Revue Romane, Bind 9 (1974) 2Steen Jansen, Hans Peter Lund, Arne Schnack : Ovelser i elementoer tekstanalyse af franske litteroere tekster. Akademisk Forlag, Kobenhavn, 1972. I, 162 p. II, 186 p.Ole Wehner Rasmussen
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Dans les années vingt le professeur Servais Etienne instaura à l'Université de Liège la discipline d'analyse textuelle, ce qui était à l'époque un fait plutôt révolutionnaire. Au Danemark on l'introduisit comme discipline autonome à l'occasion des révisions du programme des études de français en 1968 - et cela sans avoir d'idées préconçues sur ce que représenterait cette nouveauté. Depuis lors professeurs et étudiants cherchent à préciser le statut de la discipline, ses buts et son application pédagogique. Voici parus en librairie, élaborés par une équipe de chercheurs de Copenhague, des «Exercices d'analyse textuelle élémentaire» à l'intention des étudiants de première année en français. C'est un ouvrage à base scientifique solide, ayant une visée pédagogique bien définie. Selon les trois auteurs le texte littéraire ne dépend pas de façon univoque d'un monde réel déterminé, d'où il prendrait ses éléments constituants. Bien qu'il ne jouisse pas d'une autonomie absolue, il y a moyen de le lire et de le comprendre sans tenir compte des éléments extérieurs au texte lui-même. Une conséquence possible de cette constatation est de définir l'analyse textuelle comme la discipline qui étudiera Io les relations entre le tout et les parties 2° les relations des parties constituantes Les résultats scientifiques et pédagogiques d'une telle conception n'ont pas perdu leur actualité: Quelle que soit la manière dont on souhaite s'occuper de recherches littéraires, l'analyse textuelle est une phase importante du travail. Les auteurs discernent et commentent une série d'éléments formels du texte littéraire; l'ordre de présentation est déterminé par la complexité croissante des notions, et ne représente pas en soi un modèle ou une méthode à suivre pour les étudiants. Les chapitres les plus importants sont groupés en sections de la façon suivante: signification concrète et abstraite du syntaxe : phrases, membres de phrase, rapprochements surprenants: figures de répétition, métaphores, métonymies motif, thème, composition (c.-à-d. univers fictif: temps, espace, personnages, Le choix adéquat de concepts descriptifs est particulièrement difficile, quand il s'agit de faire un ouvrage d'initiation. Je suis d'avis que les auteurs ont résolu le problème d'une manière judicieuse, et qu'ils offrent aux étudiants un outil bien précieux. Un outil, d'ailleurs, dont on étend facilement le champ d'application en se servant des renvois nombreux et précis, surtout aux œuvres de M. Cressot, de J. Dubois, de R. A. Sayce et de T. Todorov. II est naturellement possible de faire
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dogmatise pas. Pour ma part, je trouve qu'il sacrifie trop de place à la syntaxe, qu'on enseigne assez bien aux étudiants ailleurs. Mais il est appréciable que les auteurs soulignent par là, l'étroite liaison entre l'enseignement de la grammaire et l'enseignement de la littérature. La section sur les figures et les tropes commence par une mise en parallèle des notions de 'discours transparent'/'discours opaque' de Todorov avec la version de J. Cohen de la théorie de l'écart. Elle se termine par une présentation de 'la comparaison' et du 'paradoxe' (catégorie comprenant par exemple le zeugme et l'oxymoron de ia rhétorique classique). On aurait souhaité voir les deux parties reliées entre elles d'une manière plus organique, à l'intérieur d'une théorie d'ensemble sur les images et les métaphores. Les termes 'motif et 'thème' occupent une place importante chez beaucoup de théoriciens de la littérature. II y a lieu de relever, dans ce compte rendu, que les trois auteurs se réfèrent à B. Tomachevski et à Todorov en définissant le motif comme une expression linguistique centrale autour de laquelle se groupent d'autres expressions, reliées à la première soit sémantiquement, soit syntactiquement. Le thème est une catégorie sémantique plus abstraite, plus générale, contenant souvent plusieurs motifs. Ces définitions s'opposent par conséquent à la conception qui voudrait que le motif soit constitué uniquement par des éléments concrets de l'univers fictif. Comme le but des auteurs est d'apprendre