Revue Romane, Bind 10 (1975) 1

Weber D. Donaldson, Jr. : French Reflexive Verbs: A Case Grommar Description. Janua Linguarum, Series Practica, 194, Mouton, La Haye 1973. 118 p.

Michael Herslund

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1. Malgré l'accueil généralement favorablequi a été réservé à la grammaire casuellelors de sa présentation par Fillmore (1968), cf. p. ex. Langacker (1970), les monographies qui s'en inspirent sont étonnamment rares. En ce qui concerne la ¦description grammaticale ries langues romanes,je n'en connais en effet que deux: Goldin (1968) et l'ouvrage dont il va être question maintenant. Si Goldin se contente,dans

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chescasuelles,et qui, en dernière analyse, les ont inspirées. Que j'aie des objections à formuler contre la manière dont D. emploieson modèle (et la théorie transformationnelleen général) ressortira de ce qui suit, bien que cela ne veuille pas dire que je nie l'importance de la conception globalede l'ouvrage et de la méthode mise en œuvre.

2. Dans le premier chapitre, Introductory Remarks, D. ne s'écarte pas du chemin tracé par Fillmore, hormis quelques remarques sur les verbes pronominaux du français. On ne s'attendra donc pas à un examen critique du modèle proposé. Au contraire. Espérons que la dénomination F(active), le cas de l'objet résultatif, n'est qu'une faute d'impression: il faut, bien sûr, lire F{actitive). Dans ce chapitre, D. cite des constructions avec des locatifs (lire: des NP qui, dans la structure sousjacente, sont dominés par le cas L(ocative)) d'un nombre de languesl : on aura, dépendant du choix de sujet, (25) La chambre est froide ou (19) // fait froid dans la chambre, les deux dérivés de près froid [dans la chambre]i,, (19) par une transformation de copie du constituant dans ¡a chambre, ensuite pronominalisé comme il, opération sur laquelle je reviendrai plus tard.

3. Le deuxième chapitre traite des verbes réfléchis, et D. aborde des questions plus générales de la grammaire transformationelle. Dans le traitement de ces questions, il y a un curieux mélange d'éléments relevant de la théorie transformationnelle d'avant 1965, et du modèle standard présenté par Chomsky (1965). En ce qui concerne les propositions subordonnées, ou bien un symbole postiche est remplacé par un S, créant ainsi un indicateur syntagmatique généralisé («generalized P-marker»), et c'est là la pratique avant 1965, ou bien les règles de base contiennent un symbole récursif S quine remplace donc rien du tout, et c'est là la pratique la plus répandue après 1965. D. combine les deux; mais est-ce qu'il y a une seule raison valable pour avoir la structure sous-jacente [N [qqch] + S]np dans le cas d'une subordonnée? Si l'on inclut S comme symbole récursif dans les règles de base (ce qui est le cas quand il s'agit de propositions relatives, (11) p. 10), à quoi bon le symbole postiche (N [qqch]: 'quelque chose')? Et quelle est la justification d'une structure contenant les deux à la fois 1

3.1 Au lieu d'aborder le terrain dangereux et compliqué de la pronominalisation, D. aurait mieux fait de renvoyer le lecteur aux traitements déjà existants, comme p. ex. Lees et Klima (1963), Ross (1969). Le chapitre laisse le lecteur totalement désorienté:pris dans le tourbillon des termes techniques de la grammaire generative transformationnelle des 15 dernières années,termes tels que «cycle», «recoverabilityof deletion», «erasure transformation»,D. se noie, entraînant à sa suite le lecteur mal préparé. La planche de salut qu'aurait constituée la formulation de la transformation réflexive ne fait qu'aggraverla situation: «To insure strict identity of coreferents, the Reflexivization rule will be defined as an erasure transformation.The erasure transformation very preciselydefines the term identity, and there is no need to state separately the restrictionon



1: Dans les exemples du russe, transcrits en caractères latins, on trouve la préposition b (sic) à deux reprises. S'agit-il donc d'une banale faute d'impression?

