Revue Romane, Bind 10 (1975) 1Présuppositions, implications et verbes françaislpar Ole Mørdrup Ces dernières années, on s'est beaucoup servi des notions de présupposition et d'implication pour éclaircir certains phénomènes linguistiques. Les Kiparsky ont utilisé la présupposition pour définir la classe des verbes factifs (cf. Kiparsky 1971), et Karttunen a employé l'implication (et la présupposition) pour décrire la logique des verbes à compléments phrastiques (voir Karttunen 1971b). Je me suis proposé, d'une part, de dresser des listes exhaustives de ces verbes2, d'autre part, d'examiner si ces propriétés sémantiques ont des répercussions sur le plan syntaxique. Les Kiparsky ont d'ailleurs voulu montrer que c'est le cas pour l'anglais, où ils pensent que le choix d'un type de complément dépend dans une large mesure de facteurs sémantiques comme la présupposition. Pour mener à bien ce travail, j'ai analysé tous les verbes qui prennent un complément phrastique, soit sous la forme d'un infinitif, soit sous la forme d'une subordonnée. Les matériaux comprennent environ 500 verbes. Un peu plus de la moitié possèdent des implications quant à la valeur de vérité du complément. Ces verbes seront traités dans la première partie et les autres, ceux qui n'ont pas d'implications quant à la valeur de vérité du complément, le seront dans la seconde. 1: Cet article a d'abord paru en danois sous le titre: Logik og franske verber, RIDS 19, Kobenhavn 1973. Je tiens à remercier Cari Vikner, avec qui j'ai eu de longues discussions très profitables, et François Marchetti, qui a patiemment donné son avis sur les cas que je lui ai soumis. 2: II peut paraître téméraire de vouloir présenter les listes comme exhaustives, et il faut bien l'admettre, ce n'est guère possible. Ces verbes constituent des classes plus ou moins ouvertes, où l'on pourra toujours ajouter tel ou tel verbe qui, dans un emploi marginal, prend un complément phrastique. J'ai dû faire un choix, en écartant les verbes dont l'emploi avec un complément phi astique m'a semblé trop marginal Tes listes ont été dressées à l'aide de Blinkenberg (1960), Boysen (1971), Caput (1969), Nordahl (1969) et Sandfeld (1965 b).
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Première partie
Verbes-trou Dans un article récent, Karttunen a proposé une classification des verbes en deux classes (il y a, en fait, une troisième classe, les filtres, mais, d'après lui, aucun verbe n'entre dans cette classe): les verbes-trou et les verbes-bouchon (voir Karttunen 1973). Les trous sont caractérisés par le fait qu'ils laissent passer toutes les présuppositions du complément. (3), qui est présupposée par (2), est aussi présupposée par (1). (1) Pierre a regretté que Marie sache que Sheila est enceinte. (2) Marie sait que Sheila est enceinte. (3) Sheila est enceinte. Les bouchons, au contraire, ont pour caractéristique de bloquer toutes les (4) Pierre a dit que Marie sait que Sheila est enceinte. Les verbes factifs et les verbes implicatifs entrent dans la classe des trous, tandis que les verbes qui n'ont pas d'implications sont des bouchons. Cependant, il n'est pas sûr qu'il existe des bouchons dans un sens absolu, parce qu'il arrive que ces verbes aient des implications dans certaines constructions (voir p. 152).
Les verbes factifs Les verbes factifs sont caractérisés par le fait que la valeur de vérité du complément reste inchangée sous l'effet de la négation ou de l'interrogation. En énonçant (5), (6) ou (7), le locuteur a en même temps exprimé la conviction que (8) est vraie. (5) Pierre regrette que Sheila soit enceinte. (6) Pierre ne regrette pas que Sheila soit enceinte. (7) Est-ce que Pierre regrette que Sheila soit enceinte? (8) Sheila est enceinte. Le fait que (8) reste vraie indépendamment de la négation ou de l'interrogation
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La notion de présupposition La notion de présupposition est souvent utilisée sans être définie rigoureusement. Cela est pourtant nécessaire, car il existe plusieurs définitions assez différentes. En général, on distingue entre deux classes3 de présuppositions, l'une pragmatique4, l'autre sémantico-logique. La conception pragmatique de la présupposition concerne les rapports entre renonciation d'une phrase et le contexte où elle est énoncée. Si un locuteur énonce (5), par exemple, il présente par là (8) comme un fait avéré. Cela n'implique pas nécessairement la sincérité de la part du locuteur, exigence qui aboutirait à exclure la possibilité de mentir, mais cela implique quand même une prise de position de sa part. En énonçant (5), il fait comprendre à son interlocuteur qu'il tient (8) pour vraie. S'il avait voulu faire croire qu'il la tenait pour fausse, il aurait pu dire (9) : (9) Pierre s'est imaginé que Sheila est enceinte. Enfin, s'il s'abstenait de prendre position, il pourrait dire (10), où il rapporte (10) Pierre pense que Sheila est enceinte II faut souligner qu'on ne sait rien de la sincérité du locuteur, il s'agit plutôt de la manière de présenter les choses, de l'optique dans laquelle on delire les faire voir. C'est aussi une question de la cohérence du discours. On ne peut pas commencer par énoncer (5) pour ensuite affirmer (9), sans se contredire. La conception logique de la présupposition est une relation sémantique (11) A présuppose B si et seulement si a/ si A est vraie, alors B est vraie b/ si A est fausse, alors Best vraie La vérité de B est donc la condition pour que A ait une valeur de vérité. 3: Voir par exemple Keenan (1971; et Karttunen (1*13). 4: ïl existe encore une classe de nr^snnposition. liée au centre focal de la phrase. Comme je m'occupe seulement de présuppositions lexicales, cette classe ne sera pas traitée.
