Revue Romane, Bind 10 (1975) 1

Deux études sur le discours poétique. Jacques Geninasca: Analyse structurale des Chimères de Nerval. Collection Langages, Neuchâtel, 1971, 374 pp. - Gérard Genot : Sémantique du discontinu dans L'Allegria d'Ungaretti. Éditions Klincksieck, Paris, 1972, 282 pp.

Steen Jansen

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Voici deux études de deux textes poétiques particuliers et bien différents, celui des Chimères et celui de VAllegria, mais qui visent, toutes les deux, l'élaboration de techniques et de connaissances qui puissent servir à l'analyse du discours poétique en général.

L'une et l'autre sont placées sous le
signe d'une citation mise en épigraphe;
dans l'étude sur Nerval, celle-ci:

«Idealmente, voi sapete bene, il genio formale del poeta non si distingue dal suo dono di percepire; il poeta percepisce e concepisce per forme» (Mario Luzi) ;

dans l'étude sur Ungaretti, cette autre:

«L'armature intellectuelle du poème se dissimule et tient - a lieu - dans l'espace qui isole les strophes et parmi le blanc du papier: significatif silence qu'il n'est pas moins beau de composer que les vers». (Mallarmé)

Les deux citations montrent comment les deux études font prévaloir l'aspect formel du texte poétique; les deux études sont immanentes et structurales, avec cette différence que Genot met l'accent sur l'immanence et Geninasca sur la structure. Le premier énumère différentes «sortes» d'immanence (SDA pp. 13-141): sa recherche est immanente

d'abord dans la mesure où elle est limitée à un texte constitué, et vise les systèmes internes qui régissent sa constitution (.. .) en second lieu, parce qu'elle constituera des isotopies à partir des découpages objectifs particuliers au texte et matériellement présentés par lui (...) enfin dans la mesure où (...) nous nous bornerons le plus rigoureusement possible à l'étude du texte poétique en tant qu'il produit des effets et non en tant qu'il suit une intention.

Aussi n'y a-t-il presque pas, au cours de l'analyse, de références à d'autres textes ou à d'autres faits liés à la personne d'Ungarctti.

Pourtant, l'étude de Genot peut aussi
être dite structurale; ainsi on lit:

II y a intérêt à partir de la notion de système combinatoire: un texte en met en jeu un certain nombre, dans des proportions et selon des principes variables (SDA p. 14);



1: J'utilise par la suite le sigle SDA pour renvoyer à l'étude de Genot et ASC pour renvoyer à celle de Geninasca. Le texte des Chimères est cité en entier dans ASC. Lorsque le besoin s'en fait sentir, je renvoie au texte de L'Allegria dans la collection / Meridiani (Me69); il y a dans SDA, p. 266, une bonne concordance des différentes éditions.

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mais la notion de structure y semble moins fondamentale que celle d'immanence dans la mesure où il n'y a presque pas d'analyses des poèmes entiers ou du recueil de UAllegria, en tant que texte(s) constitué(s), complet(s) et fermé(s).

Inversement, l'étude de Geninasca est d'abord structurale, ensuite immanente. Geninasca ne fait pas de «choix» entre paradigmatique et succession; il dit que

le poème, en tant que message, est une unité signifiante articulée en sousunités fonctionnelles (...) qui entretiennent trois types de rapports, hiérarchique (d'emboîtement), syntagmatique (de succession), paradigmatique (de ressemblance et de différence); (ASC p. 18),

et il s'efforce, tout au long de son étude,
à construire les structures d'unités et d'ensembles
d'unités dans les Chimères.

Mais l'étude est aussi immanente,
puisqu'il y est dit par exemple que

la nature hermétique du discours, jointe au parti de rechercher dans le texte luimême le principe d'une explication, imposait 1 attitude du decrypteur pour qui la seule chance d'accéder au sens consiste d'abord dans l'étude de la forme du message (ASC p. 17),

mais elle ne l'est pas par principe: l'analyse structurale écarte moins les informations extérieures au message qu'elle ne condamne les libertés qu'au nom d'un prétendu savoir, trop souvent, on prend à l'égard de celui-ci (ASC p. 11).

En effet, Geninasca développe longuement
les références à d'autres textes écrits
- ou connus - par Nerval.

La conception du texte - ou du poème -
sur laCjuciic se îunuc /vSC est citcc cidessus;
dans SDA

on considère le texte comme le lieu de l'interaction d'un certain nombre de systèmes combinatoires, comprenant chacun un nombre fini d'unités (SDA p. 15).

Au premier abord, il n'y aurait pas de grande différence d'une conception à l'autre; il n'y en a pas non plus, à première vue, en ce qui concerne les problèmes que posent l'un et l'autre les deux textes particuliers. Lorsque Geninasca dit, à propos des sonnets de Nerval, que

une discontinuité radicale semble souvent séparer des énoncés contigus. Résoudre le problème de la fonction sémantique de ces discontinuités textuelles, c'est apporter une solution au problème de l'isotopie qui rend possible la lecture en permettant de fixer la valeur des termes isolés dans leur relation à l'ensemble (ASC p. 17),

il fait une constatation et exprime une idée que Genot aurait pu formuler, en utilisant les mêmes termes, à propos des poèmes d'Ungaretti.

