Revue Romane, Bind 11 (1976) 2Introduction aux dictionnaires les plus importants pour l'histoire du français. Recueil d'études publié sous la direction de Kurt Baldinger. Klincksieck, 1974. 185 p.Poul Høybye
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Voilà un livre instructif, utile et amusant, Dans la préface, Kurt Baldinger souligne que son livre «manque d'unité de présentation», mais il a raison d'espérer que ce manque est compensé par la «spontanéité des exposés». Le livre sera un vade-mecum de tous les étudiants, aux différentes étapes de leurs études. Je conseille aux lecteurs de garder les cinq premiers chapitres pour la fin et de commencer par le Bloch- Wartburg (VI) de Pierre Âuger, le Dauzat- Duboìs-Mitterand (VII) de Gilles Roques, le Gamillscheg (VIII) de Georges Merk et le Gamillscheg comparé au DDM et au Bloch-Wartburg (IX) de Max Pfister. Il s'agit de manuels qui partent du français contemporain et qui donnent directement les étymologies. Après avoir lu ces quatre essais, l'étudiant saura ce qu'il pourra y trouver et il aura appris la genèse de ces manuels. L'article le plus riche en détails est l'exposé de Max Pfister (IX). L'étudiant y reviendra constamment et profitera des nombreuses remarques critiques, surtout à l'égard du Gamillscheg. Quand l'étudiant aura abordé l'étude du XVIe siècle, il fera la connaissance du Huguet (Dictionnaire de la Langue Française du XVIe siècle, imprimé de 1925 à 1967). Anne Marguignon a raison de dire: «II est plus aisé de se servir d'une œuvre lorsque l'on est averti de ses défauts et que l'on sait comment les corriger. » Elle ne cache pas les imperfections du Huguet. Mais il faut se rappeler qu'Edmond Huguet (1863-1948) travaillait tout seul et que son dictionnaire date des années 1895-1925, époque où l'on ne disposait pas de bonnes éditions critiques. Pour l'étude de l'ancien français, nous avons le Godefroy et le Tobler-Lommatzsch, que Maria-Sofia Kantor et Willy Stumpff soumettent à un travail comparatif (XI). Godefroy: Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous les dialectes, du IXe au XVe siècle (10 volumes) a été publié de 1880 à 1902. Frédéric Godefroy (1826-1897) avait dépouillé un nombre énorme de textes ainsi que des chartes nonlittéraires allant du IXe au XVIe siècle, textes franciens et dialectaux. Malheureusement il n'a pas dressé de liste complète de ses sources et n'a pas spécifié s'il cite un manuscrit ou une édition imprimée. Tobler-Lommatzsch : Altfranzôsisches Wôrterbuch, dont la parution a commencé en 1915, vient d'être terminé récemment. Les auteurs étaient Adolf Tobler (1835-1910) Erhard Lommatzsch (né en 1886). Le T-L veut donner tout le vocabulaire de l'ancien français et seulement de l'ancien français (du Xle au XIVe siècle). T. et L. sont beaucoup plus critiques vis-àvis de leurs sources que Godefroy et ils attachent beaucoup d'importance à la syntaxe et à la sémantique, mais presque pas à la dialectologie. Pour l'étymologie ils se contentent de renvoyer au REW, au FLW et au Gamillscheg, etc. Le FEW (Walther von Wartburg: Franzôsisches etymologisches Wôrterbuch) diffère beaucoup des dictionnaires mentionnésjusqu'ici, et même un étudiant très avancé ne peut guère s'orienter dans ce dédale sans un fil conducteur. C'est pourquoi le chef du groupe, M. Kurt
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Baldinger, s'en est chargé. J'essaierai de Walther von Wartburg, qui était né en Les 23 gros volumes n'ont pas paru dans l'ordre alphabétique et quatre d'entre eux ont dû être réimprimés. L'aperçu de leurs dates respectives est intéressant en soi. On le trouvera dans le chapitre 11, rédigé par Koji Okamoto et Willy Stumpff. L'idée fondamentale de WvW était de décrire Vhistoire de la vie des mots français et pas seulement leur origine. Il prend pour point de départ la forme la plus ancienne de chaque mot. L'œuvre de WvW et de ses nombreux 1) étyma latins et préromans, 2) éléments d'origine germanique, y compris 3) anglicismes à partir de 1500, 4) orientalia (éléments arabes, persans, 5) emprunts aux autres langues (.breton, 6) éléments d'origine obscure ou inconnue (classement onomasiologique d'après R. Hallig et WvW: Système raisonné des concepts). Après les deux paragraphes (1-2) consacrés à WvW et à la structure du FEW, Baldinger traite, dans les pages 17 à 43, des sujets suivants: 3) But du FEW - concept de Vétymologie (histoire du mot à travers les temps, pas seulement l'origine du mot); à partir de la lettre D : élargissement de la matière (augmentation du vocabulaire littéraire, technique et dialectal), remaniement nécessaire des premières lettres. 