Revue Romane, Bind 10 (1975) 1

Gloser et commenter le Testament Villon Le Testament Villon. Édité par Jean Rychner et Albert Henry. I. Texte. 155 pages. II. Commentaire. 305 pages. Textes Littéraires Français 207-208. Droz, Genève, 1974.

Knud Togeby

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Voici enfin l'édition du Testament de Villon que nous attendons depuis 500 ans. Pierre Levet avait fait imprimer en 1489 les œuvres de Villon, et, depuis, on n'a fait au fond que republier cette édition incunable, avec un certain nombre de corrections tirées des manuscrits. Cela est vrai même du second volume des Classiques Français du Moyen Age, publié d'abord, en 1911, par Auguste Longnon, et plus tard par Lucien Foulet. C'est seulement maintenant que Jean Rychner et Albert Henry ont pris la simple initiative de publier un texte basé sur le meilleur manuscrit, le C (Coislin), BN fr. 20041, d'où a été tiré déjà le titre Le Testament Villon. Mais il ne s'agit que du Testament. Il faut espérer que nos deux bienfaiteurs voudront bien aussi un jour donner une édition analogue des autres œuvres de Villon, surtout du Lais.

Le premier volume de la nouvelle édition donne le texte, deux strophes par page, et les variantes en bas de la page, ce qui est bien plus pratique que de devoir les chercher à la fin, comme dans CFMA. Le commentaire du second volume ne concerne que la compréhension littérale du texte, ce qui donne libre jeu, mais aussi certaines limites, aux interprétations littéraires. Pour les comparaisons avec le vocabulaire de l'époque, les éditeurs ont eu surtout recours à la Passion d'Arnoul Greban, tout en constatant que bien souvent le Testament est le premier témoin de tel terme ou de telle acception, preuve de la nouveauté de la langue de Villon.

Villon donne à l'honorable homme Jean
de Calais, qui ne l'a jamais vu, le droit de
corriger son testament (v. 1852 ss):

De le gloser et commenter,
De le diffinir et descripre,
Diminuer ou augmenter,
De le canceller et perscripre,
De sa main, et ne sceut escripre,
Interpréter et donner sens

Ce travail, que Jean de Calais n'a jamais fait, Jean de Neuchâtel s'en est chargé, avec l'aide d'Albert de Bruxelles. Tous deux ont ceci de commun avec Jean de Calais de n'avoir jamais vu Villon. Mais ils l'ont lu.

Cette nouvelle édition du Testament de Villon constitue un très important pas en avant. Un grand nombre de passages, obscursjusqu'ici, sont expliqués pour la premièrefois.

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mièrefois.Villon charge Jean de Calais
d'ôter toute difficulté (v. 1848 ss.):

De tout ce testament, en somme,
S'aucun y a difficulté,
L'oster jusqu'au rez d'une pomme
Je lui en donne faculté.

Les éditeurs modernes ont fait de leur mieux pour faire disparaître toutes les difficultés. Mais le texte est si riche qu'il en contient encore. D'une façon générale on peut s'étonner que même cette édition, qui prend pour base le ms. C, ait trouvé nécessaire d'écarter sa leçon si souvent et sans raison explicite.

Voici quelques commentaires du commentaire,
qui pourraient peut-être servir
pour une nouvelle édition.

Les éditeurs acceptent sans plus la leçon du premier vers En Van de mon trentiesme aage, en traduisant aage par «année de la vie», mais c'est un sens que ce mot n'a pas ailleurs, ni au vers 1832 La plus partie de leurs aages, où il s'agit de deux hommes, ni dans le passage cité de Greban. On aurait dû au moins mentionner la correction proposée par Gaston Paris CRomania 30, 1901, p. 301-12): En l'an trentiesme de mon aage, qui facilite aussi le compte des huit syllabes.