aux étudiants à décrire le texte littéraire, ils évitent soigneusement euxmêmes & interpréter. Peut-être faut-il trouver là, la raison de l'exclusion des 'forces' de l'univers fictif; de toute façon, les personnages sont caractérisés seulement par rapport au temps, à l'espace et au narrateur, et non pas par rapport au\ ¿tuircs personnages. A ceux qui s'intéressent à ces dernières relations, on pourrait conseiller d'introduire avec précaution un modèle actantiel à ce niveau de l'analyse. Dans l'ouvrage les notions de structure' de 'genre' sont étroitement reliées puisque les auteurs citent M. NoJgaard: (. . .) le genre se définit comme la catégorie qui, placée immédiatement au-dessus de la structure, contient toutes les structures dans lesquelles se trouve, sous une forme identique, l'ensemble des éléments structuraux exigés par le critique. (La fable antique I, Cph. 1964) Ils proposent les genres suivants: Io LE GENRE LYRIQUE: L'élément 2° Le genre fictif: L'élément structural En adoptant ces définitions les étudiants courent le risque d'oublier - me paraît-il - que les genres narratif et dramatique contiennent des thèmes, eux aussi, et que l'univers fictif n'est pas étranger au genre lyrique. La notion de genre proposée est aussi vaste que la notion classique, et par là, peut-être, aussi insatisfaisante. Je crois qu'on aurait intérêt à considérer les trois genres cités comme des catégories relatives, un peu dans le sens d'Emil Staiger. Quitte à devoir adopter un terme nouveau, quand on parle du lyrique, du narratif ou du dramatique. Je suis d'accordavec
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cordavecle chercheur danois J. Dines Johansen qui veut qu'on définisse partiellementles genres, à l'intérieur de périodesbien délimitées de l'histoire littéraire; l'étude des genres aura donc pour tâche la description des traditions littéraires et de leurs transformations au cours de l'histoire, aussi bien que la description de leurs relations avec les milieux intellectuels et sociaux respectifs (Novelleteori efter 1945, Cph. 1970). La portée de l'ouvrage est limitée par le fait qu'il traite seulement des textes littéraires. Bien qu'un manuel de ce genre ne doive pas couvrir tout le champ sémiotique, il aurait gagné, je trouve, à développer un peu plus longuement Jes différences entre la littérature et les autres formes de communication. Les deux cahiers forment un cours complet basé sur la méthode d'enseignement par groupes, qui est expliquée dans l'introduction. Il y a en tout 24 leçons, dont la plupart sont divisées en trois parties: a) des exercices préparatoires individuels, b) des exercices pour le travail en groupes, c) un commentaire que l'étudiant doit consulter quand il revoit chez lui la matière travaillée en classe. Le commentaire résume les définitions données au cours des exercices, discute à l'aide de citations judicieuses, donne des références, et dévoile enfin ¡"opinion personnelle des auteurs concernant les questions traitées. Le choix des textes nombreux, sur lesquels reposent les exercices, est excellent. Comme le prescrit le programme des études, ils datent presque tous du XIXe ou du XXe siècle. Les auteurs n'ont pas cherché à rassembler uniquement des exemples faciles; il est important pour eux de familiariser, dès le début, les étudiants avec les difficultés que présente la littérature en général. On remarque avec une satisfaction particulière que l'ouvrage précise lui-même les buts de son enseignement. Après chacune des six sections principales, il décrit le comportement supposé acquis par l'étudiant vis-à-vis du texte à analyser. La disposition de la matière est logique d'un point de vue pédagogique, puisqu'elle va systématiquement du simple au plus complexe - mais par là-même, elle tend peut-être à devenir un peu ennuyeuse. Ma propre expérience me dit qu'il est plus facile de captiver l'attention des jeunes étudiants, si on les laisse travailler sur les éléments de l'univers fictif, avant qu'ils abordent les mots pris isolément par exemple. Pour terminer je voudrais faire une remarque concernant la technique d'édition : pourquoi a-t-il fallu imprimer sur si beau papier un ouvrage dont presque la moitié consiste en pages blanches, réservées aux notes du lecteur? Les prix de 53 cour.d. pour les étudiants, bénéficiant d'une réduction, et de 80 cour.d. pour l'homme de la rue me paraissent excessifs. Aarhus |