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principe de la bivalence. Dans ce cas, A présuppose toutes les phrases valides Karttunen a montré (cf. 1971 c) que (11) n'est pas toujours valable pour (12) 11 est possible que Pierre ignore que Marie est partie. (13) Si Pierre ignore que Marie est partie, il est mal renseigné. (14) Pierre ignore que Marie est partie. (15) Marie est partie. Il faut pourtant rendre compte du fait que (15) est présupposée par (12) (16) A présuppose B si et seulement si a/ si A est possible, alors Best vraie b/ si — A est possible, alors Best vraie (d'après Karttunen 1971 c, 67) Les rapports entre les deux conceptions de la présupposition ne sont pas très clairs. En général, on peut dire que si A présuppose B pragmatiquement, alors A présuppose aussi B logiquement, mais l'inverse n'est pas toujours vrai (pour une discussion, voir Karttunen 1973, 170 et Stalnaker 1970, 279). Pour notre propos, cela n'a pas beaucoup d'importance. Sur le plan linguistique, les définitions formelles présentent cependant un (17) P présuppose Q si et seulement si à chaque fois que P est affirmée, niée ou mise sous forme de question le locuteur doit croire que Q Je voudrais proposer, en m'inspirant de la définition de l'implication présentée (18) P présuppose Q si et seulement si
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Cela revient à dire qu'on ne peut pas, en même temps, affirmer (5) et nier (8) La notion de présupposition permet de mieux distinguer entre deux types de négation, souvent appelés respectivement interne et externe (ou métalinguistique). La présupposition ne constitue évidemment pas tout le sens d'un énoncé, ce qui en reste a été appelé le posé. La négation interne ne nie que le posé et elle laisse passer toutes les présuppositions. La négation externe nie à la fois le posé et les présuppositions. (19) est donc ambiguë: (19) Pierre ne regrette pas que Sheila soit partie. (20) parce qu'il la déteste. (21) étant donné qu'elle est toujours là et qu'il le sait très bien. On peut faire suivre (19) par (20) ou par (21). Dans (20), c'est seulement l'idée de regret qui est niée, tandis que le complément reste toujours vrai. C'est donc la négation interne qui est explicitée par la paire (19), (20). Dans le cas de la paire (19), (21), c'est à la fois l'idée de regret et le complément qui sont niés. C'est la raison d'être de l'énoncé même qui est mise en question. Nous avons donc là la négation externe.
Degrés de/activité Les verbes factifs ne constituent pas un groupe homogène. Il existe un petit groupe qui perd sa factivité dans certaines circonstances. Ces verbes ont été appelés semi-factifs (cf. Karttunen 1971 c). La différence entre les verbes semi-factifs et les verbes factifs a été formalisée par (11) et (16), qui valent respectivement pour les semi-factifs et les factifs. En énonçant (22), le locuteur ne connaît pas avec certitude la valeur de vérité de (24), mais il pense au moment de renonciation que (24) n'est pas vraie. Pour (23) au contraire, le locuteur sait que (24) est vraie, et c'est seulement son attitude à l'égard de ce fait qui peut se modifier, tandis que, dans (22), c'est la position même de (24) qui peut changer : (22) Si j'apprends un jour que je n'ai pas dit la vérité, je l'avouerai à tout le (23) Si je regrette un jour que je n'aie pas dit la vente, je l'avouerai a tout le (24) Je n'ai pas dit la vérité.
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Bien qu'on ait pu formaliser la différence entre les verbes factifs et les verbes semi-factifs, ces derniers présentent néanmoins pas mal d'obscurités. Je donnerai ci-dessous un échantillon de constructions où les semi-factifs perdent leur factivité. Ce n'est pas par hasard que les verbes ont été mis à la première personne dans (22) et (23). A la première personne, les verbes semi-factifs perdent toujours leur factivité dans les constructions hypothétiques. Lorsque le verbe est à la troisième personne, la phrase devient ambiguë. Elle permet d'une part une interprétation factive, d'autre part une interprétation nonfactive. On peut ainsi faire suivre (25) par (26) qui explicite la lecture factive et par (27) qui explicite la lecture non-factive : (25) 11 est possible que Marie apprenne un jour que Sheila est enceinte. (26) car il est toujours possible qu'elle vienne nous voir, et alors Sheila le lui dira. (27) car Sheila vient de se marier, et elle veut un enfant tout de suite. L'ambiguïté de (25) disparaît si l'on nie apprendre. (28) permet seulement (28) II est possible que Marie n'apprenne pas que Sheila est enceinte. Nous avons déjà vu en (22) que les semi-factifs perdent leur factivité dans (29) Si j'apprenais que Marie avait acheté une voiture, je serais désolé. (30) Si j'avais appris que Marie avait acheté une voiture, j'aurais été désolé. Il est pourtant possible de rendre apprendre factif dans (30). Si l'on introduit dans (30) des expressions telles que d'une autre manière ou à un autre moment, le verbe devient factif. En énonçant (31), le locuteur présuppose que le complément est vrai : (31) Si j'avais appris hier que Marie avait acheté une voiture, j'aurais été désolé. La raison pour laquelle apprendre est factif dans (31) n'est pas claire, mais il semble que hier introduise une opposition qui laisse entendre que l'attitude du locuteur à l'égard du complément a changé au moment de renonciation. Il importe aussi que l'on mette l'accent sur hier, c.-à-d. que hier devienne le centre focal de la phrase, ce qui fait que le complément devient un présupposé,mais
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supposé,maisles rapports entre cette classe de présuppositions et les présuppositionslexicales Lorsqu'un verbe semi-factif est placé dans une proposition qui est complément d'objet d'un verbe factif négatif ou d'un verbe-Seulement-SI négatif (voir plus loin pour une discussion de ces verbes), il perd sa factivité. Il s'agit ainsi de la même opposition entre (32) et (33) qu'entre (22) et (23). C'est la même chose avec (34) et (35) : (32) Pierre s'est imaginé que j'apprendrais que je n'avais pas dit la vérité. (33) Pierre s'est imaginé queje regretterais que je n'eusse pas dit la vérité. (34) Pierre a soupçonné que j'apprendrais que je n'avais pas dit la vérité. (35) Pierre a soupçonné queje regretterais que je n'eusse pas dit la vérité. Nous rencontrons ici le même phénomène que dans (25). En niant apprendre, (36) Pierre s'est imaginé queje n'apprendrais pas que je n'avais pas dit la vérité. (37) Pierre a soupçonné queje n'apprendrais pas que je n'avais pas dit la vérité. Karttunen a mentionné que les semi-factifs perdent leur factivité dans les
(38) (a) As-tu oublié
Les verbes semi-factifs comprennent 5: entendre peut aussi exprimer la volonté; dans ce sens, il n'est pas factif.
