Revue Romane, Bind 14 (1979) 2

-IRe dans les conjugaisons françaises

1. Qu'est-ce qu'une conjugaison? Si c'est un certain nombre de verbes qui se conjuguent identiquement, on a là plutôt un terme pédagogique, et, en conséquence, on parle de 'verbes irréguliers'. Combien de verbes faut-il pour constituer une conjugaison? Traditionnellement, les verbes sur le modèle de vendre forment une conjugaison, mais pas les verbes du type craindre, moins encore venir et tenir qui forment un groupe binaire (parce que survenir, soutenir etc. ne sont pas des unités vraies). Les verbes de la structure -aire (c.-à-d. ou traire:braire:raire ou plaire:taire ou faire, une tripartition) gênent beaucoup, et clore et -dure (avec-trure: problème de la désuétude) sont à peu près des curiosités. Avec finir et des séries de verbes ayant 4ss- on reprend pied, et quant à parler on y admet subrepticement le changement de voyelle (mener, céder etc.).

Si l'on donne le nom àeconjugaison aux différentes formes que prend n'importe quel verbe (ici anglais must:ought est un cas limite intéressant), il faut laisser parler les verbes eux-mêmes, les laisser se grouper eux-mêmes d'après leurs ressemblances et leurs différences. Le degré de conformité est plus ou moins grand: finir, sentir, ouvrir. Des ressemblances et des différences directement observables se trouvent dans la structure des verbes, dans l'ensemble anatomique d'un verbe, ensemble dont les parties sont solidaires et nécessaires. La structure syllabique, par exemple (mono- ou dissyllabique etc.)» la structure vocalique (voyelle nasale ou synthétique etc.) ou la structure consonantique (par exemple mediale: tou Quel que soit le nombre de verbes qui le composent, tout type particulier doit être pris en considération et placé dans le système des conjugaisons.

Où tout cela nous mènera-t-il? On ne sait jamais d'avance. Mais, en étudiant la signification des verbes - une fois réalisé le groupement au point de vue de la forme - on voit, outre l'harmonie du groupement, c.-à-d. le système (car la langue forme notoirement des systèmes),des faits saillants. Par exemple aller, selon sa structure et sa signification est un verbe en -ER. En tant que mot, il intègre les structures les plus différentes (va, ira, ail-) de même que la conjugaison intègre des corps différents (substantifs, etc.) d'une manière presque illimitée (médicamenter - où -IR serait impossible). Et, en même temps, aller exprime la signification extension (comme mouvement ou une sorte de futur) si clairement que cette notion de l'extension, dans l'usage commun, est le plus souvent modifiée (fixée ou arrêtée) par une limite ajoutée en dehors du verbe: s'en aller, - pour éviter l'écoulement continu, le glissement entièrement libre (Victor Hugo: Je suis une force qui va). Autre exemple: les

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verbes en -IRe offrent des significations tellement semblables que le groupement sous une même étiquette (ou plutôt: sous une même combinaison de relations) est justifiable-car les conjugaisons, extérieurement différentes, diffèrent aussi entre elles par la signification (dans les langues germaniques la conjugaison forte est intensive, la conjugaison faible extensive; cp. le changement vocalique ou «intérieur», et l'extension avec la dentaled, t:springlspmng: walklwalk-ed).

La répartition des verbes français en trois groupes: infinitif en -ir, infinitif en -er, et les verbes irréguliers, est une méthode d'organisation qui consiste à ranger convenablement des faits de manière à réduire le nombre des difficultés. La valeur de cette méthode irrationnelle ne peut se mesurer qu'à l'efficacité pratique. Au lieu de supprimer les difficultés comme des irrégularités, il faut les étudier par une analyse raisonnée. S'il existe un ordre harmonieux, seuls les verbes eux-mêmes peuvent le démontrer. Une méthode exacte pourrait les faire parler. Dans un tel groupement, même des formes très dissemblables de certains temps (vient/meurt¡git ou craignait/prenait) ou de certains participes (comme ouvert oriné) seraient coordonnées de façon à former un ensemble, un système.

Les formes irrégulières ne sont aberrantes qu'en apparence, et la justification d'un groupement
des verbes français réside dans les unités elles-mêmes.

On sait qu'il y a, d'une part, des verbes individuels - commefaire ou haïr - et, d'autre part,
desgroupes de verbes (rendre/vendre/pendre/tendre etc.). Cela veut dire qu'il existe, dans le
système, des «groupes singuliers» et des «groupes pluriels».

Un verbe est ou simple - comme prendre, venir - ou composé: apprendre, devenir. Un verbe commeprendre est isolé et forme un groupe singulier malgré ses composés, qui ne sont pas des unités vraies. Cette distinction est nécessaire pour que l'analyse soit exacte. Il faut trouver les structures les plus simples: monosyllabes et dissyllabes.

Dans certains composés comme dissoudre /contraindre /repentir /inclure /percevoir/ apparoir, un partage ne laisse qu'un «verbe» fragmentaire: -soudrel-traindre etc. Ce type ne vit qu'avec le préfixe, c.-à-d. qu'il est seulement total en tant qu'unité complexe («verbe élastique»). Un tel verbe peut appartenir à un groupe: contraindre au groupe craindre, repentir au groupe sentir, etc., mais il peut aussi exister dans un groupe propre à lui-mêmecomme dissoudre (avec absoudre/résoudre), où il n'y a pas d'unité non-complexe. Des verbes comme résoudre /occire ¡conclure/apparoir nous forcent à accepter ce fait.

Il existe donc deux catégories de composés, l'une basée sur une structure totale (venir: con-venir), l'autre sur une structure partielle (-cevoir: con-cevoir), c.-à-d. qu'elles se distinguent en totalité: forme positive et négative. Brondal a signalé l'importance de cette relation (Théorie de prépositions 36) comme aussi Edward Sapir (Language Monographs 6, Baltimore 1930), qui cherche à déterminer les aspects possibles que comporte «Totality».

