Revue Romane, Bind 13 (1978) 1

Inge Bartning : Remarques sur la syntaxe et la sémantique des pseudoadjectifs dénominaux en français. Institut d'Etudes Romanes de l'Université de Stockholm, 1976. 174 p.

Ebbe Spang-Hanssen

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Les adjectifs dérivés de substantifs, tels que présidentiel, routier, ministériel, cantonal, peuvent être qualifiés de pseudo-adjectifs pour la raison suivante: On estime traditionnellement que l'adjectif de par sa nature profonde exprime une qualité; or ces adjectifs dénominaux expriment plutôt des relations, ce qui se manifeste, entre autre choses, dans le fait qu'il est impossible de les renforcer par des adverbes: *un voyage très présidentiel. Le plus souvent, ils se refusent à l'une des fonctions les plus caractéristiques de l'adjectif, à savoir l'emploi attributif: *le voyage est présidentiel.

L'étiquette de pseudo-adjectifs ne doit pas faire croire que la thèse de Inge Bartning traite d'un phénomène marginal. L'étude de la catégorie des adjectifs dénominaux - catégorie d'une grande importance dans la langue moderne - amène l'auteur à discuter, de façon approfondie, la plupart des critères qui ont été proposés pour catégoriser les adjectifs.

Inge Bartning n'examine pas seulement l'opposition entre adjectifs qualificatifs et adjectifs relationnels, mais encore celles qu'on peut établir entre adjectifs distinctifs et non-distinctifs, ou entre adjectifs à opposition binaire et adjectifs à oppositions multiples. Bien qu'abordant la question de plusieurs points de vue différents, le livre n'a rien de décousu, comme pourrait le faire croire le mot 'Remarques' figurant dans le titre. La clarté de l'exposé et la solidité de la documentation font de cette thèse une bonne introduction à l'étude de la sémantique et de la syntaxe des adjectifs.

S'inspirant des méthodes de la grammaire transformationnelle, l'auteur combine les aspects sémantiques et syntaxiques des problèmes. Elle essaie d'éviter les classements qui ne s'appuient pas sur des faits syntaxiques, et discute la possibilité de rendre compte de la dérivation des différents types de syntagmes. Autrement dit, au lieu de définir les catégories par des notions abstraites telles que destination, source ou inclusion, elle cherche des périphrases simples qu'on puisse relier de façon systématique aux divers syntagmes nominaux. Soulignons qu'elle emploie la méthode transformationaliste avec beaucoup de prudence et insiste autant sur les cas où il semble impossible de trouver une dérivation satisfaisante que sur les constructions pour lesquelles elle peut proposer une structure profonde contenant le substantif qui sera transformé en adjectif dans la structure de surface.

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On a reproché quelque fois aux représentants de l'école transformationaliste de bâtir de grandes hypothèses sur un petit nombre d'exemples. Inge Bartning n'encourt pas ce reproche. Suivant les meilleures traditions de l'empirisme philologique, elle a réuni un corpus d'exemples puisés dans la littérature et dans la presse. Mais elle combine la méthode du corpus avec celle des informateurs, ce qui lui permet d'arriver à des conclusions à la fois nuancées et solides.

Il me semble que la thèse de Inge Bartning prouve bien que le langage de l'école transformationaliste fait avancer l'étude des problèmes sémantiques et syntaxiques. Les questions sont posées avec une grande netteté, et l'emploi d'une notation commune à une grande famille de linguistes permet une discussion qui n'est pas trop marquée par l'incompréhension mutuelle entre les interlocuteurs.

Copenhague