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Les verbes semi-factifs ont plusieurs traits en commun, tant du point de vue Ils sont tous, dans une certaine mesure, synonymes de apprendre qch ou et faire apprendre qch. Ils se distinguent aussi nettement des verbes performatifs. A la première personne du présent de l'indicatif, ils s'emploient pour rapporter une activité, mais leur énonciation ne constitue pas en soi un acte comme pour les verbes performatifs. Dotés du sens factif, les verbes semi-factifs se construisent toujours avec une complétive remplissant la fonction de complément d'objet direct, sauf dans le cas de se douter et de se rendre compte, où la complétive remplit la fonction de complément d'objet indirect. Quelques verbes semi-factifs entrent aussi dans des constructions avec l'infinitif (par exemple: entendre, sentir, voir (cf. p. 151) et retenir (cf. p. 150)), mais dans ces constructions, ils ne sont pas factifs. Ils ne conservent leur factivité que lorsqu'ils se construisent avec une complétive. Même si le sujet de la principale est coréférentiel au sujet du complément, celui-ci se réalise comme une complétive, contrairement à la règle générale du français. Tous ces verbes ont un emploi non-factif. On peut se demander quelle valeur de vérité il faut attribuer au complément en l'introduisant par si, au lieu de le présupposer. Dans ce cas, le complément n'est pas présupposé par la phrase, mais les présupposés de la subordonnée interrogative sont présupposés par toute la phrase. Ainsi (39) présuppose (41), mais elle ne présuppose pas (40) : (39) Pierre n'a pas deviné si Marie sait que Sheila est enceinte. (40) Marie sait que Sheila est enceinte. (41) Sheila est enceinte. Les verbes semi-factifs exigent normalement l'indicatif dans la complétive.
Les verbes factifs Nous avons déjà défini les verbes factifs, dont il existe une centaine en français. 6: pour plus de détails, voir Boysen 1971 et Nordahl 1969.
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Les verbes- oc comprennent Les verbes- oc se distinguent principalement des verbes- /? par le fait qu'ils exigent normalement l'indicatif dans la complétive ; mais l'emploi des modes dépend en partie de la négation6. Ces verbes se divisent en verbes positifs et négatifs, selon les propriétés mises en lumière par Zuber (voir Zuber 1972, 72 et 109). (42 a) et (43 a) peuvent être vraies à Ja fois, mais (42 b) et (43 b) ne le peuvent pas, étant donné que (42 a) et (42 b) présupposent respectivement (43 a) et ~ (43 b) : (42) (a) Pierre sait | que Marie a cessé de battre ses enfants, (43) (a) Pierre sait j que Marie a battu ses enfants,
Les verbes-fi peuvent se diviser en trois groupes, d'après la fonction du complément
Les verbes-fii: la complétive remplit le plus souvent la fonction de complément
Les verbes-^2- la complétive remplit la fonction de sujet réel. Les verbes-/#2
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Les verbes-^: la complétive remplit la fonction de complément d'objet indirect (explicitement quand la complétive est introduite par de ce que, et implicitement lorsque la complétive est introduite par que) ou de sujet réel. Tous les verbes de ce groupe sont réfléchis. Les verbes-/?3 comprennent: Les verbes factifs ne constituent pas un groupe aussi homogène que les verbes semi-factifs. Les verbes-/? ont néanmoins ceci de commun qu'ils exigent le subjonctif dans la complétive7. Les verbes-/? sont d'ailleurs grosso modo identiques au groupe de verbes traditionnellement dits de sentiment. Il y a une autre différence importante entre les verbes semi-factifs et les verbes factifs. Pour ces derniers, le complément se réalise normalement comme un infinitif, lorsque le sujet de la principale est coréférentiel au sujet du complément. La construction infinitive, le plus souvent, n'a pas d'influence sur la factivitédu 7: les complétives introduites par de ce que, qui admettent l'indicatif, constituent la seule exception appréciable.
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nentdesverbes implicatifs, tandis que oublier et se moquer deviennent des verbes implicatifs négatifs. Dans le sens de «désirer pour soi-même», envier perd sa factivité (par ex. : il enviait d'être le propriétaire de la belle voiture). La construction complétive n'est donc pas une condition nécessaire pour la factivité. Evidemment, elle n'est pas non plus une condition suffisante, comme le montrent des verbes tels que croire, espérer, dire, etc. Les verbes-/? présentent un problème intéressant qui permet de mieux distinguer entre les verbes factifs et les verbes performatifs. Karttunen a dit que les verbes performatifs sont des bouchons (cf. Karttunen 1973, 174), mais Austin a signalé beaucoup de verbes-/? (surtout les /?i) comme exemples de verbes performatifs (cf. 1971, 152 sv.). Etant donné que les verbes factifs sont des trous, cela exige une délimitation plus rigoureuse des verbes performatifs. 11 y a cependant une différence essentielle entre les verbes-/? et les verbes purement performatifs tels que avouer (dans le sens juridique) et promettre. Une partie des verbes-/? s'emploient d'une manière performative à la (44) Je me félicite que Marie soit tuée (45) J'avoue que j'ai tué Marie. Si l'on veut rapporter ce qui s'est passé, lorsque quelqu'un a dit (44) et (45) (46) Pierre s'est félicité que Marie soit tuée. (47) Pierre a avoué qu'il a tué Marie. Pour le locuteur, une différence très nette se dessine cependant entre (46) et (47), car, en disant (46), il annonce en même temps qu'il considère le complément comme vrai. S'il n'avait pas voulu exprimer cette opinion, il aurait utilisé un autre verbe pour décrire l'acte de Pierre. Il en va autrement pour (47). En l'énonçant, le locuteur n'exprime aucunement que le complément est vrai. Il ne fait rien d'autre que de rapporter l'acte de Pierre sans prendre position personnellement. Ce sont donc seulement des verbes purement performatifs qui sont des bouchons, tandis que les verbes factifs sont des trous.