La structure d'un verbe est un déterminatif qu'il faut reconnaître. On sait que, dans les débats sur le caractère des verbes (signification, fonction, etc.), toutes sortes de verbes sont traités comme des entités équivalentes. Mais une analyse exacte ne peut pas accepter une simple juxtaposition de verbes qui présentent des différences structurelles telles que condescendre/vivre¡extraire/dire ¡abasourdir/rester¡indifférer/geler/aller/crystalliser / voir/ apercevoir. Il faut toujours analyser et décomposer: trouver d'abord la structure la plus simple, les unités vraiment fondamentales: des monosyllabes comme naître/faire et des dissyllabes comme venir ¡parler. Une lecture sans méthode passera à côté de vérités significatives (par exemple le fait que clore, monosyllabe, contraste avec -dure qui exige toujours une structure extensive).

Une telle analyse ne peut pas exclure la signification. Dans le groupe binaire cuire, cette

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(Voir aussi le schéma synoptique p. 282.)

unité semble exprimer l'intensité, l'autre verbe, duire, est «vieux», pourtant il se trouve à la base d'une série de verbes, composés ou élastiques ou les deux à la fois, mais en tout cas extensifs, et qui, évidemment, forment un sous-système de structures et de significations différenciées {produire, par exemple, implique la création d'une ou plusieurs entités indépendantes,finies, éloignées, c.-à-d. l'inconnexité; traduire inversement la connexité):

Un système est en théorie fixe, en réalité changeant, parfois de manière profonde causant, par exemple, des innovations telle que aller. Le changement perpétuel (cp. Brondal 40: «inaliénable de la réalité», l'histoire, le temps, l'entropie de la nature) implique soit la désuétude, soit l'innovation, des néologismes plus ou moins systématiques, plus ou moins spontanés, formations dans certains groupes dont le caractère spécifique s'est proportionné à une telle extension (cp. les groupes parler, teter, finir).

Le schéma des conjugaisons révélera, croyons-nous, des rapports nouveaux. Il va sans dire que la différence entre deux places n'est pas proportionnelle à la distance: une conjugaison donnée, un groupe donné, ou une unité quelconque ont des rapports établis entre les parties d'un tout. Le tableau n'est qu'une perception visuelle indiquant un classement par ordre croissant allant du centre aux quatre côtés et, pour ainsi dire, ne représente des verbes et des groupes (et des catégories) que sur deux dimensions.

Si les verbes ne semblent guère accepter d'être rigoureusement déterminés d'après leur fonction syntaxique (sans/avec objet direct), c'est que la fonction, leur milieu constituent un facteur secondaire («variable»). Les verbes peuvent varier en eux-mêmes et au point de vue de la cohérence syntaxique. Leur caractère individuel, particulier, indique une valeur syntaxique et la détermine jusqu'à un certain degré (être ¡se mourirjtrembler des tremblements), les verbes apparaissant dans tel ou tel milieu avec leurs dispositions naturelles. Selon ces dispositions, on les trouve dans telle ou telle fonction, et les verbes se groupent- ou plutôt s'orientent - d'après ces dispositions. On peut l'observer, par exemple, dans les unités de -IRe (pour plus de brièveté, moins le groupe finir):

fonction intrans: rire ¡nuire ¡luire ¡bruire ¡mouñr¡gé sir ¡mentir ¡partir¡dormir¡faiüir¡saillir¡venir.
fonction trans: hai'r¡ouír¡dire¡lirelécrirel-cirelquérírlférir¡vetirloffrir¡couvrir¡cueillir.
fonction intrans/trans: frirelfuirlcourir/sentirlsortirlsenirlouvrirlsouffrirlbouillirlcuirel-duirel
tenir.

Les 63 groupes sont pluriels ou binaires ou singuliers. Dans la conjugaison en -URE, le
groupe, avec intrure, est binaire (-clure/-trure). Sans-trure (vx.), le groupe est singulier
(-dure) ou plutôt pluriel (con-/in-/ex-, etc.). Les groupes tistre, ouïr sont «vieux» (mais à

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3, o* &i § S

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peine perdus comme ardre; problème difficile cp. Brondal 50), aussi duire¡quérir, au moins en tant qu'unités simples. Outre ces 5 groupes, on verra 8 + 2 groupes pluriels: rendre/ craindreltrairelouvrirlsentirlfînirltéterlparlerl¡résoudre/écrire, 6 + 2 groupes binaires: paraître (conii&ître)ltaire (plaire)/vem> (ttnir)lfaillir (saiUk)/nuire Q.uire)lvaloir (chaloir)// oc-cire (circón-)! ap-paroir (com-), et 40 groupes singuliers. Dans cette configuration, pourtant - dans l'apparition fixée du système - il ne faut pas oublier que l'ordre, la disposition harmonieuse, n'est pas sans un certain arbitraire: la réalité de la langue, les facteurs du temps, des tendances actuelles. Néanmoins il contribue à des observations évidentes:

Dans la partie gauche du système {oùpaître diffère de paraître syllabiquement et de croître vocaliquement: wa unique), les voyelles simples et nasales sont dominantes: i, e/o ouverts (vivre, naître, faire, mordre, tordre, clore; craindre, prendre - exclusivement nasales - rendre, orales et nasales). Dans la partie droite, on voit les voyelles synthétiques: ü(= i+u), ò (= e+o),efermé(= i + e ouvert), o ferme (= u + o ouvert) et la diphtongue v/a.(-clure, céder, pleurer, voir; des formes comme buvant, peut, sied, doit).