La fameuse expression avoir beu toutes ses hontes (v. 2) est traduite «avoir avalé toutes les avanies et être désormais d'une indifférence complète ». La seconde moitié de cette traduction n'a pas de support dans le contexte. Elle est empruntée au rondeau de Charles d'Orléans Qui a toutes ses hontes beues, II ne lui chault que l'en lui die, auquel renvoie probablement le vers de Villon, mais le sens n'est pas nécessairement le même. A ce propos il aurait d'ailleurs fallu marquer la date des deux poèmes. C'est sur cette interprétation discutable que les éditeurs basent leur explication de toute lu pi calière strophe.

Les éditeurs refusent de voir dans le vers 12 Je ne suis son serf ne sa biche une allusion aux mauvaises mœurs de l'évêque (Frappier, Romania 80, 1959, p. 199). Leur seul argument est que Villon aime les jeux de mots. Mais l'un n'exclut pas l'autre.

A propos du vers 87 jusqu'il moura, les éditeurs disent que il peut signifier soit le cœur, soit le roi. Mais si c'était le cœur, ce serait une simple répétition du vers 85 tant que mon cueur vivra, tandis que le renvoi au roi fait plaisamment penser au fait que Villon vient de souhaiter à celui-ci de vivre aussi vieux que Mathusalem (v. 64) ainsi que l'a montré Foulet.

Au vers 106 il aurait fallu expliquer le mot pourtant, qui veut dire «à cause de cela», le sens moderne ne datant que du XVIe siècle.

Les éditeurs écartent assez brutalement la leçon de C des vers 109-110 Soit vraye voulentê ou ennort, Dieu voit, en y préférant Combien qu'en peché soye mort, Dieu vit. Or, vit n'existe que dans l'incunable, et, dans F, sous la forme d'une correction. Et le passé composé soye mort jure étrangement avec le vers 111 Se conscience me remort, qui correspond en revanche à l'idée de volonté exprimée dans C.

Au vers 159, les éditeurs remplacent la leçon de C Valere pour vray le vous dit par celle de A le bauldit, qui est en effet une 'lectio difficilior', mais peut-être trop difficile puisque ce drôle de présent du verbe bailler, considéré d'ailleurs par Foulet comme un passé simple, est un hapax.

Dans la strophe XXII:

Je plains le temps de ma jeunesse. Ouquel j'ay plus qu'autre gallé Jusqu'à l'entree de viellesse, Qui son partement m'a celle

les éditeurs maintiennent ma jeunesse (v.
169) comme l'antécédent de qui (y. 172),

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en rejetant l'explication de Burger, qui rattache le pronom relatif à viellesse. Une troisième possibilité serait de donner à qui la valeur de «ce qui», l'antécédent étant la parenthèse précédente, cf. vv. 470, 652, 1129, 1902.

Dans la strophe suivante, les vers 181-84

Des miens le mendre, je dy voir, De me desavouer s'avance, Oubliant naturel devoir Par faulte d'un peu de chevance.

pourraient faire penser au style de la Bible et à Judas. Si tel est bien le cas, le vers 184 Par faulte d'un peu de chevance ne signifie pas «parce qu'il me manque seulement un peu d'argent», mais «parce qu'il lui manque ».

Au v. 192, il y a une faute d'impression
dans la variante du ms. C, qui doit être
Qui nia au lieu de Qui n'a.

Pour le mystérieux lui des vers 209-210 Le dit du Saige trop lui feiz Favourable, les éditeurs ne citent pas l'opinion de Foulet, selon laquelle ce pronom remplace le mot cueur du vers précédent. Et pour le bien en puis mais qui suit, leur traduction «c'est bien ma faute» me paraît moins précise que celle de Foulet: «m'en voilà bien avancé».

Dans la strophe XXXVI, où il est question de Jacques Cœur (v. 285), les éditeurs changent la ponctuation de l'édition Foulet, en renvoyant à Burger. Mais la même correction avait déjà été proposée par Mario Roques dans ses Études de littérature française, 1949, p. 67-68.