Cas spéciaux 1. Les complétives introduites par de ce que qui ont été traitées plus haut ne
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plutôt la fonction de complément circonstanciel (de provenance, de cause). Le deuxième groupe comprend: Le fait que la complétive introduite par de ce que peut exprimer la cause explique la présence d'aimer, jalouser et mépriser sur la liste. Ce qui est intéressant pour notre propos, c'est que c'est la construction qui rend ces verbes factifs, car la complétive introduite par de ce que exprime toujours quelque chose de vrai. La grammaire traditionnelle a exprimé cela en disant que la complétive présente les faits comme réels. 2. Les verbes de ce groupe sont caractérisés par le fait que le sujet du complément Le premier groupe comprend : L'infinitif se réalise, dans ces cas, comme un infinitif passé, c.-à-d. que le complément exprime toujours quelque chose qui est antérieur à l'action de la principale. Ces verbes sont factifs, car il n'est pas possible d'énoncer (48)(50) sans exprimer, en même temps, que l'on considère (51) comme vraie, ce qui veut dire que (51) est présupposée par (48)- (48) Pierre s'est repenti d'avoir triché. (49) Pierre ne s'est pas repenti d'avoir triché. (50) Pierre s'est-il repenti d'avoir triché? (51) Pierre a triché.
se borner à et se restreindre à se distinguent de ces verbes par le fait que l'infinitif 8: admet aussi, sans changement, la construction infinitive.
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Le deuxième groupe comprend deux séries de verbes qui sont respectivement La première série comprend : La deuxième série comprend:
tarder à appartient aussi à ce groupe. L'infinitif se réalise normalement dans ces cas comme un infinitif présent. (52) Pierre s'épuise à travailler. (53) Pierre ne s'épuise pas à travailler. (54) Pierre s'épuise-t-il à travailler ? (55) Pierre travaille. (47) admet cependant deux interprétations, correspondant respectivement à la négation interne et à la négation externe. Si Ton met l'accent bur ¿'épuise, (53) a l'implication donnée plus haut, mais si, au contraire, on met l'accent sur travailler, (53) implique plutôt que (55) est fausse. De même, une réponse positive à (54) implique que (55) est considérée comme vraie, et une réponse négative à (54) permet deux réponses, l'une négative, l'autre positive, correspondant à l'ambiguïté de (53).
Les verbes factifs négatifslo Les verbes factifs négatifs ont pour caractéristique de présupposer que le
(56) Pierre s'est imaginé que Sheila est partie. 9: pour le sens d'impliquer, voir ci-dessous. 10: Karttuncn n'a pas mentionné cette classe dans sa description des verbes anglais. Il« complètent pourtant les possibilités logiques de son schéma.
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(57) est cependant ambiguë: elle peut impliquer que le complément est vrai. Il est possible d'expliquer ce fait en recourant à la notion de négation interne et externe. Dans le premier cas, il s'agit de la négation interne et dans le second de la négation externe. Il reste pourtant à expliquer pourquoi la deuxième interprétation semble plus naturelle ici que dans le cas des verbes factifs. Les verbes factifs négatifs comprennentll Ces verbes posent encore d'autres problèmes. La fausseté du complément n'est pas toujours conservée dans les questions. (60) semble occuper une place intermédiaire entre (59) et (61). En énonçant (59), le locuteur présuppose que le complément est vrai, et dans renonciation de (61), il présuppose que le complément est faux, mais lorsqu'il énonce (60), il ne sait pas si le complément est vrai ou faux. (59) Est-ce que tu regrettes que Sheila soit enceinte ? (60) Est-ce que J tu t'imagines 1 que Sheila est enceinte? (61) Est-ce que tu rêves que Sheila est enceinte? Il semble que ce phénomène soit limité au présent. (62) et (63), où les verbes (6?) Est-ce que tu t'es imaginó que Sheila est enceinte? (63) Est-ce que tu t'imagineras que Sheila est enceinte? A l'impératif à la 2e personne, s'imaginer et se figurer impliquent que le (64) Imagine-toi 1 que Sheila est enceinte! 11: les linguistes anglo-saxons présentent souvent prétend comme factif négatif (voir par exemple Givón 1971, 3). prétendre n'est pas un verbe factif négatif, mais c'est un verbe déclaratif, parce qu'il est possible de l'employer sans que le locuteur doive nécessairement considérer le complément comme vrai ou faux.
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s'imaginer et se figurer ont ici un sens très proche de apprends que p ou de
Les verbes implicatifs Nous avons vu pour les verbes factifs que la négation (interne) n'avait aucune influence sur la valeur de vérité du complément, qui reste vrai si la principale est niée. Il existe cependant un autre groupe de verbes, celui des implicatifs, où la négation joue un rôle décisif pour la valeur de vérité du complément.
Les verbes implicatifs {positifs) Pour les verbes implicatifs, la caractéristique est d'avoir un complément vrai si la principale est positive, et inversement. Ainsi, lorsqu'un locuteur a énoncé (65), il ne peut pas nier (66) sans se contredire. De même, quand il a énoncé (67), il ne peut pas nier (68) sans contradiction. (65) et (67) impliquent respectivement (66) et (68) : (65) Pierre a commencé à parler (66) Pierre parle (67) Pierre n'a pas commencé à parler (68) Pierre ne parle pas TI est nécessaire de préciser quel sens il faut attribuer à impliquer. Karttunen (69) P implique si et seulement si A cette définition, je préfère celle proposée par Lyons (cf. 1971, 445) pour (70) P implique Q, si et seulement si II faut noter qu'impliquer a un sens plus faible que celui utilisé en logique.