La conjugaison en -IRe a une position médiane:

e ouvert (vêtir, servir), o ouvert (dormir), mais aussi ò (cueillir) et é fermé (gésir), aussi punir¡meurtrir/périr fbaudir/choisir (àcôté de saisir, vomir,finir, languir .. .). Ici,la nasale (qui existe dans -RE, mais ne se trouve pas dans -OIRe) existe et n'existe pas: elle ne se trouve pas comme trait de groupe (c.-à-d. dans un groupe exclusivement nasal, comme prendre, craindre), mais seulement en tant qu'unités nasales à côté d'unités orales: sentir, mentir à côté deservir/dormir (groupe sentir), et vrombir, languir, etc. à côté definir, saisir, etc. (groupe finir).

Cette conjugaison à mi-distance se distingue par l'originalité du groupe central venir, groupe qui réunit la nasale et e neutre et qui est le seul à combiner un infinitif sans nasale avec des formes temporelles nasales. La structure de ce groupe binaire est unique: le passé défini monosyllabe nasale; le futur unique en -IRe (cp. à gauche coudra -RE; à droite voudra -OIRe), et la structure initiale des deux unités est dentale (v-, t-) comme la structure mediale (-n-), structure mediale qui est unique comme trait de groupe. La voyelle e neutre est unique dans la conjugaison (elle ne se trouve même pas dans le groupe plurielfinir, qui a toutes les autres voyelles; quérir/quérir varie - é dans des composés). Enfin, la préfixation de venintenir est la plus riche des verbes en -ir (16 + 10).

30 groupes sont monosyllabiques (être¡naître¡paître ¡coudre ¡moudre ¡vivre ¡suivre ¡rendre ¡prendre ¡craindre Icroître¡tistre ¡mettre II faire ¡taire ¡braire ¡I clore II bruire ¡cuire ¡nuire I rire I dire / lire lfrire ¡fuir // seoir I choir I voir / boire I croire), 3 sont mono-clastiques: résoudre¡con-clureloc-cire, et 30 ont une structure dissyllabique paraître II venir / vêtir I sentir ¡finir I écrire I quérir ¡férir / gésir / courir / mourir / ouvrir / cueillir / bouillir / ouïr I haïr ¡faillir ¡I aller I téter ¡parler // avoir I savoir ¡pouvoir / devoir I mouvoir ¡pleuvoir / -paroir f valoir ¡falloir / vouloir.

60 groupes ont la terminaison -r, 3 groupes une terminaison vocalique, e fermé (aUer/téter/parler)
à l'infinitif.

2. Cette subdivision des verbes fait apparaître, par des effets de contraste, mais aussi par un effet de ressemblance, une série de verbes d'un caractère abstrait: être [faire ¡venir : tenir¡aller¡avoir, représentants des cinq conjugaisons hiérarchiques (les deux autres, clore et conclure, sont non-hiérarchiques, comportant chacune seulement un groupe). Des rapports entre les six verbes centraux seront observables comme entre les parties d'un tout, entre des entités comparables.

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Leur structure témoigne de leur communauté (qui est leur stade abstrait): estlfaitl
vient ¡va la ; êtes ¡faites ¡venezlallezlavez ; sont ¡font ¡viennent ¡vont ¡ont ; sera ¡fera viendraliralaura
fut¡fît¡vint¡alla/eut ; soit ¡fasse ¡vienne ¡aille lait.

Ces verbes, instruments utiles à produire des locutions nombreuses, expriment des notions générales, et ils diffèrent proportionnellement - aussi dans leur fonction: être intrans. (faire trans, /venir intrans. ¡tenir trans, ¡aller intrans, ¡avoir trans. - Des constructions avec participe, infinitif, préposition etc. (i7 est tué ¡il a tué ¡ilfait tuer ¡il va tuer ¡il vient de le dire ¡il tient à le dire) confirment leur caractère proportionnel et individuel: être, verbe de délimitation, de définition, est restrictif: avoir, verbe de possession ou de remplissage, est complétif ou intégrant ; faire s'explique par la combinaison de l'intensité/l'accomplissement, aller par l'intégration et l'extension (une forme de 'futur'); venir exprime l'extension discontinue (mouvement + but), et tenir l'intention continue (fixation + durée).

Le groupe binaire est à part. La différence entre venir et tenir - la différence intérieure et personnelle en tant qu'unités- est l'opposition entre la discontinuité et la continuité: aller et venir ' s'éloigner pour retournerl (discontinu)/ avoir et tenir 'continuer à avoir' (continu). Les relations logiques (Brpndal, Leibniz) se cristallisent différemment dans le mot. Les verbes anglais will : shall s'opposent: will exprime la généralité («Boys will be boys»), shall la particularité, l'ingénéralité («the will of the speaker» Otto Jespersen; cp. theprophetic shall).

Le trait fondamental de la conjugaison en -IRe est la synthèse de l'intensité et de l'extension: venir indique le mouvement + le point non-dépassé (Je vous vois venir 'I see what you are driving at' / S'il venait à mourir), tenir fixation + durée (Puisque vous y tenez 'Since you are set upon it' /Je tiens à la liberté). Venir désigne le mouvement comme aller, mais indique aussi un but, élément intensif. Tenir, intensif comme/a//-?, est aussi extensif: la durée au lieu de l'accomplissement (l'intégration) défaire.

Faire ('constituer essentiellement; être la cause de') est intégral/intensif et verbe fondamental
d'une catégorie (-AIRE) tripartite, où les unités, au nombre de six, intègrent trois
types d'une même structure: taire (2 unités), faire (1), traire (3).

Aller (progression, état de fonctionnement) est intégral/extensif. Constituée de parties écartées mais jointes et intégrées de façon à former un verbe un, cette unité est le verbe fondamental d'une catégorie uniforme (verbe 'régulier') et tripartite elle aussi (mener : aller : parler), d'une capacité à intégrer des éléments extra-verbaux (substantif: 'gomme'/'liège') pour en former des verbes (gommer/liéger) quelle que soit l'étendue (enthousiasmer/étiqueter).

Tenir et faire sont des verbes de fixation, de fonction énergique (tenir tête à, faire tête à): la fixation de tenir est durative, extensive (le clou tient), celle défaire effective, intégrale (faire la classe, faire une chambre; cp. l'extension dans tenir sa maison propre, un professeur qui sait tenir sa classe).