Pourtant, il y a, derrière cette ressemblance apparente, une différence importante, à savoir que, chez Nerval, la discontinuité apparaît au niveau de l'enchaînement des phrases à l'intérieur du poème (ASC p. 17), tandis que, chez Ungaretti, cette discontinuité se manifeste au niveau de l'enchaînement des mots à l'intérieur du vers ou de la séquence de vers (SDA pp. 23-24 et 203).

C'est ainsi que Genot dit vouloir procéder

à l'étude des interactions entre système syntaxique et système métrique dans VAllegria de Giuseppe Ungaretti (SDA p. 16),

tandis que, pour Geninasca, l'unité d'étude
est ic sonnet, uorû iâ lOrrnc uxc permet
l'établissement d'un système d'équivalencespositionnelles

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lencespositionnellesparticulièrement développé.

On comprend également que, pour
Geninasca

le concept de fonction poétique est indissoluble
du concept d'itération (ASC
p. 25),

tandis que, pour Genot,

le mètre, dans ses aspects phoniques et
visuels, dénote le poétique (SDA p. 27),

mètre à propos duquel Genot précise:

nous considérons donc la métrique comme un système de démarcation d'énoncés, correspondant, sans coïncider avec lui, à un autre système de démarcation, la syntaxe (SDA p. 27).

On pourrait, en simplifiant beaucoup, dire qu'à un niveau fondamental, la répétition, chez Geninasca, s'oppose, comme signal du texte poétique, à la fragmentation, chez Genot. Il en résulte qu'on trouve utilisé comme principal instrument d'analyse, chez Geninasca, le couplage (avec la procédure cédured'homologation qu'il permet) entre unités appartenant à une même classe d'équivalence (très souvent entre unités se trouvant dans des positions syntaxiques ou prosodiques équivalentes), et, chez Gcnot, le réinvestissement syntaxique (ou fonctionnel) d'unités qui, par la métrique, se trouvent «désintégrées» par rapport à l'ensemble syntaxique auquel on chercherait normalement à les rattacher.


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Les procédures de couplage et de réinvestissement sont formalisées à l'aide d'un petit nombre de distinctions et de notions plus ou moins simples. Pour le couplage, une distinction entre «mot du texte», «mot de la métalangue» et «notion non lexicalisée, mais postulée par le modèle descriptif», et des notions telles que «opposition«, «disjonction», «conjonction», «addition», etc.; elles sont énumérées dans une table des abréviations et des symboles à la fin du livre (ASC p. 366).

Pour relever les effets du réinvestissement, Genot se sert de notions empruntées en partie aux travaux de Tesnière; elles sont présentées dans un schéma (SDA p. 32) que voici:

Certains autres signes servent à rendre
compte de la succession et de la réalisation
effectives des unités. Pour illustrer l'analyse
nalyseet la notation, voici comment est
réécrit le début du poème Silenzio (SDA
p. 33)

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Après l'introduction, où il a présenté les notions et les idées fondamentales, Geninasca commence l'analyse du texte même des Chimères tout simplement par l'analyse du premier sonnet. En voici le début (pour donner une première idée de la façon dont est conduite cette analyse):

L'analyse d'un texte comme El Desdichado peut suivre bien des chemins: il nous paraît toutefois plus commode et plus économique de commencer notre description par l'examen des relations de Ql et de Q2. Les quatrains fournissent en effet l'essentiel du réseau axioïogique au sein duquel la succession dynamique des tercets opère des transformations de type «narratif».

A l'identité négative affirmée en ui, répond, au premier vers du groupe des tercets, l'expression interrogative d'une identité positive: les cinq derniers vers du sonnet fournissent une succession de réponses aux questions de 09. Toutefois, l'identité conquise dans le passé, exprimée dans les tercets, n'échappe pas à la mise en question actuelle - toute négative - formulée dans les quatrains. Entre l'affirmation désespérée d'une identité négative du premier vers et celle d'une identité héroïque de la dernière strophe, la contradiction (qui a pour effet de «circulariser» l'énoncé et de maintenir suspendu l'intérêt du lecteur,) ne peut être levée que par i intervention aléatoire, sollicitée au début de Q2, de «toi».

On voit ainsi comment la corrélation Q/T :: réseau axioïogique / structure narrative ne fournit qu'une image incomplète de la réalité du poème puisque le «dénouement» (au sens narratif du terme) dépend du succès ou de l'insuccès - dont nous ne saurons jamais rien - d'un appel lancé en 05, et que nous devons nous attendre à rencontrer dans les tercets des éléments capables de nous renseigner sur les oppositions axiologiques en jeu dans le sonnet.

