Revue Romane, Bind 10 (1975) 1Peter Kemp: Théorie de l'engagement. Éditions du Seuil, 1973, 319 + 188 p.Knud Togeby
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Le compte rendu de cette thèse de théologie, soutenue à l'université de Copenhague, n'en abordera que l'aspect linguistique et littéraire, c'est-à-dire un tout petit chapitre qui, au début de l'ouvrage, est consacré à l'étymologie du mot engagement et à Montaigne. J'ajouterai seulement que le texte français est si parfait qu'un Danois ne saurait en être le seul responsable. Peter Kemp aurait dû indiquer, dans un avant-propos, le nom de celui ou de ceux qui l'ont aidé à réaliser ce petit miracle. Le chapitre en question a pour titre «L'étymologie de l'engagement», formule qui confond, de façon symptomatique, philosophie et linguistique. L'engagement n'a pas d'étymologie, c'est seulement le mot qui en a une. PK le fait dériver du verbe latin vado, sans la caution d'aucun dictionnaire étymologique. Et ses autres indications sur l'histoire du mot sont également incorrectes. Les conséquences n'en sont d'ailleurs pas graves. PK aurait pu se dispenser d'écrire ce chapitre, qui est sans importance pour son sujet. Il a voulu, à la manière de Heidegger, tirer des conclusions de l'étymologie du mot pour mieux en comprendre le sens, mais c'est là une procédure qui ne peut qu'induire en erreur. En linguistique, nous sommes depuis longtemps convaincus que la définition synchronique d'un mot est en principe indépendante de son histoire. Est-ce qu'on ne distingue pas de façon analogue, en théologie, entre le Jésus-Christ historique et le Jésus-Christ de la foi ? Dans le même chapitre «étymologique » PK a placé Montaigne, qu'il maltraite d'une façon inouïe, le citant dans un charabia où alternent français du XVIe siècle et français moderne, l'accusant de n'avoir pas voulu s'engager, lui qui était maire de Bordeaux et collaborateur d'Henri IV, lui reprochant d'avoir fui la peste, à lui qui dit dans ses Essais que «c'est une mort qui ne me semble des pires». PK dit que Montaigne «refusa de s'attacher à l'un ou l'autre des belligérants dans les guerres de religion» - en effet, car il s'attacha à la troisième force, au parti de la paix. C'est seulement si PK, par sa thèse théologique de l'engagement, veut dire que s'engager signifie tuer ceux qui ont une autre foi religieuse, qu'il peut conclure que Montaigne ne s'engageait pas. «Je m'engage difficilement» est un mot de Montaigne que cite PK pour prouver qu'il ne s'engageait pas. Mais l'ami de La Boétie et d'Henri IV s'engageait, pas à la légère, mais sérieusement, difficilement. Dans la première phrase du chapitre suivant, sur Pascal, PK résume sa caricature de Montaigne par ces mots: «L'engagement de Montaigne n'a pas un sens existentiel», et il fait commencer l'engagement avec Pascal. Mais c'est justement chez Montaigne que Pascal a appris ce qu'est l'engagement. A moins qu'on ne veuille réduire l'engagement
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existentiel à quelque chose de chrétien, nous quittons les sciences humaines pour Copenhague 1: Pour l'aspect théologique de la thèse, on peut se rapporter à Teologiens krise til débat (éd. Vintén, Copenhague, 1974), où sont reproduites les oppositions de MM. de Certeau, Mehl, Ricœur et Stybe à la soutenance de la thèse de M. Kemp (N.D.L.R.). |