Venir et aller sont 'verbes de mouvement': venir implique un point déterminé, aller un point variable, sans fixation (la fixation se fait toujours en dehors du verbe : s ' en aller/ aller à Paris). Dans l'usage courant, la marche infinie - le point qui fuit toujours - semble rare («Je suis une force qui va», mais c'est là justement ce qui est essentiel dans des énoncés comme Ça va/Allons ¡Mais va donc/Tai bien souffert, va! (Cp. // va épiant, écoutant).

La différence entre -IRe (intensif/extensif) et, d'une part, -AIRE, -ORE (intensives toutes
les deux) et, d'autre part, -URE, -ER (qui sont extensives) nous retient également.

Les deux verbes clore et conclure, très différents, ont une opposition frappante, évidente.
Clore exprime une fermeture définitive et intense (clore un passage/clore les yeux 'dormir,

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mourir'/clore un compte 'terminefiebre un marché 'contracter défïnitivement'/Vorc dos 'hermétiquement/Bouc/ie close! ¡Jardin clos de murs ¡pour lui clore le bec!)-Conclure, par contraire, indique une notion linéaire, un cheminement, une étendue (conclure un marché 'to drive a bargain'/JVoMs avons conclu que . . . 'come to the conclusion Vco/îc/t/re une chose d'une autre 'la déduire comme conséquence', etc.). -Clore quelque chose veut dire 'y mettre un terme, en marquer la fin. Mais conclure quelque chose signifie 'mener quelque chose à son terme', c.-à-d. que conclure définit là une ligne de conduite, une voie de passage ou des stades. Une conclusion (cp. clôture) présuppose des idées essentielles auxquelles aboutit le développement: Le cheminement de la pensée (titre de l'œuvre de Emile Meyerson).

Cela implique donc que clore est intensif, -dure extensif. La similitude des deux verbes -la ressemblance structurelle et la signification commune de «fermeture» - est l'effet de l'autre élément qui caractérise ces verbes, à savoir la limitation: -ORE limit/intens., -URE limit/extens. La «conjugaison» de clore, doublement négative (d'où pauvreté extrême), est en opposition totale avec la conjugaison doublement positive, -ER, qui est extensive/intégrale.

-AIRE s'oppose à -ER de même que -ORE s'oppose à -URE: le contraste l'intensité/I'extension. Les verbes/aire, taire etc. sont intensifs, ceux en -ER extensifs (cp. des formations comme dodeliner, chuchoter). Les deux conjugaisons sont intégrales (l'uniformité de leurs unités: -aire; le verbe dit «régulier»). Structurellement, les catégories se ressemblent (comme les unités clore:-clure): elles se répartissent chacune en trois groupes: taire-faire- braire et mener - aller - parler.

Le groupe taire (tu, tut) a un changement vocalique tout commemener (mène, mènera). Le groupe braire comporte une constance de la voyelle comme le groupe parler. Enfin, l'affinité entrefaire etaller est évidente: deux verbes centraux, abstraits, où il y a, dans les formes de chacune des deux unités, 4 voyelles, même identiques, à savoir: e ouvert fait ¡vais, i fitlira, nasale font/vont, afasselaller, va.

Ce résultat- à savoir que -ER, nombreuse et productive, ne comprend que trois groupes et non pas plusieurs comme -IRe - semble étonnant, on dirait presque trop approprié à la constellation avec -AIRE, tripartite elle aussi. Or, premièrement, il est évident que aller est un cas isolé. Deuxièmement, malgré le grand nombre d'unités dans le groupe parler, toutes les subdivisions de ce groupe (-ier, -uer, -iser, -onner, etc.) se conduisent de façon identique. C'est la raison pour laquelle ces verbes sont dits 'réguliers'. Pourtant - troisièmement -, il y a une «irrégularité» dans les verbes en -ER: changement de voyelle (groupe téter), ce qui est un critère essentiel de groupe ailleurs dans le système.

3. Structure

La voyelle de venir, e neutre, diffère plus spécialement de a, voyelle concrète (cp. le:la). La voyelle nasale, de toute façon complexe, diffère de la diphtongue (dont le caractère est une connexité, intensive dans ui, extensive dans wa - cp. suivre : croître). Il faut aussi distinguer entre une voyelle simple: i, u, e/o ouverts, et une voyelle synthétique: Ü, ô, e/o fermés (Ü = i+u; ô = e+o; e fermé = i + e ouvert; o fermé = u + o ouvert).

La conjugaison en -IRe diffère de celle en -RE par la voyelle synthétique, qui est absente dans -RE, mais fréquente dans -OIRe. Inversement, elle diffère de -OIRe par la voyelle nasale, qui, absente dans -OIRe, est importante dans -RE ('trait de groupe': craindre, prendre). La nasale se trouve dans les groupes sentir et finir (à côté de voyelles orales), et, singulièrement - de manière différente et unique - dans le groupe binaire venir : tenir.

La voyelle simple appartient à gauche {vivre, être, faire, clore), la voyelle synthétique à
droite (-dure, téter, cp. parl-er; pleuvoir, u/o et a/o fermés). Les diphtongues apparaissent

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dans -RE {suivre, croître) et -OIRe (wa dominante: voinpouvoir; puis unique) et aussi dans
-IRe (nuire, fuir, moisir, choisir), d'une manière plus balancée.

La terminaison -ir (voyelle + r) diffère de celle de -RE (consonne + r) et de celle de -OIRe
(diphtongue + r). La structure dissyllabique -ir (courir, sentir etc.) ressemble à celle de
parler, la structure monosyllabique dire à celle défaire.

i, voyelle radicale (dire) et voyelle de désinence (-ir), est la «voyelle de la conjugaison».
Simple elle-même, elle se combine avec ü, synthétique, formant la diphtongue ui (nuire ,fuir).