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tiononthe Reflexivization rule that the antécédent and repeated nouns are the same entities» (p. 24). Voici la «erasure transformation» qui assurera l'insertion correcte des pronoms réfléchis :

(1)


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Ce qui n'est sûrement pas une transformation d'effacement. Elle n'assure donc rien du tout. Comme elle n'efface rien, la contrainte générale imposée aux transformations d'effacement ne pourra pas être invoquée ici: cette contrainte dit qu'un élément effacé devra être récupérable ou bien à partir du contexte, ou bien au moyen de contraintes générales de la langue, ce que D. identifie à une répétition (p. 24). En effet, (1) est une esquisse d'une transformation qui introduit un trait syntaxique (soi: «+ [reflexive], f[pronoun], + [person]» (p. 24)), d'où sont omises les conditions d'application, ce qui est tout à fait acceptable pourvu qu'on prévienne le lecteur Mais il ne faut pas faire croire aux gens que (1) est une transformation d'effacement.

De même, la notion de cycle demeure énigmatique: mêlée aux traits «archaïques» de la description tels que «constituent sentence», «matrix sentence», «generalized phrase-marker», etc., cette notion se confond avec le principe qui consiste à appliquer les transformations singulières avant d'enchâsser la phrase constituante dans la phrase matrice. Cette confusion terminologique ressort très clairement: «the Reflexivization rule will be considered as a singulary cyclic transformation » (p. 24). Ou bien la grammaire engendre des phrases-noyaux («kernels», expression également employée par D.) et contient une liste de transformations, singulières et généralisées: dans un tel modèle, la notion de cycle n'a guèie de sens. Ou bien la grammaire engendre des structures turesabstraites contenant des S subordonnées sur lesquelles sont appliquées les transformations cycliques (pré- et postcycliques): dans un tel modèle, la notion de «generalized phrase-marker » n'a guère de sens. Plus qu'une simple question de terminologie (et, partant, d'exposition et de pédagogie), les deux modèles émettent des hypothèses différentes sur le fonctionnement des langues naturelles. Voilà pourquoi j'ai trouvé important de m'en occuper assez longuement.

3.2 Nulle part D. ne discute du bienfondé du procédé de Fillmore qui consiste à introduire des prépositions comme constituants des cas, selon les règles de base:


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(2)

(voir ci-dessous pour une discussion de la question de savoir quel sera le satut des cas dans la structure linguistique), au lieu d'introduire transformationnellement ces prépositions. Etant donné que les prépositionsqui caractérisent le plus souvent O(bjective) et F(actitive) sont 0, et que le choix d'une préposition en structure de surface est souvent idiosyncrasique, dépendantdu nom régi, la dernière propositionn'est pas sans quelque mérite. D. semble même envisager une telle possibilité,p. 28, en traitant des verbes transitifs indirects (nuire), mais il demeure peu clair s'il préfère effectivement un marquage lexical (note 8, p. 28) qui modifie le fonctionnementdes règles de base. Malheureusement,D. ne donne pas de règles explicitespour la réécriture du constituant K, p. 10; il se contente de remarques générales(note 8, p. 12). Quoi qu'il en soit, il semble ¿vident que le modèle de Fillmore, où les éléments lexicaux sont insérés dans

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les «trous» casuels contenant des prépositions(cf. (2)), comporte beaucoup de redondances et rend nécessaires nombre d'ajustements, autrement superflus.

3.3 II y a plusieurs autres points dans l'interprétation de la grammaire casuelle sur lesquels je ne suis pas d'accord avec D. Pourquoi le verbe dormir demanderaitil un v4(gentive) qui devient le sujet superficiel, cf. (114) Je dors. + [A], à la différence de (se) mourir, s'évanouir qui demandent un £>(ative) («thè case of thè animate noun affecîed by thè state or action identified by the verb as opposed to A (gentive), which is the case of the animale perceived instigator of the action identified by the verb» (note 7, p. 10; paraphrase de Fillmore (1968), p. 24)?

Dans les constructions s'en aller, s'endormir, en est interprété comme une pronominalisation d'un NP < L (dominé par), ce qui s'explique évidemment par son origine historique (dans le cas de s'en aller, du moins). Comme on trouve des phrases telles que (107) Je m'en vais de la ville, et que le modèle de Fillmore ne prévoit qu'une seule occurrence d'un cas par phrase, cette interprétation devient problématique, ce qui, pourtant n'amène pas D. à mettre en doute le bien-fondé de son choix. Il préfère un procédé qui ressemble fort à un subterfuge: le constituant de la ville est un «outer Locative», dominé directement par S (un «inner Locative» serait un constituant immédiat de la Proposition, cf. (2)). Ce procédé est employé pour la première fois p. 23. Comme D. ne se donne pas la peine d'expliquer au lecteur ce qu'il entend exactement, et que ses règles de base ne contiennent pas de tels constituants, je l'expliquerai ici brièvement. Si l'on considère la phrase (3), qui est une phrase du même type qu'un exemple bien connu de Lakoff (1970 a)2:

