Revue Romane, Bind 8 (1973) 1-2

Giovan Battista Pellegrini: Gli arabismi nelle lingue neolatine con speciale riguardo all'ltalia I—11, 634 pages, Paideia Editrice Brescia 1972. 20.000 lire.

Poul Høybye

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Voici un livre qu'on attendait avec impatience dans les cercles qui ont eu le privilège
de lire les articles publiés par l'auteur dans différentes revues depuis 1956.

Maintenant nous avons la Somme de G. B. Pellegrini, romaniste doublé d'un arabisant ou plutôt d'un orientaliste, qui sait également le persan et le turc. Ce n'est pas seulement la réimpression des articles mentionnés. En plusieurs endroits, l'auteur y a, en effet, ajoute des corrections et des post-scnpta.

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L'introduction est nouvelle. GBP y fait l'historique des études de ses prédécesseurs
et un tour d'horizon de l'état présent des recherches.

Tout au long de l'exposé, l'auteur suit la même disposition: après avoir présenté les hypothèses émises par d'autres, il les discute en détail avec des arguments pour et contre - c'est souvent une très instructive histoire des erreurs - et il finit par proposer ses propres solutions.

Nous passerons en revue les quinze chapitres de l'ouvrage.

I. Dans le premier chapitre, qui porte le même titre que le livre entier, GBP
donne des glossaires groupés par catégories comme professions et métiers, termes
militaires, etc.

11. Arabismes siciliens et méridionaux. Surtout des mots dialectaux, avec un
appendice onomastique très important.

111. Terminologie géographique arabe en Sicile. Lois 'phonétiques étudiées sur les formes arabes des noms géographiques préarabes (grecs et latins). - Appellatifs siciliens d'origine arabe. - Termes arabes attestés dans les diplômes grecs et latins, surtout «Le rôle de Monreale».

IV. Contribution à l'étude de l'influence de l'arabe en Ligurie. Glossaires groupés
par catégories. Les paragraphes 14-15 sont consacrés aux noms de personnes.

V. Il fosso Caligi et les arabismes pisans. Historique des rapports (surtout commerciaux) des Pisans avec les Arabes. - Étude des mots. - II fosso Caligi est un des canaux qui reliaient l'Arno et le Serchio avec les lagunes. - Caligi vient de l'arabe halig = canal.

VI. Notices de phonétique arabo-italienne.

VII. Ragazzo. Monographie étymologique. Le mot vient de l'arabe raqqâs (de
la racine r-q-s: sauter, danser, courir). Le premier sens en arabe était 'danseur',
ensuite' galopin', puis en italien 'serviteur, domestique', enfin simplement'garçon'.

Vili. Facchino. Présentation de plusieurs noms arabes de différents métiers et dignités. Poux facchino, on a longtemps prétendu qu'il venait du fr. faquin (dont l'origine était obscure). Or, le mot italien était répandu en Italie, surtout à Venise, bien avant le mot français en France. Il est arabe: faqlh était à l'origine un jurisconsulte ou un théologue, donc un homme très savant. Il a pris en arabe le sens plus modeste de 'scribe, secrétaire, maître d'école'. Or, à Venise, le scribe de la douane a dû aider ou même remplacer le porteur. Ce chapitre fourmille de détails intéressants sur la vie commerciale d'autrefois.

IX. Gálica et macaluffo. Gálica signifiait 'vente aux enchères, encan' (ar. halqa). Macaluffo était un pourboire ou un salaire que l'acheteur donnait à l'encanteur ou à son assistant. Mais auparavant c'était un homme, l'assistant de l'encanteur. La forme arabe était mahlûf (racine: h-l-f: jurer), donc un juré qui pouvait occuper diverses fonctions importantes.

X. Zerbino 'paillasson (boueux)'. L'arabe zirbiy, vulg. zerbiy (même sens) a toujours
cours à Tunis, où GBP l'a entendu lui-même dans un souk. C'est de Milan
que le mot s'est répandu dans les parlers septentrionaux.

XI. Bagarino 'accapareur', et surtout 'revendeur de billets de théâtre'. Ar.
baqqàlïn, pluriel de baqqâl 'marchand de légumes, etc.' Le mot italien est connu à
Rome au moins depuis la fin du XVIIe siècle.

XII. Trabacco(lo) -trabacca, 'petit bateau plat à deux ou trois mâts, employé
surtout dans l'Adriatique, - trabacca 'barque', etc. Sicilien tra(b)bacca 'espèce de

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tente' et beaucoup d'autres mots dialectaux dérivent de l'arabe tabaqah 'toit,
toiture' (racine t-b-q 'couvrir') croisé avec trabe. Le sens de 'bateau', qui n'existe
pas en arabe, a dû se développer en Italie.

XIII. Traces d'eschatologie islamique dans les deux poèmes de Giacomino da Verona (XIIIe siècle). G. da V. mentionne, parmi les gardiens de l'enfer, un certain Barachin. GBP propose de l'identifier avec (At)borak (al-Barâq), la bête ailée qui transporta Mahomet au ciel. Autre part, le même poète parle du fogo camban au sens de 'feu infernal'. Or, le Coran (XCVI) désigne les gardiens de l'enfer comme az-zabàniya. Il est vrai qu'on ne trouve nulle part dans la Romania Arabica la moindre trace de l'expression. Mais GBP suppose que certains prédicateurs franciscains ou dominicains étaient assez au courant de la théologie islamique pour la connaître.

XIV. Contacts linguistiques arabo-vénitiens. Le mot le plus intéressant de cet article me paraît être marzapane 'massepain'. L'étymologie fantaisiste du Néerlandais A. Kluyver, selon qui le mot avait signifié d'abord une monnaie vénitienne, a été jusqu'à présent acceptée par beaucoup de savants. Or, en même temps que G. R. Cardona, GBP a eu l'ingénieuse idée de partir d'un vrai mot arabe, à savoir martaban, selon Dozy 'vase de porcelaine dans lequel on serre des médicaments, des confitures, des épices ou de l'encre'. A la fin, dans un post-scriptum, GBP propose de rattacher le nom du récipient au nom du port exportateur Martaban, près de Moulmein, en Birmanie. Il paraît très vraisemblable que le sens de 'vase ou coffre' a pris celui du contenu, confitures et épices, parmi lesquelles aussi le massepain.

XV. L'arabe de la Zingana de A. Giancarli, poète du XVIe siècle, né à Rovigo.
La Zingana (= bohémienne) est une comédie écrite en plusieurs dialectes et langues.
GBP réussit à donner une transcription exacte de toutes les phrases arabes.

Je me suis permis d'écrire ce long compte rendu au profit des non-spécialistes. J'ebpère qu'on aura compris que l'ouvrage de GBP est une mine inépuisable, nù par exemple les auteurs de dictionnaires étymologiques trouveront la solution de bien des problèmes.

Félicitons-nous que Giovan Battista Pellegrini ait à peine dépassé la cinquantaine.
Il nous donnera sans doute d'autres chefs-d'œuvrel.

COPENHAGUE



1: G. B. Pellegrini: Saggi sul ladino dolomitico e sul friulano. - Adriatico Editrice, Bari 1972. 498 pages. - Dans ce volume l'auteur a réuni ses articles concernant cette matière. C"est désormais l'œuvre principale dans ce domaine.