Revue Romane, Bind 10 (1975) 2Paul Viallaneix: Le premier Camus suivi de Ecrits de jeunesse d'Albert Camus. Paris, Gallimard, 1973, 304 p.Ghani Merad
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Les «Cahiers Albert Camus » nous avaient déjà présenté La mort heureuse (Paris, Gallimard, 1971), première mouture de L'Etranger. Ce second volet contient d'autres «Ecrits de jeunesse» (pp. 125-287), entre 1932 et 1934, qui ne sont pas tous des inédits: Roger Quilliot en avait déjà publié ou cité quelques-uns dans son édition des Essais (Pléiade, pp. 1169-1219), ainsi qu'il est indiqué p. 126. Par ailleurs, une douzaine de pages sont consacrées à l'origine et à l'établissement des textes (pp. 289-302). 11 n'est point question ici d'analyser ces «Ecrits de jeunesse» mais de faire un compte rendu sur l'étude qui les précède et qui est intitulée «Le premier Camus» (pp. 9-125): les «Cahiers» ne se limitent pas à la publication d'inédits mais, comme ils le signalent au lecteur, ils accueillent «des études susceptibles de jeter une lumière nouvelle sur l'œuvre d'Albert Camus S'appuyant sur des notes que Camus a consignées dans ses Carnets ou sur des lettres qu'il a adressées à ses amis, Paul Viallaneix suit pas à pas la formation «des idées, des sentiments et des mythes qui s'exprimeront plus tard dans une œuvre d'une rare unité». Partant du fait établi que l'œuvre de Camus «devient classique dans la mesure où elle pose plus de questions qu'elle ne donne de réponses», ses»,il recherche les origines et la formation de l'auteur, comme on le fait pour tout écrivain classique. Et ce n'est pas là son moindre mérite. En effet, Paul Viallaneix parvient ainsi à nous montrer ce que Camus doit, en particulier, à Pascal, à Nietzsche, à Dostoïevski, à Proust, à Gide, à Montherlant, à Malraux et à son maître et ami Jean Grenier (Kierkegaard n'est pas mentionné) et ce qui l'oppose à eux. Il réussit à déceler les motivations profondes qui ont fait de Camus un artiste, parce que l'art doit «fixer en formules éternelles ce qui flotte dans le vague des apparences », un écrivain, parce que «l'œuvre est un aveu, il me faut témoigner». A travers cette genèse de la vocation, nous pouvons entrevoir les étapes - le dénuement matériel et moral pousse - le rêve se consigne plus facilement par - La Douleur d'André de Richaud ouvre au jeune rêveur de nouveaux horizons, car mieux que l'oubli, la littérature est une délivrance; - et l'étincelle jaillit à la lecture des Le choix est fait, Camus sera écrivain. Il - il ne versera pas dans le misérabilisme, - il dira la vérité, mais pas toute, par - il ne tombera pas dans le régionalisme, - il adoptera un style sobre, mais non Enfin, ajoutons que, de façon magistrale,Paul Viallaneix réussit à débusquer les différents signes qui, dans la vie ou dans les premiers écrits de Camus, vont préparer ce besoin d'unité et cette chaîne de dualités qui caractérisent l'œuvre entier,l'alternance
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tier,l'alternancedu oui et du non qu'on Mais, s'il est fait insistance ici, tout commechez
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par les siens; Tarrou (La Peste), qui meurt en. luttant contre le Mal; comme encore est seule Janine (La femme adultère,dans L'Exil et le Royaume), qui est tiraillée entre les siens et «les seigneurs misérables» du désert. Paul Viallaneix a su démêler ce qui, dans la jeunesse et les écrits de jeunesse, va préfigurer les constantes de l'œuvre chez Camus, le balancement entre le oui et le non. Mais ce balancement, avant d'être métaphysique et moral, est d'abord politique et social. Si Camus refuse de se lancer dans la littérature engagée, s'il tourne même le dos à "L'Ecole d'Alger» qui fait du «nationalisme littéraire», c'est parce qu'il sait que choisir entraîne fatalement le Mal: «II n'y a pas d'issue», ne cesse-t-il de répéter tout le long de ses écrits. Déçu par l'éthique chrétienne et l'eschatologie marxiste, il sera contre les «certitudes définitives». D'où son malaise et son déchirement, ses antinomies et ses contradictions: il luttera pour la liberté de la France mais condamnera celle de l'Algérie; il approuvera la violence revendiquée par les F.F.I. mais pas celle, plus légitime encore, du F.L.N.; il divinisera la justice, mais fera passer sa mère avant. Cependant, il est sans doute difficile de concilier «l'art et le bonheur des hommes». Copenhague |