Au v. 324, les éditeurs voient dans crois tre un verbe signifiant «grincer, craquer», qui se dirait surtout des os. Mais alors pourquoi ne pas préférer le texte de C Joinctes, oz, nerfz croistre et estendre, à celui des autres manuscrits, où oz fait défaut?

A propos de l'énigmatique marcerot de règnes (v. 417), on pourrait peut-être aussi rappeler un proverbe cité par Littré: Au jour du jugement chacun sera mercier, il portera son panier, c'est-à-dire : il répondra de ses fautes, cf. v. 1748 Ou tous furent portepaniers. Les éditeurs ont eu l'astucieuse idée de lire règnes, non pas comme Rennes, mais comme raisnes «discours», déverbal de raisnier.

Fol recreu (v. 442) est traduit par «fou fieffé». Mais si l'on donne à fol le sens de «bouffon» (cf. vv. 1980 et 1701), suggéré par le contexte, recreu signifierait plutôt «épuisé».

Devant l'ambiguïté des vers 447-48, dans lesquels les vieilles femmes voient ces pucellettes Empruncter elles a requoy, les éditeurs préfèrent l'explication de Foulet «les emprunter, c.-à-d. emprunter leurs services (à elles vieilles) », mais une telle construction avec un pronom disjoint objet est quand même rarissime. La phrase devient naturelle si, avec Neri et Sten, on fait de elles un pronom sujet, encadré de deux virgules, reprise emphatique de ces pucellettes, qui «gagnent tranquillement», par opposition aux vieilles, qui ne gagnent rien.

Il aurait peut-être fallu traduire, pour éviter toute erreur, J'en suis bien plus grasse] (v. 483) «m'en voilà bien avancée» (Foulet, Romania 46, 1920, p. 389).

L'application de vostre maistre (v. 544) à la Belle Heauîmière pourrait s'appuyer sur le v. 1631 Ou Vescollier le maistre enseigne.

Clore fenestre (v. 545) est traduit, comme chez Burger, par «fermer boutique», mais il pourrait quand même s'agir d'une autre fenêtre que de la vitrine.

Pour la discussion des vers 552-556:

N'envoyez plus les hommes paistre, Car qui belle n'est ne perpestre Leur maie grâce mais leur rie, Laide viellesse amour n'impestre Ne que monnoye c'on descrye.

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les éditeurs se contentent de renvoyer à un article de l'un d'eux (Rychner, Romania 74, 1953, p. 383-88), ce qui est peu pratique pour les usagers de l'ouvrage. Par ailleurs ils donnent seulement une traduction: «à supposer même que celle qui n'est plus belle n'encoure pas leur hostilité, mais qu'elle leur sourie amicalement, la laide vieillesse, une vieille laide, n'obtient pas l'amour sur demande». Mais cela est vraiment trop compliqué. Il paraît plus simple de faire de perpestre et de rié, non pas des subjonctifs concessifs, mais des subjonctifs impératifs : ce sens correspond parfaitement à l'impératif du vers 552. Même en s'appuyant sur une phrase de Molinet, où perpétrer semble avoir le sens de «obtenir», on comprend mal le glissement jusqu'à «encourir». Ne vaudrait-il pas mieux laisser à ce verbe son simple sens de «faire» et interpréter ainsi: «car celle qui n'est pas belle, qu'elle ne fasse pas leur disgrâce, mais qu'elle leur rie»?

Le vers 605 cesie amour se part est traduit par «se partage, se divise», mais le sens de «partir, disparaître» conviendrait tout aussi bien.

Dans Qui lés meut à ce? (v. 609), il s'agirait «probablement» du passé simple de mouvoir, mais le contexte précédent, auquel renvoie ce ce, est au présent.