Au plan de l'expression, plusieurs traits suggèrent l'existence d'un couplage positionnel, terme à terme, des trois premiers vers de chaque quatrain. (ASC p. 49)

Poursuivant ensuite l'analyse de couplage en couplage, et établissant un grand nombre d'homologies, l'auteur en vient à formuler la structure générale du sonnet: le rapport entre le premier quatrain, où s'articule la disjonction entre culture et nature, et le second quatrain, où s'articule la conjonction entre culture et nature, ressemble au rapport entre le premier tercet, où la disjonction entre le second et le troisième vers est parallèle à la disjonction entre le premier et le second quatrain, et le second tercet, où les trois vers sont parallèles à la conjonction entre les deux quatrains.

Cette mise au point est suivie d'une description encore plus détaillée Uu sonnet. A la fin de l'analyse, l'auteur peut affirmer :

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la fonction de notre sonnet liminaire se confond avec celle que Greimas attribue au récit en général: «La médiation du récit consiste à «humaniser le monde», à lui donner une dimension individuelle et événementielle. Le monde se trouve justifié par l'homme, l'homme intégré dans le monde», (p. 97)

Mais à la succession des trois énoncés des
tercets, il manque un quatrième énoncé
qui exprimerait la

contreprestation de la femme morte (. ..) le narrateur s'abstient pourtant de décider: la requête sefa-t-elle couronnée de succès? Alors le destin reflétera la cohérence d'une action complète conforme à une structure intemporelle; mais s'il en va autrement, rien ne pourra arracher le héros malheureux au vertige du néant et du chaos, (pp. 97-98)

L'analyse d\E/ Desdichado terminée, on passe sans transition à l'analyse du sixième sonnet du recueil. Voici comment débute cette analyse:

On est frappé, à la lecture d'Artémis, par la pauvreté - toute apparente - du langage: la syntaxe est fort simple, le texte ne comporte que quatre subordonnées (quatre relatives), les propositions assertives alternent avec les interrogatives et les impératives ; de fréquentes répétitions limitent l'étendue d'un lexique par ailleurs courant (font exception: «tremiere» et un nom propre, «Gudule»): les mots «ou», «seul», «sainte», «rose» et le radical du verbe aimer sont repris quatre fois chacun; dix-sept formes verbales renvoient à sept racines différentes; le verbe «être» revient huit fois, il est cinq fois employé dans l'expression «c'est».

Les corrélations sémantiques sont,
elles aussi, exprimées de manière particulièrement
redondante: première /

dernière, premier / dernier et berceau /
bière forment des paires homologues:
les mots «première» et «dernière», qui
se font écho à la rime, se trouvent encore
opposés, à l'intérieur de 03, et conciliés,
en 01, la Treizième étant une dernière
dont on affirme qu'elle est «encor la
première»,
(p- 101)

Les deux débuts d'analyse montrent qu'il
n'y a pas une façon uniforme de procéder,
d'organiser l'analyse d'un texte.

Ces deux sonnets sont analysés tout à fait séparément; c'est seulement après l'analyse d'Artémis que sont reliés non pas les deux sonnets mais les deux modèles descriptifs qui résultent de l'analyse. Pour les quatre sonnets qui dans le texte sont placés entre El Desdichado et Art émis, l'auteur commence l'analyse en étudiant l'ensemble des quatre, puis les couple deux par deux, Myrtho et Delfica, Horus et Antéros, pour finir par les analyser séparément. Les deux derniers poèmes du recueil sont analysés ainsi: après quelques observations très brèves sur les rapports entre les deux, Le Christ aux Oliviers (qui pose le problème d'un poème formé de plusieurs sonnets, cf. p. 299) est analysé sans aucune référence aux Vers dorés, tandis que la première moitié de l'analyse des Vers dorés consiste en une mise en parallèle détaillée des deux poèmes. Cette dernière analyse est d'ailleurs très courte: huit pages; les analyses des cinq sonnets du Christ aux Oliviers et de l'unique sonnet d' El Desdichado en occupent, chacun, près de soixante.

mise

Cette manière peu systématique d'organiserl'analyse de l'ensemble des Chimèresest déjà annoncée - et justifiée - dans l'introduction (p. 31). Il me semble qu'il y a deux raisons surtout pour l'expliquer: d'une part, le fait que chaque poème est considéré comme un texte en principe autonome,ce qui n'interdit pas qu'il soit

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mis en corrélation avec un autre texte, mais n'oblige pas l'analyse à établir une telle corrélation ni non plus ne fait préférera priori telle corrélation à telle autre; d'autre part, le fait qu'il ne s'agit pas ici d'illustrer une certaine méthode analytiqueou de mettre à l'épreuve, de vérifier une certaine hypothèse concernant l'universou le discours poétique.

Ce que montre cette étude c'est, un peu sommairement, comment on peut utiliser deux instruments: le couplage et l'homologation, dans la lecture d'un easemble donné de textes poétiques.