(3) A Copenhague, l'équipe danoise a
gagné, mais cela n'arrivera pas à Madrid.

on voit que cela ne peut représenter que réquipe danoise a gagné; autrement dit: le pro-phrase cela ne représente pas à Copenhague qui se trouvera donc en dehors de la phrase (de la Proposition, pour reprendre les termes de Fillmore). Il est possible qu'il s'agisse d'un L extérieur dans (107), mais la démonstration fait défaut. Et les phrases (4) et (5) semblent prouver le contraire :

(4) Jean s'en va volontiers du bistro,
mais cela n'arrive pas souvent.

(5) *Jean s'en va volontiers de l'église,
mais cela n'arrive pas souvent du bistro.

Ces phrases montrent, en effet, une cohésion entre s'en aller et le complément de N assez forte pour interdire le statut de locatif extérieur à de la ville de (107). C'est pour cette raison que j'ai parlé de subterfuge.

4. A deux reprises, D. parle de l'ancien français. A la page 34, il nous apprend: «twelfth-century French where strings such as // miens chastels *my castle* were the normal possessive forms» (.note 15). La construction est possible, évidemment, mais ce n'est guère la construction normale(non marquée). De nouveau, p. 56, note 43: «Alfred Ewert ... points out that thè compound tenses of pronominal verbs in Old French were formed with avoir». Il faut rendre justice à Ewert (1933) qui dit exactement ceci, p. 235: «The compound tenses of pronominal verbs are formed with être, but in O. F.,



2: Fillmore (1968) effleure la question, note 34, en citant Hall (1965).

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as in modem popular speech, avoir is common ». Ewert a peut-être surestimé la fréquence de l'emploi d'avoir (qui est en effet assez rare), mais il ne dit pas ce que veut lui faire dire D., lequel n'a apparemmentjamais consulté un texte en ancien français.

5. Examinons maintenant d'autres détails du modèle transformationnel de D. A propos du problème de la possession inaliénable,(118) Hélène se lave les mains, D. critique le traitement de Langacker (1966), qui, selon lui, ne peut expliquer le pronom réfléchi de (118) et, par conséquent, distinguerentre possession inaliénable et possession aliénable. Certes, je suis d'accordavec Fillmore et D. pour ce qui est du deuxième point, mais la critique dirigée contre Langacker, dont le point de départ est la structure (117) Hélène lave les mains # les mains sont à Hélène #, non seulementn'est pas juste mais ne tient pas debout: «The constituent noun Hélène 'Helen' is shown to be dominated by a différent source sentence from it« antécédentnoun» (p. 41, cf. (117)). Ce qui naturellement n'empêche pas que le constituantHélènei se trouve dans la même phrase simple que Hélènei, au moment où opère la «Reflexivization». D. commencesa critique en répétant que Refi est une transformation singulière cyclique (ce qu'il prétend avoir démontré, mais tel n'est pas le cas), et tire la conclusion citée après n'avoir jeté qu'un seul coup d'œil sur la structure profonde proposée (117), c'est-à-dire avant que n'ait été appliquée une seule transformation. Mais il est évident que, pour dériver (118) de (117), les deux occurrences de Hélène se trouveronttôt ou tard dans la même phrase simple (dominées par le même S), ce qui déclenchera la transformation Refi. Dans la note 27, D. se trompe purement et simplement: la transformation Refi s'applique uniquement aux constituants

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en effet, que Refi est une règle cyclique, mais sans contrainte globale. Si, par quelqueopération du cycle, deux constituants coréférentiels se trouvent dans la même phrase simple au moment où est appliquée Refi, nous aurons un pronom réfléchi, sans qu'il soit tenu compte du point de départ. (6) a. est dérivé de (6) b. par Montée du sujet et Refi:

(6) a. Jean se croit malin,
b. Jean croit [Jean malin]s

(7) a. de (7) b. par Passif, Montée du sujet
et Refi:

(7) a. Jean s'est fait connaître.
b. Jean a fait [qn connaît Jean]s

Ces dérivations sont impossibles dans l'interprétation de D. La note 29, et les explications de «contre-exemples» de ce type, sont très peu convaincantes.3

Les arguments à l'appui de la dérivation
des constructions «possessioninaliénable»
par une règle de base :


DIVL3665

(123)

un jD(ative) introduit directement comme constituant d'un NP, sont donc à chercher ailleurs. I! y en a, en effet, un certain nombre (cf. Fillmore (1968), p. 61 ss.). D. ne les mentionne pas, et le point de départ de sa démonstration devient alors ce qu'il fallait démontrer: «PMI7 (cf. (117)) cannot underlie 118 for tvvo simple reasons: the semantically équivalent nouns are from tvvo différent source sentences and sentential embedding is the source for alienable (l'option supérieure de (123)) and not inalienable possession» (p. 43).

Avec la dérivation de (132) rai cassé ma jambe. 'I broke my (artificial) leg', il devient clair que D. recourt à des contraintes globales. La règle de Genitive Formation introduit, sur le deuxième cycle, l'ensemble de traits [Gen, + L^U» après la réduction de la proposition relative (le S des traits) sur le premier cycle. On passe donc de par je\ past casser 0 la jambe à je\, structure qui ne peut pas montrer que à jei est une proposition relative réduite et non pas un D adnominal, à par jei past casser 0 la jambe [jei, Gen, + [S]], dérivation qui ne sera justifiée dans aucune théorie transformationnelle sans qu'interviennent des contraintes dérivationnelles prenant en considération des arbres syntaxiques qui ne sont pas adjacents dans la dérivation.

Le troisième cas de contrainte globale se trouve p. 54: «We shall argue that the past participle of ail pronominal verbs - including those described as absolutely pronominal - agrées with the reflexive pronounif it functions as an object-formed O case. » Dans toutes les dérivations faisant l'objet d'une description quelque peu détaillée,la règle Verbal Affix (qui doit inclureles désinences du participe passé, on le devine (?)) suit Subject Préposition Deletion,Object Préposition Deletion (cf. p. 13: «Subséquent T-rules such as Subject- Preposition Deletion, which deletes both préposition and case category symbol ... ») et Pronoun Placement, c'est-à-dire



3: Selon D., un pronom possessif réfléchi sera donc limité à l'expression de la seule possession inaliénable, ce qui n'est évidemment pas le cas ni du danois sin, ni du latin suus, ni du russe svoy. N'oublions pas que le modèle proposé a des ambitions universalistes; d'autre part, l'emploi du pronom réfléchi en français semble assez identique à son emploi dans les autres langues citées pour justifier le parallèle.

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que les règles d'accord n'ont pas accès à l'information requise sans une contrainte globale. La. conclusion qu'on en tire, à savoir que D. emploie des contraintes globales sans nous le dire et, apparemment,sans s'en rendre compte lui-même, est corroborée par des remarques vagues concernant la composante phonologique, p. 56: «Avoir and être insertion rules corne very late in the phonological component. » II doit s'agir ici d'une erreur de plume: personne n'a jusqu'à présent proposé de règles phonologiques tardives insérant des constituants indépendants (qui, de surplus,participent aux transformations syntaxiques!).Je pense que D. sera d'accord avec moi sur ce point: à savoir que toutes les règles d'accord sont appliquées ensembleaprès l'insertion d'éléments purement«fonctionnels» (pronoms, p. ex.) au moyen de règles qui ont accès à la structuresyntaxique dérivée (de surface). Ce n'est donc pas «très» tard dans la séquencede règles qui constitue la composantephonologique. Si ce point est accepté,la conclusion s'impose, pour D.. que les règles d'accord sont des règles globales, s'exerçant sur la dérivation entièredepuis la structure profonde (casuelle)jusqu'aux dernières règles phonologiques.Ce qui n'est nullement à exclure a priori: d'autres phénomènes d'accord semblentexiger des contraintes globales, cf. Lakoff(l97o b), Andrews (1972), pourvu qu'on se rende compte des conséquences théoriques.

Pour décrire l'accord du participe passé en français, on n'aura pourtant pas besoin de contraintes globales. On pourra éviter cet attirail théorique problématique si l'on ajoute des traits pertinents au constituant en question avant l'effacement des indications casuelles (p. ex. [NP]o -*• [NP, 4- O]) ce qui assurera l'opération correcte des règles d'accord. Un pareil traitement est peut-être implicite dau:> la. description de D., mais il y reste implicite.