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(67) équivaudraient respectivement à (66) et à (68), c.-à-d. qu'on pourrait inférer de (66) à (65) et de (68) à (67), mais c'est précisément ce qui n'est pas possible, puisque (65) et (67) ont des implications supplémentaires, que (66) et (68) n'ont pas, bien que, sur un plan strictement logique, il soit évident que (65) ne puisse être vraie si (66) est fausse. Karttunen a formalisé la description des verbes implicatifs en leur établissant (71) (72) où v indique un verbe implicatif quelconque et S le complément. Les verbes implicatifsl2 se laissent d'abord diviser en deux groupes exemplifiés Les présuppositions ne sont pas un phénomène uniquement lié au verbes 12: obtenir est aussi un verbe implicatif, mais il occupe une place à part, parce qu'il admet aussi la construction complétive.
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Keenan, 1971, 47). Il existe cependant une différence importante entre les implications et les présuppositions des verbes implicatifs (pour les sousgroupes1-3). Les présuppositions concernent le temps avant le moment de l'action et les implications le temps après le moment de l'actionl3. Les verbes du premier groupe ont ceci de commun qu'ils présupposent (73) (a) Pierre Jal commencé à dormir à dix heures (74) Juste avant dix heures, Pierre ne dormait pas. Il faut pourtant noter que (73 b) est ambiguë. On peut la faire suivre par (75) : (75) parce qu'il s'est déjà endormi à neuf heures. Dans ce cas, (74) n'est plus vraie, mais dans la première interprétation de (73 b) explicitée par (74), nous avons la négation interne, et dans l'interprétation explicitée par (75), il s'agit de la négation externe. Cette description est corroborée par le fait que (67) n'est pas ambiguë. Elle ne permet que la première interprétation, car elle se réfère au moment de renonciation. Si l'on voulait mettre un adverbe, ce serait quelque chose comme encore ou au moment où je parle. Les verbes du second sous-groupe présupposent, au contraire, que le (76) (a) Pierre fa | continué à travailler jeudi, (77) Juste avant jeudi, Pierre a travaillé. Nous retrouvons la même ambiguïté pour (76 b) que pour (73 b), à laquelle Les verbes du troisième groupe ont, en dehors de la présupposition temporelle des verbes du premier groupe, comme présupposition qu'on a tenté d'accomplir l'action indiquée par le complément avant le moment de la réussite. (78 a) et (78 b) présupposent ainsi (79) et (80)14. 13: la description qui suit s'inspire aussi des travaux de Givón (voir Givón 1972). 14: ("79) et (80) n'épuisent pas la structure présuppositionnelle de réussir.
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(78) (a) Pierre [ a 1 réussi à convaincre Marie jeudi, (79) Juste avant jeudi, Pierre a tenté de convaincre Marie. (80) Juste avant jeudi, Pierre n'avait pas convaincu Marie. Etant donné que les présuppositions ne sont pas nécessairement liées les Les verbes du dernier sous-groupe se distinguent des autres verbes implicatifs Il faut remarquer que les implications pour les verbes des quatre sousgroupes ne sont pas de même nature. Les verbes du troisième sous-groupe impliquent l'accomplissement de l'action indiquée par le complément. (81) implique ainsi (82), où escalader le rocher a le sens d'atteindre le sommet, parce que la locution est perfective ici : (81) Pierre a réussi à escalader le rocher à midi.ls (82) Pierre a escaladé le rocher à midi. Cela signifie que l'action s'arrête à ce moment. (81) implique donc aussi (83) (83) Juste après midi, Pierre n'escalade plus le rocher. Les verbes des autres groupes impliquent, au contraire, que l'action du (84) (a) Pierre [a J commencé 1à escalader le rocher à midi (85) Pierre escaladait le rocher à midi. Mais ces verbes n'impliquent pas que l'action en question s'accomplisse. 15: L'exemple est dû à Marie-Alice Séférian. 16: La grammaticalité de (84 c) est douteuse à cause de à midi, adverbe de temps ponctuel, s'amuser à se combine plutôt avec un adverbe de temps duratif. escalader le rocher devient alors ambigu: il est soit imperfectif, soit perfectif (avec un sens itératif).
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(86) (a) il f est 1 arrivé au sommet Les différences se traduisent aussi par le choix des verbes qui peuvent se combiner avec les verbes des quatre sous-groupes. Les verbes du troisième sous-groupe se combinent de préférence avec des verbes perfectifs. Si l'on met un verbe imperfectif, il est perfectivisé. Les deux premiers sous-groupes se combinent, au contraire, avec des verbes imperfectifs, et si l'on met un verbe perfectif, il est imperfectivisé. Les verbes du type s'amuser préfèrent aussi les verbes imperfectifs, mais s'ils ont affaire à un verbe perfectif, ils lui donnent plutôt un sens itératif. Le sujet des verbes implicatifs du premier groupe est normalement coréférentiel Il y a pourtant des exceptions à cette règle. Quand il n'y a pas de coréférence entre le sujet de la principale et celui du complément, celui-ci se réalise comme une complétive introduite par à ce que. Le plus souvent, à ce que se construit avec des verbes de volonté, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de relation logique entre la principale et le complément. Quelques-uns des verbes implicatifs se construisent aussi avec à ce que. Il s'agit des verbes du deuxième sous-groupe (sauf atteindre à), et condescendre à, se résigner à, en venir à et s'acharner à. Pour deux de ces verbes, la construction avec à ce que entraîne des modifications. Ce sont se résigner à et s'acharner à, qui deviennent respectivement un verbe factif et un verbe de volonté. (87) et (88) impliquent toutes les deux que (89) est vraie. (89) et>i donc présupposée par (87) et (88): (87) Pierre s'est résigné à ce que Sheila ne l'aime plus. (88) Pierre ne s'est pas résigné à ce que Sheila ne l'aime plus (89) Sheila n'aime plus Pierre.
se résigner à ce que est factif et non pas semi-factif, comme le montre (90), (90) II est possible que Pierre se soit résigné à ce que Sheila ne l'aime plus. (91) n'implique pas (92), étant donné que s'acharner à ce que est un verbe de (91) Si le roi s'acharne a ce que vous épousiez l'infante, c'est paice qu'il
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Karttunen a relevé quelques traits caractéristiques des verbes implicatifs anglais (cf. Karttunen 1971 a, voir aussi Newmeyer 1969) enee qui concerne les compléments circonstanciels, les verbes modaux et les questions. Les mêmes restrictions se retrouvent pour les verbes implicatifs français du premiergroupe.