Dans le groupe finir,i se manifeste partout: présent/î/nV (cp. sent, cueille, bout, etc.),-m-, •ira. La combinaison i radicale +ir désinence est l'unité finir, unique dans le groupe finir. Dans le groupe singulier gésir, i de la désinence se retrouve comme/ radicale (gît). Dans le groupe binaire faillir, verbes défectifs, faillir a les formes avec i, saillir les formes sans / (Grevisse).

Les groupes singuliers (16) sont ou vocaliques (8):
direllirelrirelfrirelbruirelfuirllhaïrlouïr (6+2)
ou consonantiques (8):

vêtirlgésirlmourirlcourirlquérirlférirllbouilHrlcueillir (6+2)

Les groupes binaires (5) sont ou vocaliques (2): nuirelcuire, ou consonantiques (2):
venir [faillir - ou bien (1): -cire, complexe.

Les groupes pluriels (4):

écrire: structure vocalique dissyl. Médiale: 2 ou 3 consonnes: -(s)kr-.
finir: structure monosyl. et dissyl.; vocalique (fuir/trahir) et consonantique (finir/pétrir/
meurtrir). Médiale: 1,2,3 consonnes.

sentir: -t-, -rt-, -rv-, -rm- (une ou deux consonnes).
ouvrir: -vr-, -fr- (deux consonnes).

Les formes fondamentales révèlent une distribution ordonnée (comme celle déjà vue dans
l'infinitif):

GERONDIF: Consonne intercalée (dire¡lire¡nuirelcuireloccirelécriretfimr¡hair): 8 groupes.
Sans intercalation (rire¡bruire¡fuir/bouillir/cueillir¡saillir¡mourir¡courir¡ouvrir¡vêtir/sentiri
finir): 12 groupes. Voyelle changée (gisant¡oyant): 2 groupes.

PARTICIPE: Consonne finale (mort¡dit¡cuit¡bruiti¡couvert¡écrit¡confît¡occis). - Voyelle finale:
(monosyl. ri; fui/nui; lu) + (dissyl. ii: venu ¡vêtu /couru ¡féru) + (dissyl. i:fini¡senti¡bouillilcueillilfailli¡suffi¡háí¡oui).

PRESENT: Consonne intercalée: 8 groupes. Sans intercalation: 12+2+1:
rit ¡frit ¡bruit/fuit (terminaison vocalique).

court ¡ouvre ¡cueille ¡saille (terminaison consonantique).

sent/vêt/bout/gît (la consonne de l'infin. au pluriel: sentent/vêtent, etc.)
Changement de voyelle: meurtlquiert. Trois voyelles: VENIR.


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A côte de ces unités simples (32 + 2), il y a des unités plus lourdes ou complexes. Outre -duire (9: induire ¡déduire ¡séduire¡réduire¡enduire\conduire¡produire¡traduire\introduire) et -quérir (4: acquérirlenquérirlrequérirlconquérir), la structure-(s)crire a 9 unités (base: écrire + décrire, récrire, prescrire, proscrire, souscrire, transcrire, inscrire, circonscrire),(s)truire 3 (détruire, construire, instruire), -cire (pe-¡circón-), -fire (suf-)con-) et repentir.

Le groupe nombreux finir, extensif et productif, renferme des structures très variées (toutes pourtant semblables et distinctes des unités des autres groupes par une structure extensive: -/- de la désinence dans toutes les formes du verbe, et -s- intercalé). Le groupe réalise toutes les voyelles sauf e neutre (voyelle de venir; 'ensevelir' n'est pas une unité vraie): i (finir), i/i (bruir); wa; nasale; a, u, e/o ouverts et fermés, ü, ô; et la structure consonantique est variée:

Mediale: t,d,5,z,f,v,n,m,p,b,k,g,§,3,1,r; semi-consonne j (jaillir, etc.), vocalique (fouir,
etc.). Liquide + consonne: rt,rd,rs,rn,rb,r3; rtr (meurtrir), lm (calmir). Consonne + liquide:
tr (pétrir, flétrir), gr (aigrir, maigrir), bl (faiblir), pi (emplir). Enfin st (roustir, bastir).

Initiale: voyelle, t,d,5,f,v,n,m,p,b,k,g,§,3,1,r; consonne + r: tr,fr,vr,br,kr,gr; consonne +
I: fl,bl,kl,gl.

La structure est dissyllabique. Les monosyllabes sont diphthongués, les trisyllabes rares,
mais un signe d'originalité (obéir, garantir). A la différence de la conjugaison en -ER, les
polysyllabes n'existent qu'au moyen de préfixes.

Le groupe/m/r, productif, se spécialise, en accord avec son caractère, dans des formations
adj. +ir (rougir, faiblir, etc.), unités à la fois simples et dérivées (cp. l'intégration absolue en
-ER: diamanter, guillemeter).

L'initiale est ou une voyelle, une consonne, ou plusieurs consonnes:

frire ¡bruire: deux consonnes; haïr ¡ouïr: voyelle
écrire: voyelle (+ deux consonnes), particule.
ouvrir (offrir: couvrir, souffrir): voyelle ou consonne.
finir (hennir, vrombir): voyelle, une ou plusieurs consonnes.

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Tous les autres groupes, pluriels ou singulier, ont une seule consonne (sentir, 6 unités;
venir, 2 unités, etc.).

La mediale est consonantique dans 12 groupes: 8 groupes sg., 4 pi.
8: mourirlcourirlquérirlférirlvêtirlgésirlbouillir¡cueillir

4: sentir (6 unités; 4 mediales: -t-, -rt-, -rv-, -tm-)louvrir (4 unités; 2 mediales: -vr-, -ÍT-)lfaillir
(2 unités; mediale -y)¡venir (2 unités; mediale -n-).

Vocalique:/ùir, monosyl./Aair (ai), ouïr (ui:wi).

Consonantique et vocalique: groupe finir (nourrir, jaillir, trahir, jouir, bruir . . .).