4) Critique des dictionnaires français de 1549-1935 (Ei tienne - Dia. de l'Académie) ; remarques importantes sur les motsfantômes. 5) Le vocabulaire des argots. 6) Consultation du FEW. Note importante à la page 25: «Comme la consultation des index par volumes est très fastidieuse, nous avons préparé à Québec un index général qui réunit tous ces index individuels. Nous espérons le publier bientôt. » 7) Le Beiheft de FEW (Explication des 8) La structure des articles. «Chaque article constitue un ensemble en fonction de la corrélation de tous ses éléments. - La lecture d'un article du FEW, pour être fructueuse, doit être globale. » 9) Le FEW se corrige lui-même. Le FEW fourmille de notes de détail qui corrigent ou complètent des passages publiés dans les volumes parus antérieurement. Additions et corrections ou même articles entiers à la fin de chaque volume. 10) Lacunes et erreurs dans le FEW. Exemples amusants de gaffes; Baldinger ne craint pas d'en citer une imputable à sa propre plume. 11) Les mots d'origine inconnue — terrain de jeux étymologiques. Ce paragraphe est un supplément important contenant la solution de bien des énigmes inexpliquées jusqu'ici. L'article IH: Willy Stumpff: «Le changement de méthode du FEW» apporte beaucoup de renseignements sur l'histoire mouvementée du FEW. C'est un supplément utile au paragraphe 9 de Baldinger. L'article IV: Elisabeth Schulze-Busacker: «Les collaborateurs du FEW» est un véritable «Qui est-ce?» indiquant l'apport de chacun des collaborateurs. L'article V: Marga Dekker: «Le REW de Wilhelm Meyer-Lübke ». C'est un exposé bref qui contient le strict nécessaire. La première édition parut par fascicules de 1911 à 1920; réimpression en 1924; troisième édition revue terminée en 1935, un an avant la mort de l'auteur; réimpression en 1968.
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Le projet ambitieux de Meyer-Liibke était de donner tous les étyma, en première ligne latins, des mots de toutes les langues romanes. C'est encore la Bible des romanistes. Un de ses plus grands mérites est de rapporter impartialement toutes les hypothèses émises, à commencer par celles de Friedrich Diez, le vrai fondateur de la romanistique (Etymologisches Wôrterbuch der romanischen Sprachen, 1853, 1861, 1876). Dans cet article, on apprend avec plaisir (et impatience) que, sous la direction de M. Harry Meier, une équipe travaille (à Bonn) à la rédaction du REW 4.
L'article XII: Frankwalt Môhren: «Le Après une critique sévère du petit Dictionnaire de Vancien français de A. J. Greimas, M. Môhren rend compte du nouveau Dictionnaire composé par Kurt Baldinger avec la collaboration de Jean- Denis Gendron et de Georges Straka. Il insiste sur les nombreux points où le DEA F diffère des autres dictionnaires. Le groupe énergique dont il fait partie cherche à éviter ies fautes de principe commises par les prédécesseurs. Il réussit à nous donner une impression vivante de l'amélioration des méthodes sur le plan rédactionnel et technique. On est convaincu que l'automation permettra de travailler vite et sûrement et de donner à cette entreprise une homogénéité qui a manqué aux autres ouvrages de longue haleine. Si, par-dessus le marché, on peut en faire une édition abrégée, une grave lacune pédagogique sera comblée. Pour terminer, je tiens à ajouter que, grâce aux nombreuses notes bibliographiques, le livre de Kurt Baldinger et de ses collaborateurs est un ouvrage de consultation tout à fait remarquable. Copenhague |