Les adverbes de tempsll : (93) Pierre a réussi hier à convaincre Marie. (94) Pierre a réussi à convaincre Marie hier. (95) Pierre a convaincu Marie hier. (95) est impliquée tant par (93) que par (94). Cela n'a aucune importance si hier est mis dans la principale ou dans la subordonnée. Le domaine de l'adverbe est dans les deux cas toute la phrase. C'est pourquoi on ne peut pas avoir en même temps deux adverbes de temps dans la phrase, l'un dans la principale et l'autre dans la subordonnée, où les deux adverbes se réfèrent, pour la même action, à deux moments différents. (96) est ainsi agrammaticale, puisque (97) l'est: (96) *Pierre a réussi hier à convaincre Marie demain. (97) *Hier Pierre a convaincu Marie demain. Les mêmes restrictions existent pour les compléments de lieu. Le lecteur s'en
Les verbes modaux : (98) Pierre f doit 1 commencer à courir. peut . veut . ose sait (99) Pierre ( doit 1 courir peut . veut . ose sait 17: accepter et consentir admettent deux adverbes différents.
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En énonçant (98), le locuteur exprime la conviction que (99), c.-à-d. que
Les questions: (100) Est-ce que Pierre s'est mis à nager? (101) Est-ce que Pierre nage? Une réponse positive à (100) implique une réponse positive à (101), de même qu'une réponse négative à (100) implique une réponse négative à (101). Les réponses aux deux questions sont toujours soit positives soit négatives, c.à-d. que poser une question comme (100) correspond à vouloir une réponse à (101). On trouve un phénomène du même genre à l'impératif. Quand on donne (102) Mettez-vous à chanter! (103) Chantez! Le deuxième groupe des verbes implicatifs est beaucoup plus homogène. Lorsqu'un locuteur a énoncé (104 a), il ne peut nier (104 b) sans se contredire, 18: La forme réfléchie n'a pas d'implications quant àla valeur de vérité du complément. 19: persuader qn que est sans implication quant à !a valeur de vérité du complément. Dans cette construction, persuader est plutôt un verbe-bouchon.
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(104) (a) Pierre a contraint Marie à partir. (b) Marie est partie. (105) (a) Pierre n'a pas contraint Marie à partir. (b) Marie n'est pas partie. Comme présupposition de (104 a) et de (105 a), je proposerai (106 a), qui est (106) (a) Marie n'avait pas l'intention de partir. (b) Quelqu'un n'avait pas l'intention de faire l'action indiquée par le verbe (106 b) vaut pour tous les verbes de ce groupe, qui sont plus ou moins synonymes (105 a) est cependant ambiguë. Elle peut également impliquer (104 b). (107) car elle s'est décidée elle-même à partir. Dans ce cas, (106) est niée. Ici, nous avons la négation externe, alors que, Pour Karttunen (cf. 1971 c, 10), ces verbes sont des implicatifs simples (appelés des verbes-SI), c.-à-d. qu'ils n'ont qu'une implication lorsque la principale est positive. C'est seulement (71) qui est valable pour ces verbes. Lorsque la principale est négative, il n'y a pas de relation logique entre la principale et la subordonnée. C'est la même chose pour les verbes négatifs du type dissuader qn de (voir p. 150), appelé verbe-SI négatif, qui n'a pas non plus d'implications lorsque la principale est négative. Pour ces verbes, ce serait seulement (114) qui serait valable, et non pas (115). L'ambiguïté de (105 a) correspond pourtant exactement à celle de (73 b), à condition que (106) soit valable. Il est évident qu'elle est valable pour (104 a), mais il est moins clair qu'elle le soit pour (105 a), et je ne puis donner d'arguments décisifs en faveur de cette hypothèse. Il me semble pourtant qu'il y a un argument en ceci: dans les cas où (105 a) implique (104 b), cela exige une explicitation, tandis qu'elle n'a pas besoin d'être explicitée lorsqu'elle implique (105 b). Les verbes du deuxième groupe n'obéissent pas aux mêmes restrictions que ceux du premier groupe. Cela ne tient pas au fait que, pour les derniers, le sujet de la principale est normalement coréférentiel au sujet du complément, tandis que, pour les premiers, ce n'est pas le cas. Cela ne change rien, si l'on
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met un verbe réfléchi au lieu d'un verbe non-réfléchi, par exemple se contraindreau Pour décrire la différence entre les deux groupes de verbes, on doit plutôt dire, même si c'est un peu vague, que les verbes du premier groupe n'ont que peu de valeur propre. Ils désignent en général des aspects de l'action indiquée par le verbe du complément. Cela est très net dans le cas des verbes modaux où le sens ne change pas fondamentalement quand on omet le verbe du premier groupe (cf. (98) et (99)). Les verbes du deuxième groupe sont, au contraire, plus indépendants. On ne peut pas aussi facilement les omettre dans le cas des verbes modaux (cf. (110) et (111)), et on peut s'imaginer un décalage entre l'action indiquée par la principale et celle indiquée par le complément. Cela permet d'introduire deux adverbes de temps dans la phrase : (108) (a) Hier, Pierre a contraint Marie à partir aujourd'hui, (b) Hier, Pierre a décidé Marie à partir aujourd'hui. Ce n'est pas toujours possible pour tous les verbes de ce groupe. (109) n'est (109) *Hier, Pierre a fait partir Marie aujourd'hui. Pour ce qui est des verbes modaux, ce n'est que dans le cas de devoir qu'il (110) Pierre doit 1 contraindre Marie à partir. peut j . sait l veut ose j (111) Marie f doit 1 partir. peut j . sait l veut ose I Puisqu'il est possible d'avoir un décalage entre l'action indiquée par la principale et celle du complément, les réponses aux questions (112) et (113) ne se suivent pas toujours. Une réponse positive à (112) n'implique pas nécessairement une réponse positive à (113) à cause du décalage possible. Une réponse négative à (112) implique, au contraire, une réponse négative à (113), si l'on ne tient compte que de la négation interne:
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(112) Est-ce que Pierre a contraint Marie à partir? (113) Est-ce que Marie est partie?