4. Signification

La conjugaison en -IRe, définie par la synthèse de l'intensité et de l'extension, fait ressortir tantôt l'un, tantôt l'autre élément de cette synthèse. Cette opposition - l'alternance de la dominance - se voit dans les groupes binaires (tel que tenir : venir, mais aussi dans des structures élongées, évanouir : épanouir).


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Ces deux unités défectives forment un groupe qui est partiel/total. En tant que verbes incomplets, elles indiquent une «mesure partielle» (moins de/plus défaillir a les formes avec i, saillir les formes sans i (voir Grevisse). En tant que verbes complets,/a/7//r signifie 'faire faillite', saillir 'jaillir; couvrir'; ils ont les formes -ss- et font partie du groupe finir.


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-fire, complexe, est binaire: suf-lcon-, unités complexes du groupe frire. Ici intervient une relation numérative: singularité/pluralité: suffire exprime une entité en soi («le suffisant»), singularité, cohérence, individualité, confire une pluralité. Le participe suffi est un trait personnel, singulier, le participe confit est comme celui de l'unité simple: frit.

Par contraste avec cette opposition dans les groupes binaires, il y a des groupes singuliers où les deux éléments s'expriment à la fois, fortement, d'une manière ambivalente, presque paradoxale (trait souvent archaïque, voir Brondal, Théorie des prépositions 39): gésir, quérir, férir, ouïr, verbes qui expriment un certain déploiement d'émotions ou de cérémonies, témoignage d'un mélange intensif/extensif, tous d'un caractère de solennité, de pesanteur, parfois de facétie.

gésir: Ci-gît/H gisait dans son sang/Ses habits gisaient en désordre sur le plancher/La côte
gît nord et sud/Les minéraux qui gisent dans le sol.

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quérir: aller quérir le médecin/envoyer quérir main forte/'la Pensée de quérir à la Morgue le
cadavre de son enfant (Duhamel)/!'argent se quiert (terme de palais).

férir: féru d'amour/sans coup férir/cheval féru au tendon.

ouïr: 'Ouïtes-vous jamais rien de pareil !'/ouïr les témoins/Le dimanche la messe tu ouïras.

Tous les groupes, pluriels ou singuliers,-ir ou -ire (finir : rire : fuir), portent l'empreinte de la conjugaison - outre le caractère individuel: itératif, perfectif, imperfectif, inconnexe, connexe, etc.; aussi: intensif ou extensif (dire, intensif et perfectif, 'exprimer, indiquer' - l'objet nécessaire -, s'oppose à lire, extensif et imperfectif, 'parcourir des yeux', cp. 'savoir lire'). Cp. les itératifs frire : bruire.

Il y a des rapports plus ou moins étroits entre les groupes. Haïr txfinir (les seuls groupes en -ir qui ont -ss-) montrent une opposition négative: positive (singulier, inconnexe, limitatif, etc. et pluriel, connexe, intégral (roug-ir, faibl-ir)). Le contraste imperfectif : perfectif es\ important: bouillir ('être chaud . . .') est imperfectif, cueillir ('détacher . . .') perfectif ('cueillir q. en voiture', 'il faut cueillir le malfaiteur'). Mourir est discontinu, courir continu ('se dérouler dans le temps'; courir les magasins, «Tu nous cours!»).

Les sous-systèmes que forment les verbes composés (accourir/concourir . . . etc. ou
prédire/dédire . . . etc.) confirment les rapports interliés:


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Les composés de dire, plus variés, ont une opposition entre l'inconnexité et la connexité (dédire .prédire), aussi entre la singularité et la pluralité (contredire : interdire), différence entre la précision (par exemple un but précis, à l'exclusion de tout autre) et un caractère 'pluraliste' (plus vague, indéterminé - cp. 'rester interdit'; s'interdire 'to be disconcerted'), enfin entre l'intensité et l'extension (médire : maudire).

Dans ce sous-système, dire, unité simple, est neutre, redire, indiquant la répétition (intrans/trans. Brondal 41), complexe. Ces deux verbes forment ce que Brpndal appelle une opposition bi-polaire («entre neutres et complexes»). Tous les deux ont -es (vous dites, redites).

Quelle est la différence entre médire et maudire, verbe qui semble se rebeller un peu contre
dire et l'uniformité du sous-système?

médire (intercalaire -z-; cp. les groupes coudre/clore (faire ¡taire) signifie 'insulter à dessein,
dans le but de nuire, avec intention délictueuse'. Il est intensif.

maudire (intercalaire -s-; cp. les groupes croître¡naître/paître/paraître) signifie 'lancer des imprécations contre (q. ou q.ch.), appeler les malédictions du ciel', du monde entier, sans but précis, ouvertement, sans déguisement, sans réticence. Ce verbe est extensif. Ainsi il contraste avec la signification générale du groupe dire, intensif, et montre une parenté avec finir, groupe extensif.

Les 6 composés qui ont-ez (à la différence du verbe simple) se distinguent aussi de dire par
la différenciation intrans /trans.

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écrire


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Ce groupe a 8 unités formées de -crire, partie du verbe écrire. Il s'agit ici, pour ainsi dire, d'un procès inverse de celui du verbe élastique, du verbe fragmentaire préfixé (comme-soudre ou -vertir), car, d'une certaine manière, le système semble regarder toutes les unités de ce groupe comme équivalentes, constituées d'une particule préfixe + (s)crire. Equivalentes, ou plus ou moins équivalentes, car, pour ce qui est de la structure (et aussi de la signification), écrire est à part comme verbe principal, neutre, et les deux unités décrire, récrire diffèrent des unités -scrire, plus lourdes.

Ce qui est commun aux deux unités décrire, récrire, c'est qu'elles s'opposent au verbe neutre. Le préfixe re + verbe simple est complémentaire au préfixe dé + verbe simple (recoudre : découdre, etc.), de manière variée selon les cas. Décrire est intensif ('écrire en détail, complètement et minutieusement'), récrire ('rédiger de nouveau, donner une nouvelle version') extensif.