II est certain que le grand nombre d'observations très pertinentes auxquelles parvient l'analyse est dû, dans une grande mesure, à la virtuosité avec laquelle l'auteur lui-même manie les deux instruments; c'est dire, en quelque sorte, qu'il reste encore à montrer que les instruments, en tant que tels, sont valables, puisqu'il est toujours difficile de démêler l'apport de la personne et celui de ses instruments. Mais il fallait bien que quelqu'un les présente et les utilise ; et les analyses des Chimères sont hautement convaincantes - aussi pour ce qui est de la valeur plus générale des deux instruments. (Pour une autre illustration de cette sorte d'analyse, voir les deux articles de l'auteur dans Revue Romane V, 1 (1970), pp. 17-38: Evento de Mario Luzi; et Vil, 2 (1972), pp. 189-203: Notes sur une analyse structurale du premier chant de la Divine Comédie.)

C'est, certainement, au fondement de l'analyse du discours poétique que Geninasca a voulu apporter une contribution, plus qu'aux recherches nervaliennes. Cela n'empêche pas que son étude marque aussi un net progrès dans celles-ci, d'une part en ce qui concerne l'interprétation de l'ensemble des huit poèmes des Chimères, d'autre part pour ce qui est de la lecture de nombreux détails. C'est bien cela, évidemment, qui rend en grande partie les analyses convaincantes.

La place ne permet pas de donner ici un choix représentatif des observations faites et des lectures proposées par Geninasca, mais en voici quelques-unes:

A propos du vers Et fai deux fois vainqueur
traversé VAchéron Geninasca écrit

au contraire d'Orphée qui échoue à deux reprises, Ego est un héros heureux qui a réussi deux fois la traversée périlleuse de l'Achéron. La répétition de la victoire comme celle de la défaite connote le caractère définitif du succès ou de l'échec. Surmonter par deux fois une épreuve c'est manifester clairement que la victoire n'est pas le fruit d'un accident, d'un concours de circonstances favorables, mais l'application d'un pouvoir et d'un savoir, d'un réel savoir-faire. (P- 91);

D'habitude on y a surtout vu une allusion
aux deux grandes crises de folie de Nerval
en 1841 et 1853.

Du dernier vers d'Artémis, - La sainte de Vabîme est plus sainte à mes yeuxl, l'auteur fait une analyse (pp. 130-137) au cours de laquelle il est dit:

Source du feu de vie, étrangère à l'espace inhabité et brûlé du ciel, la sainte ne peut, à la dernière ligne du poème, tout à coup et sans raison, être associée à l'idée de la perdition, (p. 131) La préférence exprimée au vers 14 implique une division dichotomique de l'espace et des êtres. Mais le choix d'Ego n'a rien de satanique: au lieu de correspondre à un geste de révolte, il coïncide avec l'affirmation de la Réalité et de la Vie. (...) L'identité de la sainte (. . .) correspond à l'existence d'une médiation de l'humain et du cosmique et d'une relation d'échange interindividuelle, (p. 135) ... en dépit des apparences, le sonnet ne s'achève pas î>ui une résonance mélancolique, (p. 137)

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Le plus souvent on y a vu l'expression
d'un désespoir profond, qui à la fois explique
et annonce le suicide de Nerval.

Dans l'analyse du Christ aux Oliviers, l'auteur montre, entre bien d'autres choses, ce qu'on peut tirer d'une simple observation de la distribution des rimes, d'un sonnet à l'autre, en vue de proposer une lecture sur la façon dont le poème est organisé (pp. 295-298). «

U

La conclusion du livre propose une lecture de l'ensemble des huit poèmes du recusil qui aboutit à une organisation qu'on peut - trop sommairement - résumer ainsi: A la fin de la conclusion, Geninasca suggère que le contenu fondamental des Chimères est

qu'en dehors d'un monde régi par un principe d'ordre que l'homme s'efforce de découvrir, l'action n'a pas de sens. (p. 365)

Sur ce fond, il y a une division en deux
parties, qui, d'une part, est

indexée à la fois par la rupture qu'introduit dans la succession des pièces l'apparition d'un poème groupant à lui seul cinq sonnets et par l'opposition de six titres faits de noms propres (...) (première partie) avec deux titres qui renvoient, l'un à une circonstance narrative, l'autre à un type de discours (deuxième partie), (p. 359),

et qui, d'autre part, est marquée par le rôle que joue le motif de la relation amoureuse dans les deux parties: motif principal dans la première partie, il reste secondaire dans la deuxième: la quête du sens ne se confond pas avec une quête amoureuse.

A l'intérieur de la première partie, la relation amoureuse s'exprime selon des modes variés qui permettent de grouper les six sonnets en trois paires: a) dans Myrtho et Delfica le couple est un Ego masculin et un Tu féminin ; b) dans Horus et Antéros c'est un locuteur, féminin ou masculin, et un partenaire (à la troisième personne) entre lesquels il y a une relation d'échange; c) El Desdichado et Artémis présentent une combinaison de a) et de b), l'être féminin y étant à la fois à la seconde et à la troisième personne et une relation d'échange existant entre celui-ci et un Ego (cf. p. 360; et aussi p. 224 et p. 81). Dans la succession des sonnets, il y a ainsi «un schéma qui rappelle celui des rimes embrassées (abc/c'b'a')».