Au vers 623, les éditeurs remplacent le
texte de C Cesi pure vérité decellee par

.. . dévoilée, qui n'est dans aucun manuscrit, et non plus dans l'incunable. Déceler ne convient pas là, déclarent-ils. Mais ils traduisent eux-mêmes ce verbe dans un autre texte par «révéler», sens qui irait parfaitement dans le vers de Villon.

Dans la double ballade sur l'influence néfaste de l'amour, le texte de C dit d'Orphée qu'il En fut en danger d'un murtrier Chien Cerberuz (v. 635-36). A cette leçon les éditeurs préfèrent celle des ms. IA ... de mur trier . . . «Orphée faillit en tuer le chien Cerbère», ce qui s'opposerait mieux au «doux Orphée». Cette version est peut-être plus drôle que celle de C, mais elle n'est soutenue par rien d'autre ni dans le contexte, ni dans le mythe, et le verbe meurtrier, au sens de meurtrir, est quand même très rare.

La tradition selon laquelle Sardanapale aurait conquis le royaume de Crète (v. 642) n'a pas encore été retrouvée ailleurs, pensent, avec raison, les éditeurs. Mais on peut cependant faire remarquer que, dans l'article de S. Hendrup, qu'ils citent, on trouve des passages de Laurent de Premierfait où un lecteur pourrait facilement prendre Sardanapale pour Saturne, roi de Crète (Revue Romane 111, 1968, p. 12-13). C'est une confusion de noms, comme dans le cas de Ogier-Olivier (v. 1803).

Au vers 652, pourquoi écrire incestes,
puisque le ms. F, qui en est la base, porte
inceste ?

Dans la strophe LXXVII (v. 769-76):

S'ainsi estoit qu'aucun n'eust pas Receu le laiz que je lui mande, J'ordonne qu'après mon trespas A mes hoirs en face demande. Mais qui sont ilz? Si le demande Morreau, Prouvms, Robin lurgis: De moy, dictes que je leur mande, Ont eu jusqu'au lit ou je gis.

la seconde moitié est particulièrement difficile. Elle est traduite ainsi: «Mais qui sont-ils (demandera le légataire)? Qu'il aille réclamer son legs à M., P., R. T. : de moi, dites que je leur fais ce message, ils ont eu jusqu'au lit où je gis ». Les éditeurs font donc des trois noms des datifs. C'est une construction possible en ancien français,mais elle ne l'est guère plus au XVe siècle, excepté dans les locutions toutes faites. L'exemple cité de Gerson avec faire verbum vicarium contient un objet direct, non un datif: menez moy bonne voye comme vous feistes le Josne Thobie. Par conséquent, il faut revenir à la leçon de

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Burger: S'i le demande «s'il le demande, s'il pose la question», et faire de ce qui suit la réponse de Villon. La grande difficultéme paraît d'ailleurs être la parenthèsedictes que je leur mande, et avant tout la référence de leur. Pour Rychner et Henry, il s'agit de M., P. et R. T., mais pourquoi leur raconter ce qu'ils savent déjà? Pour Burger, il s'agit des légataires, leur étant une généralisation du singulier employé au début de la strophe. Ne pourrait-onpas donner à la phrase le sens de «dites que je le leur envoie», le étant le légataire qui n'a rien eu?

Pour détester (v. 781), les éditeurs rejettent le sens de «rayer du testament», nulle part attesté, et préfèrent celui de «maudire», le plus courant à l'époque. Mais comment le savoir, puisque Villon est le premier à employer ce verbe (Bloch- Wartburg)? Il pourrait tout au moins y avoir jeu de mots, puisque la rime se fait avec tester (v. 778).

Item, donne a ma povre mere (v. 865) : «le complément attendu n'est pas exprimé» - à moins que ce ne soit le titre Ballade, qui suit.

Amour dure plus que fer a mâcher (v. 944) «... que fer sous la dent » - on pourrait aussi penser au verbe mâcher au sens d'« écraser », et au mot mâchefer.

