Revue Romane, Bind 8 (1973) 1-2

Alf Lombard: Rumansk grammatik. Lund (CWK Gleerup), 1973. 409 pages.

Povl Skårup

Side 429

M. Alf Lombard, professeur honoraire de l'Université de Lund, consacre depuis une quarantaine d'années une grande partie de ses forces à étudier la langue roumaine. Dans la bibliographie de ses œuvres, publiée dans les Mélanges de philologie qui mi oui été oiTeUs a. i'oc^asiuii Je ¡>oi\ soixante-cinquierne anniversaire (Lund, 1969), on compte une longue série d'articles et de comptes rendus dédiés au roumain, couronnée par la monumentale étude morphologique, Le Verbe roumain (2 vol.. Lund, 1954-55). A cette série, M. Lombard vient d'ajouter non seulement un article excellent, «Les Pronoms Personnels du Roumain. Aperçu syntaxique» (dans Stockholm Studies in Modem Philology, N. S. Vol. 4, 1972, 190-249), mais encore une grammaire roumaine, issue de son enseignement du roumain à l'Université de Lund.

Rédigée en suédois, cette grammaire est destinée en premier lieu aux Scandinaves, étudiants et autres, désireux d'apprendre le roumain. L'objet de la description est donc la langue roumaine moderne telle qu'elle est parlée et écrite par les Bucarestois cultivés, la langue quotidienne neutre et moyenne.

L'ouvrage s'adresse à deux types de lecteurs. Aussi a-t-on un peu l'impression de se trouver devant deux livres compris dans un seul volume. Après un chapitre sur la prononciation (pp. 8-21), la première partie, contenant les éléments de la morphologie(pp. 23-44), s'adresse aux débutants et à ceux qui sans avoir l'intention de pousser 1 étude plus loin désirent se faire uno idee de la structure de la. langue. La seconde partie, qui approfondit les matières de la première partie en y ajoutant la syntaxe (pp. 45-386), s'adresse à ceux qui veulent se perfectionner dans la langue roumaine, ou qui cherchent la solution de problèmes grammaticaux qu'ils ont pu

Side 430

rencontrer en se servant de la langue comme émetteurs ou comme récepteurs. Cette bipartitation a l'inconvénient de séparer les règles morphologiques selon qu'elles sont élémentaires ou non, de sorte que l'usager doit chercher la solution d'un problème à deux endroits, inconvénient aggravé par le fait que l'index ne renvoie qu'à la seconde partie. Puisqu'une règle principale et élémentaire peut n'être pas absolue, il arrive qu'un renseignement donné dans la première partie soit modifié dans la seconde au point d'être presque démenti: comparer la p. 25 aux pp. 56 et 65. On se demande si l'auteur n'aurait pas mieux fait de rédiger deux volumes différents, dont l'un serait (presque) identique à la première partie de celui-ci, et dont l'autre contiendrait tous les faits exposés dans les deux parties du présent ouvrage, mais par ordre systématique. Tout bien compté, l'auteur a peut-être bien fait, puisque l'usager se familiarisera vite avec le livre et saura où chercher la réponse à ses questions.

La quantité de faits décrits est imposante. La morphologie, y compris la morphophonétique, est traitée de façon excellente et pratiquement exhaustive pour l'état de langue choisi. Tous les types sont décrits et bien décrits. Tout au plus peut-on allonger quelques-unes des listes d'exemples, ainsi, par exemple, dragoste se décline comme foame, sete (p. 50), erou comme bou (p. 53),flâcâu comme salâu (ib.), singe comme dulce (p. 65), pribeag, unie, voinic et les adjectifs en -nie ou en -ic faibles (harnic, strasnic, vrednic, etc. ; artistìc, istorie, politic, etc.) comme analog (p. 70), propriu comme straniu (p. 74), luciu (p. 74) comme rosu (p. 73), pour ne citer que quelques mots assez fréquents. Mais celui qui ignore la déclinaison de ces mots et d'autres, la cherchera dans un dictionnaire plutôt que dans une grammaire. D'autre part, c'est dans une grammaire qu'on cherchera des formes comme ziuâ (à ajouter sous zi, p. 61) et Is = -s (= sînt, à ajouter sous le verbe fi, p. 290). Les formes incile 'eux-mêmes' (= însisi) et însele 'elles-mêmes' (= însesi) sont citées comme toutes parallèles (p. 134); il faut pourtant ajouter que la forme masculine ìnsite est bien moins fréquente par rapport à însisi que ne l'est la forme féminine însele par rapport à însesi, sans doute parce que însele est appuyé par l'homonymie de le pronom datif pluriel avec l'article plur. fém. (en effet, Dicfionarul Limbii Romîne Moderne, 1958, y voit un article en citant însele sous însul et en ajoutant curieusement que cet emploi de însul est aujourd'hui restreint au fcm. plur.; ni ce dictionnaire ni la grammaire de l'Acad. roum. ne citent la forme masculine ìnsite, qui existe pourtant à côté de la forme plus courante însisi). - On voit quelles bagatelles il faut citer pour ajouter quelque chose aux parties morphologiques de la grammaire de M. Lombard.

Si l'auteur n'a pas ajouté de chapitre consacré à la formation des mots, c'est sans doute dans la pensée que cette science est d'ordre plutôt lexicologique. Il y a vingt ans, M. Lombard lui-même, que je viens de citer presque textuellement, jugeait cette pensée défendable (dans Vox Romanica 12, 1951-2, 201, en rendant compte de la grammaire roumaine de Sever Pop). Sans doute, mais la distinction rigoureuse entre lexicologie et grammaire peut être critiquée du point de vue théorique et surtout dans un manuel pratique destiné à un usage pédagogique. Je propose donc à M. Lombard d'ajouter dans la seconde édition de sa grammaire un chapitre sur la formation des mots.

Je lui propose d'ajouter aussi un autre chapitre. La syntaxe est traitée dans les
chapitres consacrés à chacune des parties du discours. Cette disposition est commode,certes,

Side 431

mode,certes,mais elle n'est pas exhaustive. Dans la grammaire de M. Lombard, on ne trouve rien sur la place du sujet par rapport à un verbe indicatif, ni sur la façon d'exprimer une interrogation totale directe. Ces règles, et d'autres encore, trouveraient leur place dans un chapitre sur la syntaxe de la proposition. D'autres remarques syntaxiques, surtout sur les propositions subordonnées, pourraient trouver leur place dans un des chapitres qui existent déjà dans la grammaire, à savoir celui qui traite des conjonctions (si ce chapitre est assez maigre, c'est peutêtreque M. Lombard voit dans le choix entre les conjonctions un problème lexicologiqueplutôt que syntaxique, mais même si cela est vrai en principe, il serait commode de pouvoir trouver un exposé de ce problème dans une grammaire).

Exception faite des domaines grammaticaux que je viens de citer, ce livre répond à toutes les questions qu'on pose normalement à une grammaire de cette taille, et il y répond d'une façon absolument excellente. Les non-Scandinaves qui étudient le roumain peuvent nous envier l'outil que vient de nous donner M. Lombard.

ÂRHUS