Selon un autre motif plus fondamental, celui, temporel, de la permanence assurée par la répétition (conséquence d'une action libre) ou par le retour (lié à l'ordre du temps circulaire), les six sonnets s'ordonnent autrement, en deux séries: dans El Desdichado, Myriho et Antéros (sonnets numéro un, deux et quatre) il n'y a aucune allusion à l'ordre circulaire; dans Horus, Delfica et Artémis (sonnets numéro trois, cinq et six) il n'y a pas de référence à l'action répétitive.

Si l'on combine ces deux groupements,
on obtient la figure suivante:


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Au chiasme des deux poèmes du centre correspond, au niveau sémantique, une sorte de solution de l'opposition entre les termes qui caractérisent les deux séries:

tout se passe, dans Horus, comme si l'ordre du monde mimait l'histoire des humains, tandis que dans Antéros, l'action semble devoir se soumettre aux rythmes cosmiques, (p. 362)

II y a là une manière de résoudre le conflit entre l'homme et le monde, par «l'historisation des rythmes cosmiques» et la «circularisation de l'action humaine».

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C'est la même relation entre l'homme et le monde, comme problème du sens, que posent les deux poèmes de la seconde partie du recueil, non plus par rapport à la corrélation répétition/retour, mais par rapport à la corrélation action/ordre.

Le Christ aux Oliviers s'oppose aux Vers dorés comme le poème «de la quête du sens introuvable et du savoir impossible» au poème «du sens universel et du savoir éternel». Dans le premier, la succession des instants, des événements, forme une «durée fractionnée, éclatée, où il n'y a de place ni pour le sens, ni pour le savoir» (p. 364); c'est seulement au moment de la mort du héros que «l'histoire apparaît comme une répétition du même susceptible d'apporter Vautre» (p. 364). Dans le second, il y a «un monde où l'on ne saurait opposer radicalement le même et Vautre, où rien ne peut se produire de nouveau: la rupture y est impensable, l'histoire proprement dite, impossible » (p. 363).

Terminons en soulignant qu'il ne s'agit
là - pour la conclusion et pour toute
l'étude - que d'un iésumé.

L'étude de Genot est autrement systématique que celle de Geninasca. Après la présentation de l'objet, des principes et des procédures de l'étude, l'analyse de Genot se divise en trois parties, intitulées: Surénonciation et réinvestissement, Le réinvestissement régressif Ql Phrase et vers. Au début de la seconde de ces parties, on lit:

Les deux chapitres précédents nous ont permis de mettre en évidence des caractères apparemment propres au discours poétique, manifestés dans des énoncés relativement aisés à étudier (...) C'est à partir des données de fait considérées et des résultats ootenus dans Jes chapitres précédents que nous abordons maintenant le problème fondamental de

la fragmentation du discours et des effets
de cette fragmentation. (SDA p. 103)

et, au début de la troisième partie:

il faut voir maintenant quelles conséquences implique le passage d'une analyse de faits généraux (à partir d'un texte particulier) à une description, à un certain niveau, d'un texte donné (qui est le même ici, mais qui pourrait être différent), (p. 147)

Étudiant le discours poétique à un certain niveau, celui de la fragmentation, et à ce niveau seulement, l'analyse va donc du général (présentation des notions de surénonciation et de réinvestissement) au particulier (énumération et description des formes de phrases et de corrélations phrases/vers qu'on trouve dans L'Allegria), et en même temps du plus simple (textes-exemples où la fragmentation se manifeste clairement et sans équivoque) au plus complexe.

La première partie traite de deux sortes de surénonciation, l'une métrique: l'«énoncé décroché», l'autre syntaxique: la «comparaison articulée». Par «énoncé décroché » Genot entend

toute séquence de vers qui, liée syntaxiquement à un énoncé voisin (précédent ou suivant), en est cependant séparée, «décrochée», par une pause métrique forte, (p. 39)

La distinction «pause métrique forte/ pause métrique faible» n'est pas toujours utilisée dans le même sens (cf. par exemple p. 46 en haut et p. 106), mais par les exemples on comprend qu'il s'agit ici d'un «blanc» comme dans le poème Un sogno solito, cité à la page 48 :

II Nilo ombrato le belle brune vestite d'acqua burictnti il treno

Fuggiti

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La comparaison articulée (avec «come»)
est

un énoncé, syntaxiquement complet ou non, donné comme équivalent dans sa structure et dans son sens d'un autre énoncé qui précède ou suit. (p. 70)

En voici un exemple, le poème Soldati

Si sta corne d'autunno sugli alberi le foglie

La surénonciation, soit métrique soit syntaxique, a pour effet d'isoler une partie d'un énoncé plus étendu et d'en faire un énoncé autonome (p. 41, p. 70); l'énoncé est syntaxiquement complet ou défectif, mais la démarcation est formalisée de telle sorte que

chaque unité délimitée formellement
l'est également sémantiquement. (p. 103)