Les verbes implicatifs négatifs Les verbes implicatifs négatifs ont cette caractéristique que le complément (114) (115) Ainsi, lorsqu'un locuteur énonce (116 a), il ne peut pas nier (116 b) sans se (116) (a) Pierre a cessé de parler, (117) (a) Pierre n'a pas cessé de parler, Comme les verbes implicatifs positifs, les verbes implicatifs négatifs peuvent Le premier groupe peut encore se diviser en trois sous-groupes: 2°. Le deuxième sous-groupe comprend: échouer à 20: Ce verbe se rencontre seulement dans des constructions négatives.
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Les verbes du premier sous-groupe présupposent que le complément était (118) (a) Pierre J a 1 cessé de manger à dix heures (119) Juste avant dix heures, Pierre mangeait. Nous retrouvons aussi la même ambiguïté pour (118 b) que pour (73 b), (120) car Pierre avait déjà cessé de manger à neuf heures.
échouer à se distingue seulement de réussir à par le fait que échouer à implique Les implications des verbes implicatifs négatifs ne sont pas exactement de même nature. Les verbes du premier sous-groupe impliquent seulement que l'action indiquée par le complément s'arrête, ils se combinent de préférence avec des verbes imperfectifs. escalader le rocher a ainsi le sens de grimper sur le rocher dans (121), qui implique (122). Dans (123) escalader le rocher a le sens à'atteindre le sommet, puisque échouer à se combine avec des verbes perfectifs comme réussir à. C'est pourquoi (123) implique à la fois (122) et (124). Le complément a un sens ambigu quand il se trouve après les verbes du dernier groupe. Dans (125), ie complément peut ou bien avoir le sens imperfectif ou bien le sens perfectif. Si le complément est imperfectif, cela signifie que Pierre n'a même pas touché le rocher. Si le complément est perfectif, (125) implique (124): (121) Pierre a cessé d'escalader le rocher. (122) Pierre n'escalade plus le rocher. (123) Pierre a échoué à escalader le rocher. (124) Pierre n'a pas escaladé le rocher. (125) (a) Pierre Í a évité Ì d'escalader le rocher. Le deuxième groupe des verbes implicatifs négatifs ne peut se diviser en 21: Givón a déjà proposé de voir en ce type de yerbe? des implicatifs doubles plutôt que des implicatifs simples.
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(126 a) et (127 a) impliquent respectivement (126 b) et (127 b). On ne peut (126) (a) Pierre a dissuadé Marie de partir, (127) (a) Pierre n'a pas dissuadé Marie de partir, Comme présupposition de (126 a) et (127 a), je proposerai (128 a). (128 b) (128) (a) Marie avait l'intention de partir. Comment expliquer que l'implication de (127 b) par (127 a) soit moins contestable que celle de (105 b) par (105 a)? Je ne suis pas en mesure de donner une réponse à cette question, mais, à mon avis, l'explication peut résider dans le fait que la présupposition, cette fois, désigne une action positive.
Les verbes implicatifs simples Les verbes implicatifs simples ont pour caractéristique de n'obéir qu'à un seul postulat de sens contrairement aux verbes implicatifs qui obéissent à deux postulats de sens. Ces verbes se divisent en quatre groupes correspondant aux quatre postulats de sens (71), (72), (114) et (115), appelés verbes-SI (négatifs) et verbes-Seulement-SI (négatifs). Cela signifie pour les verbes-SI qu'il n'y a un rapport logique entre toute la proposition et le complément que lorsque la principale est positive. Pour les verbes-Seulement-SI, il n'y a un rapport logique que lorsque la principale est négative.
Les verbes-SI obéissent au postulat de sens (71), c.-à-d. qu'ils impliquent,
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(129) implique (131), tandis que (130) n'a pas d'implications: (129) Pierre a prouvé que la terre tourne autour du soleil. (130) Pierre n'a pas prouvé que la terre tourne autour du soleil. (131) La terre tourne autour du soleil. faire que et impliquer que possèdent cette propriété que l'implication ne vaut pas nécessairement pour le locuteur, mais seulement pour la personne dont il cite l'opinion. Le locuteur peut même désavouer explicitement cette opinion. Le locuteur peut ainsi affirmer (132) ou (133) et nier (134) sans se contredire (132) Ces chiffres ont fait que la décision, pour Pierre, est prise (mais pas pour (133) Ces chiffres ont impliqué que la décision, pour Pierre, est prise (mais pas (134) La décision est prise. Les verbes-SI négatifs obéissent au postulat de sens (72), c.-à-d. qu'ils impliquent, quand la principale est positive, que le complément est faux, mais il n'y en a pas en français, réfuter serait un candidat possible, mais il prend toujours un substantif comme complément d'objet. Leo \erbes-Seulement-SI ont pour caractéristique d'obéir au postulat de sens (114), c-à-d. qu'ils impliquent, lorsque la principale est négative, que le complément est faux. Il n'y a, en français, qu'un seul verbe-Seulement-SI lexicalisé: pouvoir. (135) implique ainsi (137), tandis que (136) n'a pas d'implications: (135) Pierre n'a pas pu partir. (136) Pierre a pu partir. (137) Pierre n'est pas parti. En plus de pouvoir, il existe quelques locutions verbales plus ou moins synonymes 22: ces verbes peuvent aussi être factifs. (A) peut impliquer (B), (A) Les paroles de Pierre n'impliquent pas qu'il aime Sheila. (B) Pierre aime Sheila. 23: il s'agit des constructions avec une proposition infinitive: Pierre a vu Sheila chanter. 24: il n'est guère possible de nier ces verbes, dans ces constructions.