Nous avons donc vu trois cas où la description présuppose des contraintes globales (Refl, Gen, Accord), ou bien où le manque d'explicitation impose une telle conclusion. Qu'on se rappelle que grammaire generative veut dire grammaire explicite.

A la page 52, D. introduit la transformation de Infinitive Embedding dans la dérivation de la phrase (140) Le pacifiste s'est fait brûler. Voici une explication de cette transformation (p. 53): «The Infinitive Embedding rule deletes the sentence boundarics of the constituent sentence (la subordonnée) as well as the constituent NP which is identical to the matrix AT. » Selon cette explication, il y a une frontière # de trop dans la version «formalisée», p. 52 (on cherchera en vain cette règle dans l'appendice Transformational Rules (by alphabetical order) : à la confusion théorique et terminologique du livre s'ajoute un certain manque de finition). Curieusement, Infinitive Embedding ne dit rien du tout de la forme verbale, l'infinitif; D. ne se donne même pas la peine d'effacer le constituant past. La suite terminale pertinente de (140) est faire past brûler past, ce que des règles morphonologiques convertissent en est fait brûler. Règles en vérité très puissantes!

Une autre objection à l'analyse de (140),
cette fois d'ordre «casuel», est le choix
du cas pour la subordonnée: elle est dominépar
O. Mais si jamais on a besoin de
c'est ici, pour exprimer que
faire est un verbe factitif. Mais là aussi,
D. suit sans discussion Fillmore, qui ne
prévoit pas d'autre relation casuelle avec
le reste de la phrase pour une subordonnée
que le seul O. Décision problématique et
inutile: si une subordonnée ne saurait
être ni A ni D, réservés aux seuls animés
(selon Fillmore), il ne s'ensuit pas qu'elle
sera exclue des autres, p. ex. /(nstrumental):
// l'a fait en pressant le bouton, I et
F: II l'a fait chanter en le pinçant. Ironiquement,D.

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ment,D.parle, p. 54, de «factitive sentences».

6. Le modèle casuel et les données du français permettent à D. de mettre en question des conclusions récentes sur la coordination, conclusions avancées p. ex. par McCawley (1968) sur la base des seules données de l'anglais. La présence du pronom réfléchi en français permet une explication intuitivement plus agréable que celle de McCawley qui dérive John and Harry are similar de [John and Harry]sp are similar (avec des syntagmes coordonnés au lieu de phrases coordonnées). D. formule la structure profonde de la phrase française correspondante John et Harry se ressemblent comme (202) # John ressemble à Harry et Harry ressemble à John #, qui est nécessaire pour rendre compte du pronom se (et de l'occurrence éventuelle de l'un (à) l'autre dans les constructions réciproques), phénomène que la proposition de McCawley ne peut pas expliquer.

La relation de paraphrase entre (46) Pierre se bat avec Jean, et (47) Pierre et Jean se battent, est expliquée par la relation casuelle C(omitative). Mais la dérivation de (46) pose un problème en tant qu'elle demande l'ordre sous-jacent des cas A, O, (normalement, D. présuppose l'ordre inverse). D. recourt donc à une transformation A and O Permutation. A ce point, l'emploi qui est fait de la grammaire casuelle devient presque parodique: comme les cas spécifient des relations sousjacentes et ne représentent pas des constituants (il est clair que D., comme Fillmore (1968), ne distingue pas très bien ces deux notions), il est déplacé, pour ne pas dire davantage, de parler d'un ordre sous-jacent de ces relations. L'avantage de la grammaire casucllc sur le modèle standard est justement qu'elle ne spécifie pas d'ordre parmi les éléments mais seulement des relations entre les éléments dans les structures les plus profondes. Ainsi, a priori, elle est une «candidate» plus sérieuse au titre de structure linguistique universelle. Ce sont les règles de sujet, d'objet, etc. qui déterminent l'ordre spécifique pour chaque langue.