Le contraste intensif : extensif distingue de même prescrire ('donner un ordre précis, à exécuter scrupuleusement', cp. le terme jurid.) de proscrire ('mettre au ban, frapper d'exil' ; 'un mot, usage . . . proscrit': «kept out, taboo»), et de même souscrire ('signer, accepter'; engagement, adhésion, obligation) de transcrire ('recopier, reproduire, suivre un certain mode d'expression'). La différence, d'autre côté, entre prescrire et souscrire (et aussi entre proscrire et transcrire) est une opposition entre l'intransivité et la transitivité: prescrire et proscrire sont intransitifs, potentiels, souscrire et transcrire transitifs, actuels.

La différence, enfin, entre circonscrire, intransitif, et inscrire, transitif, est analogue à celle des prépositions om:in, néerlandais, um:in, allemand, om:i, danois, mais semble aussi contenir, plus spécialement, un contraste entre la limitation (circonscrire 'marquer la limite; restreindre à la partie située à l'intérieur d'une limite totale, d'un certain périmètre; definirles limites') et l'intégration (inscrire, 'écrire sur un registre, pour faire partie d'un groupe, pour faire entrer de façon continue dans un lieu ou dans un état').

Groupe ouvrir

Les 4 unités forment un système de coordonnées: offrir, couvrir, souffrir, ouvrir - reflet remarquable de TO:ON:OF:BY, prépositions anglaises (v. Brpndal, Théorie des prépositions).Offrir et couvrir étant asymétriques, indiquent la direction, une orientation, l'irréversibilité.Les deux autres, souffrir etouvrir, qui sont symétriques, impliquent labilatéralité, la base (d'un mouvement ou d'une tendance, donc entre autres, l'origine, la source, la notion «du point de départ» (Brondal 73). -Vus de l'autre côté, offrir et souffrir sont intransitifs ou potentiels-plus spécialement intensifs -et s'emploient à propos de l'arrêt, d'une fixation, du point non-dépassé (par exemple un but). Ils s'opposent à couvrir etouvrir, qui sont transitifs,

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c.-à-d. linéaires, actuels - plus concrètement extensifs, spatieux -, avec le sens de ce qui se
passe ou s'étend (les points dépassés: la ligne couverte, 'couvrir une distance', ce qui
s'ouvre.

offrir: 'mettre à la disposition, faire des avances' (asym); 'être caractérisé par' («ce légume
offre une nourriture saine»). Ce verbe est un «donner» potentiel.

couvrir: 'mettre sur' (asym); extension, surface (couvrir les frais; le temps se couvre).

souffrir: (sym:) 'supporter q.ch. de pénible', cp. la base; (intens:) caractérisation ('règle
qui ne souffre pas d'exception), 'être susceptible de' (Cp. Dict. Fr. Contemp.: «souffrir de +
un complément indique l'origine ou la cause»).

ouvrir: (sym:) 'fonder' («o. un magasin et plusieurs succursales»), la base, le point de
départ («o. des négociations»); (extens:) 'ouvrir l'esprit à' ; ouvrir les portes ('écarter); o. une
région du commerce; 'faire fonctionner' (o. la lumière, la radio).

Groupe sentir


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Les 6 unités indiquent ou la direction (partir, sortir, verbes de mouvement) - ou la base
(dormir, sen'ir) - ou bien les deux à la fois: mouvement double, à deux directions [mentir,
sentir).

Un autre contraste distingue partir, mentir, dormir, qui sont inconnexes, de sortir, sentir,
servir, connexes.


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Il y a une différence entre les deux verbes de mouvement:partir est inconnexe ('quitter un lieu', définitivement; 'abandonner un lieu, s'en aller, s'échapper, se dégager, de détacher, disparaître': 'partir de ce monde'/Une tache qui part à la lessive/La peinture commence à partir/Deux boutons étaient partis à la bagarre), sortir connexe ('aller hors d'un lieu'; maintien d'une relation, à ce qui est fixé; où le contact, la liaison établie subsistent: Une source qui sort de la terre/La rougeole est sortie/Un parfum qui sort des fleurs). De même, dormir, inconnexe ('rester immobile ou improductif) diffère de sen'ir, qui, dans toutes ses nuances, est connexe ('servir une personne, dont on dépend'; 'être utile; aider; fournir'). Enfin, cette différence entre l'inconnexité et la connexité se réalise concrètement dans les deux verbes asym/sym.: mentir ('donner pour vrai ce que l'on sait être faux') et sentir ('percevoir par l'odorat': 'répandre une odeur').

Une confirmation de l'importance est l'unité complexe: se repentir, qui - inconnexe et
connexe àla fois- «réunit l'isolement et la dépendance . . „ pour cela l'origine, l'héritage ou
le souvenir» (Viggo Brpndal, Théorie des Prépositions 74).

Groupe finir

Le groupe./?/»/- est productif, et bien que d'un caractère apparenté à celui des groupes parler
et téter, il en est pourtant différent. Les verbes en -ir sont intensifs/extensifs (:forme de

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relation négative/positive), la conjugaison en -ER est doublement positive, définie par l'intégration/Fextension. C'est l'intensité qui, de manière générale, distingue des verbes tels que calmir ¡tenir lengrossir ¡aboutir des formations semblables en -ER (calmerlterrer/engrosserlabouter), - de même que l'intensité dans établir (lat. stabilire) contraste avec l'intégration dans établer (substantif intégré: étable).

