-à-dire d'expliquer des faits linguistiques comme, par exemple, les oppositions Ve' ne dirai rien ¿i personne / Je ne dirai rien ci qui que ce soit I *Je ne dirai quoi que ce soit à personne.

Si Nojgaard avait proposé une théorie qui fût capable de rendre compte de ces faits, on aurait pu procéder à une comparaison. Or, il n'en est rien, car, d'une part il passe sous silence les faits concernant l'ordre des mots, d'autre part, il fait bon marché de la distinction entre emplois négatifs et emplois positifs, renonçant ainsi d'avance à expliquer, par exemple, pourquoi personne peut être remplacé par qui que ce soit dans certains cas et non dans d'autres. Pour supporter le point de vue qu'il serait «oiseux de discuter pour savoir si personne figure avec son sens positif ou négatif», Nojgaard compare les deux phrases // parle plus que personne et // parle plus que personne ne le fait, où le ne de la dernière phrase serait apparemment un argument contre la valeur positive de personne. Nojgaard n'aurait-il pas vu qu'il s'agit là d'un ne explétif (cf. // parle plus que son frère ne le fait)? Ou est-ce que cette distinction-là est, elle aussi, oiseuse?

D'ailleurs, on ne voit pas clairement quels sont les faits linguistiques que Nojgaard se
propose d'expliquer, ni comment les concepts qu'il invente doivent être appliqués.

Copenhague