Selon D., le se de (46) représente, en structure profonde, non pas Pierre mais Jean avec Pierre, ce qui, intuitivement, ne semble pas tout à fait évident. Cette interprétationsemble correcte dans le cas de (47). Mais la grammaire de D. ne peut pas rendre compte du fait que le pronom réfléchi dépend crucialement du sujet dérivé,et qu'il sera toujours interprété comme représentant la même entité que le sujet dérivé, sans égard à la structure profonde. La dérivation proposée est excluepour une autre raison aussi: les règlesqu'a formulées D. n'autorisent pas une telle dérivation. D. s'est efforcé de montrer que la règle d'accord des verbes prominaux est la même que celle des verbesconjugués avec avoir, c'est à-dire qu'un NP < O devenu objet détermine la forme du participe passé, s'il est placé devant celui-ci. Dans cette hypothèse, le se représentedonc Jean avec Pierre, pluriel (la construction comitative Jean avec Pierre demande ailleurs l'accord pluriel; comme sujet : (47) Pierre et Jean se battent -<- près battre 0 Jean avec Pierre par Pierre avec Jean (PM 25)), et l'accord serait par conséquent *Pierre s'est battus avec Jean.4 Pas mal de détails ont besoin



4: L'accord du participe dans la phrase Marie s'est battue avec Jean prouve évidemment que se représente le seul sujet, pour autant qu'un phénomène comme l'accord du participe passé puisse prouver quoi que ce soit. Mais D. y attribue une certaine importance.

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d'un léger réajustement dans l'ouvrage
de D.

7. Le dernier chapitre, IV, est consacré aux verbes «pseudo-réfléchis» du type (49) La porte se ferma. D. veut montrer que les restrictions imposées à ces constructionspar les grammaires traditionnelles(sujet inanimé), et leur interprétation(passif, dénotant action ou état habituels) ne sont pas correctes. Il s'agit en vérité de «not so much a passive conceptas that of thè intransitive function of a 'normally' used transitive verb» (p. 78). Cette conclusion est appuyée par une citationde Fillmore (1968), note 39, où on lit : «... or if the absence of thè A requiressome additive élément (for example, a 'reflexive' morphème) not needed when thè A is expressed ... ». Fillmore renvoie à un article de Hashimoto (qui est japonais)que D. n'a pas été à même de consulter;et D. de conclure que Fillmore fait sûrement allusion au japonais, avant de poursuivre: «This important statementhelps to confirm our claim about the intransitive function of thèse pronominalsand



5: Des faits parallèles dans d'autres langues ne sont pourtant pas difficiles à trouver, cf., en dehors des langues romanes qui toutes connaissent cette construction, russe Dver' zakrivajets'a 'la porte se ferme', tchèque V tomto obchodë se prodâvâ chléb 'dans ce magasin se vend du pain' (Harkins (1953), p. 75), turc Bilet nereden alinir ' le ticket où s'achète (-t-il) ? ' (syncrétisme de l'infixé proprement réfléchi -in- et de l'infixé passif -in- //-, Rûhl (1967), p. 66). Mais le japonais ne connaît pas de construction réfléchie équivalente. Cette langue distingue entre verbes transitifs et intransitifs : (i) Tanaka-san ga mado o akeru Tanaka M. (sujet) fenêtre (objet) ouvre (transitif) (ii) Mado ga aku fenêtre (sujet) ouvre (intransitif) La phrase intransitive ne contient rien qui ressemble à un pronom réfléchi. Je remercie Mme Mette Brœndgaard de l'lnstitut d'Études Orientales de l'Université de Copenhague de m'avoir fourni ces renseignements. L'appui empirique dont parle D. n existe done pas au tout là. où iei bpcculatluns l'ont porté à le croire, ce qri sonligne encore une fois les faiblesses scientifiques de l'ouvrage, version publiée (.et remaniée ?) d'une Indiana University Dissertation.