A cause de la surénonciation, la lecture est amenée à opérer d'une part des réinvestissements fonctionnels et d'autre part des parallélismes entre diverses formes (cf. p. 147). Dans le premier cas, un ou plusieurs termes du texte se trouvent (ré)investis de plusieurs fonctions; ainsi le poème cité plus haut, Un sogno solito, est lu selon le schéma 'substantif(s) extension' ¡ou le schéma 'sujet + procès'. Dans le second cas, les termes d'un énoncé sont mis en parallèle avec ceux d'un autre énoncé de sorte qu'il se «crée» dans l'un ou l'autre des cases vides qui demandent à être remplies. Genot analyse, pp. 94-95, le second exemple, Soldati, et montre comment on est amené à lire «Si sta » avec l'extension « Si sta [per cadere] ». L'extension aurait pu être [isolati] ou [sparsi]; l'important n'est pas là, mais dans le fait que le texte est construit de telle façon qu'à la lecture, il s'y forme une case vide à remplir. Ajoutons que les deux exemples cités ici sont parmi les plus simples de l'étude.

La surénonciatiorT, et la façon dont elle est utilisée (ou se manifeste) ici, permet de préciser un certain nombre de caractéristiques du texte poétique en général et du texte de UAllegria en particulier. Parmi ces caractéristiques, la plus importante est celle qu'on pourrait appeler la polysémie du texte poétique. Le mérite de l'étude de Genot est d'avoir essayé de décrire cette polysémie en termes de «polyfonctionnalité»; et on a vu ci-dessus comment la surénonciation contribue à construire, pour ainsi dire, la polysémie.

La surénonciation est (si j'ai bien compris) un cas particulier, et relativement simple, de la notion plus générale de fragmentation, et la première partie sert donc pour ainsi dire à «déblayer le terrain» pour conduire aux discussions de la seconde partie, qui comporte trois chapitres: La fragmentation, Réinvestissement et régression et Le discontinu.

Dans le premier chapitre sont classés un certain nombre de types de fragmentation, et pour chaque type est donné un relevé exhaustif des exemples dans L'Allegria du type en question; ainsi, pp. 111-116, 37 cas de participe passé isolé devenant le centre d'un énoncé partiellement autonome, comme par exemple

iabbra rapprese
in tornitura di labbra lontane (Me69
p. 37)

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris
pourquoi cet exemple est relevé parmi les
37 exemples, lorsqu'un exemple comme

corne una qualsiasi
fibra creata (Me69 p. 38)

ne l'est pas, et qu'un exemple comme

voluttà crudele di corpi estinti
in voglie inappagabili (Me69 p. 37)

(qui, dans le texte de L1 Allegria, suit immédiatementle

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médiatementlepremier exemple cité) est écarté dans la discussion de la note à la page 116; d'autant plus que les variantesdes deux derniers exemples me semblent intéressantes à ce point de vue: le vers «fibra creata» est isolé par des blancs, et la fin du vers est placée devant «estinti». (D'ailleurs il y a, je crois, à propos du premier exemple, une contradiction,à la page 112, entre le texte et la note 1). Tout cela fait queje me demande s'il ne faut pas discuter plus en détails la distinction entre la «détermination des facteurs de la fragmentation-autonomisation»et «celle de ses conséquences» introduitedans la note de la page 116; c'est seulement cette dernière qui intéresse l'auteur ici.

La plus grande partie du second chapitre traite des réinvestissements métriques qui sont classés sous des rubriques telles que Translation Al m-*-P. Al ou Translation A2 -> Al, c'est-à-dire selon le changement de fonction qu'opère le réinvestissement en faisant passer les termes du texte des fonctions syntaxiques effectivement réalisées (par exemple Al m = substantif -f- détermination) aux fonctions perçues à la lecture (par exemple P.AI = procès + sujet).

Comme exemple de la première translation
mentionnée ici, l'auteur donne le
premier vers de Lindoro di deserto

Dondolo di ali in fumo
mozza il silenzio degli occhi (Me69 p.24)

et montre (pp. 124-125) que la traduction française qui rendrait «Dondolo .. . mozza» par «Un balancement ... tranche» ne tiendrait pas compte de la fragmentation, du réinvestissement possible ou de la polyfonctionnalité comme le ferait «Balancement d'ailes de fumée / il tranche le silence des yeux ».

A propos des deux exemples, cités plus
haut, du poème Malinconia (Me69 p. 37),
Genot montre comment la lecture peut
opérer des translations successives. Le
premier exemple

peut en effet, successivement pensonsnous,
se découper:

labbra | rapprese | etc.

puis :

labbra rapprese | in tornitura di labbra

«rapprese» étant transformé en procès
dans la première lecture, et redevenant
extension dans la seconde, (p. 128)

Genot poursuit:

Ce qui est important dans ce fait est qu'iJ s'agit d'une lecture en quelque sorte progressive, dans laquelle le sens évolue à mesure que l'on avance dans l'ordre syntagmatique de l'énoncé: une première organisation syntaxique virtuelle et provisoire s'impose dans la limite de la première démarcation, puis se trouve modifiée en fonction d'un autre segment, de sorte que le «vide » que constitue la pause de fin de vers devient un élément nouveau de la construction, (p. 128)