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Ces locutions ont ceci de commun (avec pouvoir) que le sujet est toujours Les verbes-Seulement-SI négatifs sont caractérisés par le fait qu'ils obéissent au postulat de sens (115), c.-à-d. qu'ils impliquent, quand la principale est négative, que le complément est vrai. (138) implique ainsi (140), tandis que (139) n'a pas d'implications: (138) Pierre n'a pas hésité à sortir. (139) Pierre a hésité à sortir. (140) Pierre est sorti. Ces verbes comprennent: Deuxième partie
Les verbes-bouchon Nous avons déjà défini les verbes-bouchon plus haut, et nous avons émis des doutes sur la question de savoir s'ils sont, en fait, des bouchons dans un sens absolu. Ce sont surtout les verbes déclaratifs et les verbes d'opinion qui ne semblent pas absolument étanches. Les verbes déclaratifs (par exemple: dire, affirmer, annoncer, déclarer) laissent régulièrement passer toutes les présuppositions du complément lorsque la principale est négative. (141) présuppose (142), qui est également présupposée par (143)—(145): (141) Sheila regrette d'être enceinte. (142) Sheila est enceinte. (143) Pierre n'a pas dit que Sheila regrette d'être enceinte. (144) Pierre n'a pas nié que Sheila regrette d'être enceinte. (145) Pierre n'a pas prétendu que Sheila regrette d'être enceinte. Il existe évidemment une autre interprétation de ces phrases, où la négation
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plus de valeur de vérité, et c'est le bien-fondé de toute la phrase qu'on met Karttunen (cf. 1973) ouvre une discussion pour savoir si les verbes d'opinion (par exemple: croire, estimer, supposer, espérer, douter) sont des bouchons ou non. Cependant, il ne fait pas de doute que (146) présuppose (142): (146) Pierre croit que Sheila regrette d'être enceinte, pense estime suppose espère doute II en découle que (147) contient une contradiction de la même manière que (147) Pierre croit que Sheila regrette d'être enceinte et elle n'est pas (148) Sheila regrette d'être enceinte et eue n'est pas enceinte. Un exemple du type (149), qui ne présuppose pas (142), fait cependant pencher (149) Pierre croit que Sheila est enceinte et il espère qu'elle le regrette. A mon avis, (149) n'est pas un argument valable, puisqu'on a coordonné deux phrases très différentes. Dans la première coordonnée, le complément est seulement supposé, tandis qu'il est présupposé par la deuxième. On va ainsi de la supposition à la présupposition. Puisqu'on change d'attitude envers le complément, il ne faut pas s'étonner que (149) ne présuppose pas (142). Il n'existe donc guère de bouchons dans un sens absolu, et il conviendrait
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25: ces verbes peuvent prendre le sens de reconnaître. Dans ce cas, ils sont factifs.
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ConclusionII ressort de ces listes qu'il y a une relation étroite entre la construction des verbes et le groupe auquel ils appartiennent. Pour les verbes semi-factifs, la construction complétive constitue ainsi une condition nécessaire de la factivité, mais il n'y a pourtant aucun cas où une construction est une condition suffisante pour qu'un verbe quelconque entre dans un groupe donné. Presque tous les verbes du deuxième groupe des implicatifs se construisent avec un complément d'objet direct, et ils introduisent l'infinitif par à, mais il existe d'autres verbes avec la même construction, par exemple aider qn à, qui n'ont pas d'implications quant à la valeur de vérité du complément. Pour qu'un verbe soit factif ou implicatif, il faut d'une part qu'il possède la propriété sémantique appropriée, d'autre part qu'il entre dans la bonne construction. La réunion de ces deux éléments donne comme résultat, par exemple pour accepter, un verbe factif avec une complétive et un verbe implicatif avec un infinitif.
Ole Mordrup Copenhague 26: signifier peut prendre !e sens d'un verbe-SI.
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RésuméJ'ai essayé, dans cet article, d'une part de dresser des listes exhaustives des verbes factifs et des verbes implicatifs, et d'autre part d'examiner si ces propriétés sémantiques correspondaient à des faits syntaxiques. Il existe en français environ 500 verbes qui prennent un complément phrastique, soit sous la forme d'une complétive, soit sous la forme d'un infinitif. Ces verbes ont été répartis dans les différentes catégories. Il s'avère qu'il n'existe pas de construction qui soit une condition à la fois nécessaire et suffisante pour qu'un verbe quelconque appartienne à une classe donnée, bien qu'il y ait une grande régularité dans les constructions de chaque classe. Il s'agit toujours d'une réunion de deux éléments. Il faut que le verbe possède la propriété sémantique appropriée et qu'il entre dans la bonne construction. Plusieurs verbes peuvent, suivant la construction, appartenir à des classes différentes, oublier est ainsi un verbe factif avec une complétive et un verbe implicatif dans la construction infinitive. BibliographieAustin, John L. (1962) «Howto doThings with Words» (cité d'après l'édition de Oxford Blinkenberg, Andreas (1960) Le problème de la transitivité en français moderne, Munksgârd, Boysen, Gerhard (1971) Subjonctif et hiérarchie. Odense Univ. Press, Odense. Givón, Talmy (1972) «Implications, Presuppositions and the Time-Axis of Verbs», Karttunen, Lauri (1971 a) «Implicative Verbs». Language 47.2, Baltimore. Keenan, Edward L. (1971) «Two Kinds of Presupposition in Natural Language». Dans Kiparsky, Paul et Carol (1971) «Fact». Dans Semantics, éds. Steinberg & Jakobovits, Lyons, John (1971) Introduction to TheoreticalLinguistics. Cambridge Univ. Press, Cambridge. Morgan, Jerry (1969) «On thè Treatment of Presupposition in Transformational Grammar». Nordahl, Helge (1969) Les systèmes du subjonctif corrélatif. Universitetsforlaget, Bergen. Newmeyer, Frédéric J. (1969) «The Underlying Structure of the Begin-Class Verbs». Robert, Paul (1951-64) Dict. alphabétique et analogique de la langue française I- VI. Paris. Sandfeld, Kr. (1965 a) Les propositions subordonnées. Droz, Genève. Zuber, Ryszard (1972) Structure présuppositionnelle du langage. Dunod, Paris. |