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cation(lelecteur attentif remarquera ici que cela revient au même, sans qu'un tel procédé soit motivé indépendamment des faits en question!) créant o la porte past fermer e la porte. Chose étonnante, D. ne donne pas un seul argument à l'appui de cette opération. Une transformation doit être explicative en ce sens qu'elle rend compte d'autres faits de la langue que ceux qu'elle est construite pour décrire (on obtient alors une généralisation): en introduisant sa transformation de réduplication,D. ne fait que répéter, en la déguisant en règle transformationnelle, l'observation que ces phrases comportent un pronom réfléchi, c'est-à-dire deux occurrencesde constituants coréférentiels. Une solution comme celle-ci, qui est souventutile en nous aidant à comprendre où chercher des réponses, une fois qu'on sait comment poser les questions, ne renforcepourtant pas ici notre compréhensiondes phénomènes à décrire et à expliquer.Nous évitons une «ad hoc se insertionrule» (p. 81) pour trouver notre grammaire enrichie d'une règle de réduplication,à première vue non moins ad hoc. Quels sont les autres faits de la langue qui appuient cette règle, où est cette généralisationsignificative dont parle D. ? La solution est peut-être la bonne, mais que dire de l'argumentation? «The absence of underlying A (or /) in the above dérivationmakes explicit the speaker-hearer's knowledge of the 'active-passive' role of the subject: only one case can be subject fronted, viz. O so that thè inanimate noun normally functioning as the receiver (object)becomes the 'actor' (subject) of the action identified by the verb» (p. 81-82). Un examen un peu plus poussé de la constructionpassive justifierait peut-être la règle de réduplication, ou peut-être faut-il chercher ailleurs (D. ne mentionne même pas le concept de moyen) ? La justification est peut-être le simple fait que toute phrase française doit avoir un sujet. Comme les verbes en question «n'aiment pas» être sans objet (à la différence des verbes symétriques:il casse le fil / le fil casse), la réduplication est une manière de procurer un sujet sans que le verbe perde son objet. Mais il faut en tout cas chercher un peu, avant d'affirmer être parvenu à une généralisationsignificative.

Ce qui est peut-être plus intéressant, c'est le fait que la notion de cas sousjacent permet à D. d'opérer une distinction entre (259) Ce savon lave bien, (260) *Ce savon se lave bien, (266) *Cette étoffe lave bien, (267) Cette étoffe se lave bien. Le cas sous-jacent de savon est /, celui de étoffe O. On n'aura par conséquent que la construction réfléchie dans le cas d'un O sous-jacent : « It is, perhaps, for this reason that the French pseudo-reflexive se is added, in order to set O apart from A and /, since it is - as a grammatical subject - on the threshold of being a linguistic anomaly» (p. 85). Le rôle du pronom réfléchi sera donc de distinguer, en structure de surface, un O d'un /. Ce qui devient plus douteux avec la paire (278) Les jours se passent (O) et (279) Les jours passent (Í), Selon D., O et / se trouvent en distribution complémentaire, le choix dépendant apparemment des éléments lexicaux. Ainsi, (263) Le train a passé (I), à l'exclusion de (264) *Le train s'est passé; mais avec jours, les deux constructions sont possibles. On aurait aimé voir d'autres propriétés syntaxiques du verbe passer citées à l'appui de l'hypothèse (cf. p. ex. Blinkenberg (1960), p. 133-36). Les contre-exemples apparents (316)—(323) sont écartés par des interprétations souvent fort ingénieuses. Mais on ne comprend pas tout à fait pourquoi la terre dans (318) La terre se meut serait un O, tandis que la terre dans (261) La terre tourne serait un /, si ce n'est pour accommoder l'analyse proposée.

La dérivation de (326) // se vend beaucoupd'articles
anglais à Paris, d'une structuresous-jacente

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turesous-jacenteprès vendre [beaucoup d'articles anglais\o à Paris, qui est aussi la source de (325) Beaucoup d'articles anglais se vendent à Paris, procède par Reduplication et une transformation de copie («subject copying»). Comme c'était le cas des phrases locatives citées au début, cela n'explique nullement la forme du pronom il. Une autre explication serait d'introduire // par une transformation qui est appliquée si, pour une raison ou peur une autre, les règles de formation de sujet n'ont pas opéré, afin d'obéir à la contrainte générale du français qui veut que toute phrase ait un sujet: si la formation de sujet n'opère pas, on aura un sujet postiche// (comme c'était aussi le cas des locatifs; cf. le danois où ce sujet postiche est der (adverbe locatif!), qui se trouve en dehors du système d'accord: Der scelges . . „ Der er koldt i rummet); si elle opère, on aura (325). Si réduplication il y a, c'est plutôt le syntagme locatif qui est redoublé.Dans la formulation de D., la structure de (326) contiendra, à un certain niveau de la dérivation, trois occurrences de beaucoup d'articles anglais.