L'intégration extensive de -ER forme des polysyllabes (médicamenter, diamanter, aiguillonner, aiguilleter): on y voit un massif quelconque transformé en verbe et intégré dans une conjugaison. Le groupe finir n'a de tels polysyllabes qu'avec des préfixes (anéantir/ appesantir / assujettir/assauvagir/approfondir/abasourdir/abalourdir/abâtardir/appaillardir/ agaillardir/ensevelir/endolorir etc.). Même des trisyllabes (obéir, garantir; type rare) n'existent guère sans une syllabe préfixée, syllabe qui - quelle qu'en soit l'origine (cp. estourbir) - en modifie le sens (ébahir/ébaubir/ahurir, intensifs; cp. étourdir/éblouir). Un néologisme comme alunir implique le but.

L'unité finir (la seule qui a / radical), elle aussi, porte l'empreinte de sa conjugaison ('mener, aller à son terme'): ligne 4- point d'arrivée (en accord avec venir). La série rugir/mugir¡vrombirlbrondir¡barrir¡bourrir (cri des perdúx)lhennir¡vagirlglapirlclapirlglatirlclatir (Larousse) est l'expression d'une intensité, et la formation adj. + ir (à la fois dérivée et structuralement simple): rougir etc. signifie 'rendre, devenir rouge' et diffère des verbes adj. en -ER.

La productivité de -ER, donnée par la synthèse de l'extension et de l'intégration, reste fondée sur l'attachement à un ensemble de conventions sociales où les unités nouvelles s'assimilent comme une partie intégrante du vocabulaire. En revanche, les néologismes en-/r sont non-conformes à la moyenne générale des cas - hors de la norme, spontanés, internes (grinchir¡frangirllaumirtchaumir¡rassirlconirlsolir¡roustir¡tarir¡gauchir¡catir), et l'origine en est souvent «douteuse», sporadique.

Dans la conjugaison en -ER, le groupe singulier aller est indéniablement une intégration, et les deux groupes pluriels font entrer, par l'addition ou par l'extension de sa désinence {brancher, liéger; chapeauter, souffleter), des entités externes massives dans la structure verbale et y intègrent des corps étrangers (bridger/lober/sprinter/shunter) ou des verbes plus simples tels que vivre, dormir, boire (vivoter, dormichonner, buvoter), pour lesquels l'extension a l'effet d'un allongement ou d'une durativité de l'action (toussoter), souvent d'une répétition (ou diminution - produit secondaire de l'action répétée, détaillée, multiple: trembloter 'tremble slightly; flutter; gleam; quaver').

Le suffixe verbal de -ER (-onner, -iser, etc.) est un allongement, parfois une partie du mot intégré (boulonner, boulotter.folichonner, adj. folichon). Le groupe teter (qui a les voyelles e neutre ou e fermé ou bien les deux à la fois: teter, peter ou téter, péter) a, commepar/er, des allongements polysyllabiques (ciseler, taveler, grommeler, tiqueter, craqueter, chuchoter etc.) à côté des intégrations dissyllabiques (métrer, préler, drêger, mécher, stérer, diéser, siéger, etc.).

La conjugaison en -ER est empreinte d'un trait expansif, trait congénère de la continuité (et qui est structuralement marqué par l'absence de r dans la désinence de l'infinitif, car/- est phonème liquide de la discontinuité; cp. /, liquide continu: crisser¡glisser), et, plus que les autres conjugaisons, elle s'étend dans la variation structurale: s sonore, initiale (zinguer, zébrer), ou la dentale nasale mouillé - qui y est incorporée comme mediale (et qui, dans toutes les unités simples du système verbal, ne se trouve que dans le gérondif du groupe craindre), ou la combinaison mediale variée r + consonne (rt/rd/rv/rs/ra/rm/r§/r3/

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rp/rb/rk/rg/rl/rfi). Cp. ce type dans rendre ¡sentir ¡finir, plus restreint (-rd-: perdre;
-rt-/-rv-/-rm-: sentir; -rd-l-ñ-l-rs-l-m-l-ñ-l-Tb-: finir).

La conjugaison en -ER contraste avec toutes les autres conjugaisons. Doublement positive - extensive et intégrante - (ce qui peut expliquer l'absence de -r: e fermé au lieu du r des autres catégories), elle s'oppose diamétralement à la conjugaison doublement négative: clore, unité seule, caractère intensif/limitatif. Elle contraste aussi avec -AIRE. On voit ici une opposition entre une intégration extensive (le grand nombre des 'verbes réguliers') et une intégration intensive, une même structure monosyllabique -AIRE, où l'unité faire, verbe abstrait de l'intensité intégrée («constituer de toutes pièces, mettre au monde» etc.), diffère profondément du verbe aller, expression d'une intégration extensive (v-, ail-), abstrait lui aussi. Dans -IRe, cette abstraction se réalise non pas dans un groupe singulier, mais dans un groupe binaire: venirltenir, car la synthèse de cette conjugaison renferme pour ainsi dire une contradiction intérieure: intens/extens.

On ne trouve pas de néologjsmes dans la conjugaison -URE bien qu'elle soit extensive commefinirlparlerltéter. C'est que cette catégorie-extensive de structure (con-clure/in-trure) et de signification - est limitative (et contraste avec clore, monosyllabique: intensif/limitatif).

-ER, extensive/intégrante, a une formation systématique (-onner, -eler etc.); -IR, extensive/intensive,
a une formation sporadique (laumir, etc.) et extensive ('composée': a-basourdir,
etc.); -URE seulement une extension composée.

Le verbe 'régulier' du grouptparler frappe l'attention. La conjugaison en -ER est, en effet, une catégorie à part: seule de toutes les catégories, elle est définie par deux relations positives, ce qui explique sa productivité et l'oppose à la pauvreté de -ORE, qui, avec une seule unité, est doublement négative: la limitation et l'intensité sont des formes négatives de l'intégration et de l'extension.

La conjugaison en -ER - positive, ouverte (cp. la terminaison vocalique de l'infin. au lieu
de r) - comprend, dans ses unités simples (:dissyl.) toutes les voyelles sauf œ (emprunter et
shunter, angl., dérivées), et c'est la voyelle / qui, après a, est la plus fréquente.

Copenhague