Si j'a.i l>icu comprií», o'cbt la. même idée
qui est reprise dans la conclusion en ces
termes :

Un texte qui n'oblige pas l'esprit à revenir en arrière, à reconstruire une partie de renonciation assimilée, qui ne se met pas, en quelque sorte, constamment en question, n'est pas un texte poétique, (p. 213)

On voit qu'il s'agit là d'une idée importante et qui explique le titre de cette seconde partie du livre (malgré la différence des termes «lecture progressive» et «réinvestissement

Le dernier chapitre de cette partie rassembleles observations des chapitres precedenteet iclève deux effets lies à la perceptiondu discours poétique, considéré

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«non comme une addition de particularités,mais comme un système cohérent» (p. 138): «la réduction de l'hypotaxe à la parataxe », surtout à cause de la fragmentationmétrique, et «la bipolarité» c'està-direle fait qu'un même énoncé peut signifier ceci ou cela suivant qu'il est mis en relation avec l'un ou l'autre segment du contexte.

Dans la troisième et dernière partie de l'étude, Phrase et vers, l'analyse passe à un autre niveau et fait appel à d'autres notions et à d'autres procédés; mais c'est toujours l'interaction des systèmes métrique et syntaxique qui y est étudiée.

La description de cette partie est chiffrée, avec nombres d'occurrences et de pourcentages, non pour établir des comparaisons avec d'autres textes ou avec une prétendue norme (la notion d'écart ayant été rejetée dès le début (p. 11)), mais pour déterminer, à l'intérieur du texte, ce que l'auteur appelle des «spécialisations d'emploi»:

il y a spécialisation d'emploi lorsque telle forme de tel niveau ou de tel système coïncide régulièrement ou majoritairement avec telle autre forme d'un autre niveau ou système. Il s'agit d'une visée (...) tendant à découvrir (...) une cohérence dans l'utilisation des

principes constitutifs d'une œuvre,
(p. 148)

Ainsi il y a une spécialisation d'emploi lorsque l'emploi du circonstanciel est lié, d'une part à l'emploi de la phrase simple et, d'autre part, à l'isolement de ce même circonstanciel (cf. pp. 159, 164, 172, 186, 187, 189-190 et 225).

Il y a d'abord une description des formes de la phrase dans VAllegria. Cette description se fait autour d'une suite de tableaux où sont présentés, pour chaque type de phrase, les résultats d'un relevé exhaustif. Voici, pour en donner une idée le tableau concernant la phrase elliptique:

Le tableau suivant enregistre :

- le type «effectif» (point de vue de la
phrase) ;

- le type «second» (point de vue de
l'énoncé, ou de la syntaxe du discours

- le nombre d'occurrences de chaque
forme ;

- la proportion globale (sur la base du
nombre total de phrases elliptiques,
à savoir 23);

- la proportion relative (sur la base du
nombre de phrases elliptiques simples,
à savoir 16).


DIVL4381

(Forme I = «type affectif»; Forme II = «type second».) (p. 154)

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Chaque tableau est ensuite interprété pour déterminer les formes dominantes, les rapports d'un type à l'autre, la signification de telle ou telle fréquence, etc. ; parfois des vers ou des séquences de vers particuliers sont discutés plus en détails (par exemple, à la page 168, une bonne analyse des trois premiers vers de // porto sepolto).

Il serait difficile ici de résumer cette description, mais des observations et des conclusions on peut citer les exemples suivants:

II semble que la faible transitivité soit, du moins aux niveaux que nous avons analysés, une caractéristique de l'énoncé poétique chez Ungaretti. (p. 164; cf. p. 181)

La forme syntaxique paratactique est renforcée pour assurer une cohésion qu'elle ne présente pas ordinairement dans l'usage utilitaire de Ja langue, tandis qu'en contrepartie, l'hypotaxe se trouve affaiblie dans ce qu'elle a de trop univoque et contraignant, (p. 167)

Ayant déterminé et décrit quelles sont les fuîmes Je la phrase da.ns L'AUcgriu, l'analyse peut procéder à une description de la corrélation de la phrase et du vers. Ce chapitre donne, comme le dit l'auteur (p. 199), des résultats moins significatifs que le chapitre précédent, mais qui servent pourtant à confirmer les résultats de celuici.