D démontre qu'on trouve en effet des sujets animés dans cette construction, p. ex. (291) Un homme et une femme se remarquent bien moins qu' une femme seule; et que des phrases du type (295) Elle se lasse d'entendre toujours les mêmes choses, relèvent aussi de cette construction intransitive, pseudo-iéfléchie. Emploi intransitif d'un verbe transitif, (297) Elle lasse son pauvre mari par ses questions imbéciles, et non pas réfléchi accidentel. De la même manière s'explique l'ambiguïté de (307) // s'est noyé (+ [-O + A] 'He drowned himself; + l-O] 'He (got) drowned').

8. Je ne tairai pas que D. a réussi à mettre un certain ordre dans la syntaxe des verbes réfléchis, parfois à l'aide d'hypothèses qui, pour le moment, semblent manquer de ba^e empirique. En résumé, il donne, p. 98, un aperçu des constructions où entre le verbe laver, et montre que les possibilités multiples de ce verbe peuvent être généralisées par une entrée lexicale de la forme + [-((A)OXI)], abréviation des configurations casuelles: O + I -+- A, O + A, O, O -f /. D. oublie pourtant l'option /: (259) Ce savon lave bien. L'emploi absolu, c'est-à-dire avec un seul A {Femme de ménage qui lave et repasse (Petit Robert)) pourra être expliqué par la faculté qu'a le verbe de permettre l'effacement d'un O non-spécifié, possibilité dont D. ne ditrien.

Le fait que j'ai eu des objections sérieuses à émettre sur la manière dont D. emploie le modèle casuel et la théorie transformationnelle en général, ne doit pourtant pas masquer que son livre est, tout compte fait, et malgré ses défauts et les nombreux points que le lecteur doit suppléer lui-même, une contribution non négligeable à la grammaire du français, sinon à la théorie linguistique. Sa plus grande vertu, peut-être, est d'inciter constamment le lecteur à la contradiction, à la recherche de solutions alternatives.

9. Pourquoi ce modèle est-il resté un peu dans l'ombre au milieu du «courant générativiste», malgré le fait que tout le monde se soit accordé pour dire qu'il nous offre des concepts intéressants et incontestables qui, sous une forme ou sous une autre, doivent être incorporés dans tout modèle grammatical quelque peu adéquat? Cela tient, je crois, à deux choses principales. D'abord aux inconsistances du modèle: présenté comme un système de règles de réécriture, les cas profonds y sont traités comme des constituants, ce qu'ils ne sont décidément pas (ce que Fillmore (1972) a bien vu; cf. id. (1968), p. 86 ss.). Deuxièmement,et c'est là la vraie pierre d'achoppement,me semble-t-il, à la définition des cas: tandis qu'on peut, à la rigueur, accepter des concepts comme p. ex. agent

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comme des primitifs sémantiques, cela est déjà plus difficile pour un concept comme instrument qui se révèle, en effet, dans le système de Fillmore, comme étant une variante combinatoire de agent: l'agent est toujours animé, l'instrument normalementinanimé. Dans un modèle plus élaborétel que celui de Stockwell et alii (1973), on a recours à un cas Essive pour décrire l'attribut (suivant une suggestion de Fillmore (1968), p. 84). Pour qu'on ne tombe pas tout à fait dans des systèmes comportant des centaines de cas, le vrai problème de la grammaire casuelle sera de définir quelques concepts vraiment fondamentauxqui formeront la base de toutes les relations diverses qui sont instituées entre le verbe et les membres nominaux de la phrase, les relations multiples manifestantalors des combinaisons diverses de ces concepts de base (on fera ici le parallèleavec les traits distinctifs de la théorie phonologique: comme p et b se ressemblent,mais sont distingués p. ex. par le trait [* voisé], A et / se ressemblent jusqu'à un certain point, mais sont distingués par un trait, un primitif sémantique (?), p. ex. [± actif]).

Dans l'histoire de la grammaire casuelle, on a l'impression que Fillmore a épuisé le sujet. Par conséquent, toute nouvelle construction envisagée, tout nouveau problème soulevé, demandent la création d'autant de nouveaux cas. Ainsi, la grammaire casuelle s'est trouvée condamnée, soit à dégénérer, étouffée sous la profusion des cas, soit à s'en tenir à la description proposée par Fillmore (1968), l'application à des langues différentes étant la seule possibilité de renouvellement. Heureusement, D. me semble du moins avoir évité et la profusion casuelle et les répétitions

Cooenhague

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