Les éditeurs soulignent la différence entre l'irréel du passé des vers 951-52: Riens ne m'eust sceu hors de ce fait hacher, et celui des vers 679-80 : J'eusse mis paine aucunement De moy retrayre de ses las, où il renvoie à l'amour passé de jadis (v. 673). Mais un mot analogue se trouve au vers 952 si, pour une fois, on préfère la leçon des autres textes: lors, à celui de C: hors. Si l'on identifiait ce fait (v. 952) avec ses las (v. 680), on pourrait peut-être mieux comprendre le mystérieux hacher.

A la fin de la troisième strophe de la ballade adressée à Marthe, les éditeurs placent deux points, au lieu d'une virgule, devant le refrain (v. 963-65) :

Or buvez fort, tant que ru peult courir;
Ne donnez pas a tous ceste douleur:
Sans empirer, ung povre secourir.

en commentant qu'on s'attendrait en réalité à «ne faites pas à tous cette peine de ne pas secourir un pauvre diable». Or, ainsi, le vers 964 n'a plus de sens. La traduction de Foulet convient parfaitement: «N'allez pas affliger tout le monde en vous attardant, au lieu de l'accabler, à secourir un pauvre diable» (Romania 68, 1944, p. 91), surtout si l'on suppose que tous désigne les autres amants, déjà évoqués par le vers 963.

Les éditeurs discutent le titre Lay donné au rondeau Mort, Rappelle de ta rigueur (v. 978), mais sans mentionner le jeu de mots avec legs, cf. laiz (v. 991).

A propos du reau En change . . . Prins sur la chaussée et carreau De la grani costure du Temple (v. 1026-29), on pourrait rappeler l'explication de Harden (Spéculum 33, 1958, p. 349), pour qui cette pièce rare, frappée par Charles VII entre 1429 et 1431, ne pouvait être changée dans Paris, mais devait l'être à l'extérieur.

11 aurait peut-être fallu discuter si rescriptz
(v. 1330) est un passé simple (Burger)
ou un présent.

Sur Jehan de Rueil (v. 1365), il est important de noter qu'il n'était nommé auditeur du Châtelet qu'en 146 i (Fox, French Studies 7, 1958, p. 316), fait décisif pour la datation de la strophe.

Je ne comprends pas pourquoi on ne cite pas, ou on ne réfute pas, à propos des difficiles vers 1411-13 Langues cuisans, flambons et rouges, My commandement my prière, Me recommanda fort a Bourges, la théorie de Thuasne, de Desonay et de Dufournet, d'après laquelle il s'agirait des pièces de drap rouge, découpé en forme de langues, qui vouaient à la vindicte publiqueles faux témoins en matière d'hérésie,donc d'un procès de l'lnquisition et de son bûcher. Quoi qu'il en soit, le vers 1412

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semble bien indiquer que François Perdriera
demandé à Villon de porter un
faux témoignage.

La strophe CLXVI (v. 1776-83) constitue une coïncidence curieuse avec la farce de Pathelin: il y est question d'un drapier, Jaquet Cardon, et d'une Guillemette, qui doit ouvrir sa porte. Ce drapier était évidemment aussi éleveur de moutons, comme celui de «Pathelin», et c'est pourquoi Villon lui donne une bergeronnette (v. 1779). Un tel contexte aiderait sans doute à comprendre le nom de Marión la Peautarde (v. 1781). Ce Jacques Cardon avait d'ailleurs déjà été nommé dans le Lais (v. 123) et y avait reçu, entre autres choses, une oie et deux procès, éléments qu'on retrouve également dans la farce. Rappelons à ce propos qu'au vers 1046 il est question de Pierre Merbeuf, drapier qui faisait commerce de moutons, et qui est probablement le modèle direct du drapier de la farce. Voir Rita Lejeune: «Pour quel public la farce de Maistre Pierre Pathelin a-t-elle été rédigée?» (Romania 82, 196Î, 482—521).