L'auteur montre qu'il n'y a «aucun caractère mécanique dans la fragmentation métrique du vers libre» (p. 195), et le chapitre s'achève par une discussion sur la coïncidence des deux démarcations qui se transforme en une caractéristique de L'Allegria:

La coïncidence des deux démarcations,
en fait, met en valeur certaines fonctions

sémantico-syntaxiques, qui sont traitées de façon homogène, et qui dans le cas de VAllegria expriment toutes une certaine vision du monde, orientée surtout vers un approfondissement de la situation, diversement articulée, comme prédicat, comme sujet parallèle (parallélisme ou comparaison), comme sujet activement qualifié, en un investissement qui est, sur le plan sémantique analogue à celui qui se produit au niveau de la syntaxe restreinte (investissement des extensions en procès, autonomisationactivation des circonstanciels, etc.). Le procès est certes toujours mis en valeur, mais de façon médiate, à travers la mise en valeur d'une autre fonction, généralement nominale, adjective ou circonstancielle, et devient ainsi, plus qu'une action, un attribut (au sens philosophique) de l'homme. Cette intériorisation par quoi l'existence est perçue (progressivement, c'est-à-dire activement, historiquement) comme essence est la signification essentielle de L'Allegria. (v>. 200)

La conclusion générale du livre formule, à partir des résultats de l'analyse du texte particulier qu'est L'Allegria, un ensemble d'idées qui forme une conception cohérentedu discours poétique moderne. Cette conception s'est beaucoup inspirée, commele dit l'auteur (p. 204), des remarques de Roman Jakobson sur les «tropes et figures grammaticaux». Parmi ces idées, celle de l'importance du réinvestissement régressif a déjà été signalée. Une autre est celle de l'isolement du mot dans la poésie moderne. L'auteur discute aussi longuement de la différence entre le discourspoétique et le discours de la communicationutilitaire: il ne s'agit pas d'un écart, mais d'une différence entre deux types différents d'organisation; la notion

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de polysémie est précisée lorsqu'il est dit que «le discours poétique n'est donc pas seulement plurivoque, mais à la fois plurivoque et univoque» (p. 214). Genot conclut en disant:

Le discours poétique apparaît donc, au terme de ces analyses, comme un accord unique entre un maximum de formalisation et un maximum de disponibilité, l'économie des moyens garantissant une grande liberté de constitution du sens et une multiplicité de significations, (p. 216)

Le résumé qui précède rend compte, évidemment, de l'étude de Genot telle que j'ai pu la comprendre. Il faut dire qu'elle me paraît souvent assez difficile à suivre, et j'ai à formuler un certain nombre d'objections dont la plus importante est la suivante: Comme le projet de Genot - par la recherche de précision et d'exhaustivité qui le caractérise - est ambitieux et sa façon de procéder assez originale, je trouve qu'il est vraiment regrettable, à propos des 250 phrases que comprend le texte de UAllegria, que

étant donné le nombre élevé de formes examinées, nous ne donnerons pas la liste (parfois très longue) des références exactes, (p. 153)

Une telle liste — éventuellement donnée en appendice - aurait été très utile, me semble-t-il, non seulement pour cette partie (sur la phrase et le vers) mais pour l'ensemble de l'étude; l'auteur y aurait pu indiquer aussi, pour chaque occurrence, le type «effectif» et le type «second» (résultat du réinvestissement) de la phrase et sa forme (elliptique, simple, complexe, etc.). Elle aurait permis une discussion bien mieux fondée sur les différentes notions auxquelles l'analyse recourt (surénonciation, réinvestissement, régression, celles des fonctions syntaxiques) tant pour préciser leur signification exacte que pour déterminer leur utilité dans l'analyse d'autres textes; elle aurait également pu éclaircir bon nombre de problèmes qui ont surgi au cours de la lecture de l'étude. L'absence de la liste dans le livre est d'autant plus regrettable qu'il est à peu près certain qu'elle figure parmi les papiers qui ont dû servir de matériaux de base à l'étude.2

Ainsi l'étude de Geninasca et celle de Genot disent explicitement avoir pour but, non seulement la description d'un texte particulier, mais aussi la contribution à une théorie du discours poétique et, par là, à l'établissement d'un ensemble d'instruments propres à l'analyse de ce discours.

A première vue pourtant, on voit difficilementcomment la notion de fragmentationpar exemple, qui fonctionne bien dans l'analyse de VAllegria, pourraitêtre utilisée et donner des résultats probants dans une analyse des Chimères; et, inversement, comment la notion d'équivalencespositionnelles par exemple, dont se sert Geninasca - avec de très bons résultats - pourrait être appliquée au



2: Après avoir terminé ce compte rendu, j'ai reçu le fascicule suivant: G. Genot, Sémiotique des stratégies textuelles (Documents de Travail, n° 32, Urbino 1974). Genot y développe les bases d'une théorie du texte modelée sur la théorie des jeux; il n'y a pas d'exemples de l'application de la théorie à des textes concrets, mais il y a beaucoup de détails et le tout est conçu d'une façon qui me semble très prometteuse. J'attire l'attention sur ce fascicule, car il permet de mieux comprendre certaines des notions abstraites utilisées dans SDA et la place de celui-ci dans un ensemble de recherches plus large.

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texte qu'analyse Genot (tout de même,
on en entrevoit parfois la possibilité, par
exemple SDA p. 167).

Cela n'enlève rien à l'intérêt que présentent les deux études. Mais la confrontation des deux fait clairement ressortir qu'il reste encore beaucoup de problèmes à résoudre et bien des analyses à entreprendre pour qui veut essayer de poursuivre des recherches qui, comme celles de Geninasca et de Genot, visent, à plus ou moins long terme, à l'établissement d'une science de la littérature.

Copenhague