Abstraction faite des cas déjà mentionnés, on aurait pu. dans près de 70 cas. où il n'y a pas grande différence entre les manuscrits, conserver le texte de C, qui aurait été ainsi, dans une mesure encore plus grande, le manuscrit de base: 18, 31, 34, 37, 64, 68, 73, 81, 88, 132, 159, 174, 179, 180, 223, 231, 237, 291, 293, 298, 424, 452, 461, 466, 536, 570, 591, 599, 600, 628, 634, 675, 724, 741, 753, 760, 788, 798, 973, 1029, 1128, 1155, 1173, 1176, 1231, 1235, 1355, 1377, 1403, 1437, 1463, 1503, 1508, 1568, 1570, 1586, 1629, 1645, 1711, 1722, 1731, 1747, 1769, 1792, 1805, 1810.

Mais il est bien certain qu'on ne peut pas conserver les leçons de C dans tous les cas. Il faut avant tout abandonner une série de graphies gênante^ rie ce manuscrit, qui présente constamment se pour ce, et ses pour ces, et qui ne supprime pas les e elidè;». Si nous ne tenons pa.& compte de ces variantes purement graphiques, et que nous nous en tenions aux véritables différences de mots et de constructions, il reste encore environ 130 cas, pour lesquels il faut quitter le texte de C et chercher la solution ailleurs. Dans la nouvelle édition, ces cas se répartissent de la façon suivante :

La leçon définitive est empruntée aux deux autres manuscrits F et A, et à l'incunable I, entre lesquels il y a accord, dans 60 cas environ: 92, 186, 188, 189, 192, 212, 222, 224, 273, 283, 317, 318, 333, 339, 374, 416, 419, 467, 567, 582, 605, 610, 667, 668, 686, 695, 705, 708, 716, 781, 799, 805, 814, 854, 877, 929, 941, 916, 1016, 1042, 1114, 1176, 1189, 1239, 1241, 1246, 1274, 1292, 1313, 1314, 1315, 1341, 1369, 1383, 1429, 1447, 1457, 1661, 1665, 1668, 1674, 1825, 1838, 1949.

La leçon adoptée est celle de F et A dans 20 cas environ: 218, 264, 299, 313, 315, 322, 489, 684, 899, 936, 943, 980, 1254, 1322, 1526, 1598, 1667, 1689, 1801.

La leçon préférée est celle de F et I dans
six cas: 527, 554, 9Í7, 1004, 1092, 1888

F fournit seul le meilleur texte dans dix
cas: 41. 390, 391, 397, 409. 652. 889, 992.
1062, 1953.

A et I présentent ensemble le texte préférable dans les dix-sept cas suivants : 95, 338, 440, 823, 863, 1180, 1238, 1311, 1484, 1490, 1582, 1650, 1670, 1752, 1759, 1974, 2001.

Le manuscrit A n'est presque jamais seul à conserver un texte supérieur aux autres sources: 96, 773, 1140, 1453, 1486, 1524, 1555, 1561, 1573, 1863.

La première édition imprimée, celle de Levet, indiquée par la lettre I, qui jusqu'ici a servi de base à toutes les éditions, n'est plus la seule à donner le meilleur texte que dans les six cas suivants: 219, 1496, 1632, 1648. 1679. 1852.

Enfin, les éditeurs ont dû recourir à des
leçons conjecturales dans une vingtaine
de cas exceptionnels: 699, 708, 829,

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1012, 1050, 1066-1069, 1122, 1202, 1300,
1307-1312, 1358, 1601, 1710, 1844.

Le résultat de cet énorme travail des exécuteurs du Testament de Villon est que nous avons maintenant une base autrement solide qu'avant pour appliquer au texte la théorie des couches de significations multiples, que Jean Rychner et Albert Henry regardent avec un scepticisme souriant.

Copenhague