Revue Romane, Bind 8 (1973) 1-2

L'infinitif et la construction relative en français et en italien contemporains

PAR

JØRGEN SCHMITT JENSEN

On sait qu'un infinitif, dans certains cas d'ailleurs mal délimités, peut s'employer, sans sujet exprimé, dans un groupe de propositions interrogatives et relatives (S. 111, § 135). C'est la dernière catégorie, celle des relatives, qui est le sujet de cet article : Nous allons traiter dans les grandes lignes la syntaxe de ces constructions en français et en italien, en essayant de les insérer dans une structure un peu plus générale que celle indiquée d'habitude par la place plutôt marginale que leur réservent les grammaires et même une grande monographie aussi importante que celle de Sandfeld.

Ces «propositions relatives» posent de nombreux problèmes dont les
deux principaux, d'un point de vue théorique, me semblent être les
suivants:

-Io: Comment peut-on avoir un syntagme introduit par un pronom relatif, donc comme une proposition subordonnée, dont le verbe est à une forme non-finie: J'ai besoin d'un aide sur qui compter, (cit. S. 111 § 137) Aveva scelto male il paese in cui combatterla (I.s. d'o. 23). (Cette question se pose évidemment aussi pour d'autres types de propositions, surtout pour les interrogatives indirectes. Je me bornerai ici aux relatives, mais l'analyse que je propose est valable aussi pour les interrogatives indirectes).

- 2°: Pourquoi ne peut-on pas «employer l'infinitif après que»! (Cf. Togeby, F. G. § 648, où cette exclusion est étendue à quoi, à tort, comme il ressort d'un exemple chez Sandfeld, loc.cit., et du type suivant: Voilà finalement quelque chose à quoi réfléchir). La même question se pose pour l'italien, où l'on ne trouve jamais che atone au début d'une telle «proposition» infinitive. (Par contre, on trouve un che tonique, régi par une préposition, correspondant au français quoi: Ecco finalmente qualcosa su che riflettere). En effet, abstraction faite des formes adverbialesoù,

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bialesoù,dove, etc. (et cui en fonction de datif: ... una giustizia divina
cui rendere conto dei propri atti ... (I.s. d'o. 61)), notre construction ne
se trouve qu'après une préposition.

Je préfère donc formuler la question numéro 2° de la façon suivante ;

- Pourquoi ne trouve-t-on pas la «proposition» relative infinitive dans les cas où l'antécédent serait le sujet ou le régime direct de l'infinitif: en français qui (sans préposition) ou que, en italien che (atone, sans préposition)?

La solution de ces deux problèmes pourra fournir des indications très
importantes sur la nature syntaxique de l'infinitif, sur les constructions
relatives en général et sur le mécanisme du langage tout court.

Si j'ai choisi de traiter en même temps l'italien et le français, ceci n'est pas dû principalement aux constructions infinitives prises isolément - elles ne diffèrent pas énormément d'une langue à l'autre -, mais surtout aux constructions relatives à verbe fini, qui justement reflètent, dans les deux langues, des différences de structure entre l'italien et le français. Ces différences syntaxiques fondamentales pourront servir à mettre en relief les problèmes des constructions relatives infinitives - et à expliquer les solutions assez analogues que les deux langues ont choisies dans ce domaine. (Nous verrons dans une parenthèse que la solution adoptée par l'espagnol - par ailleurs sensiblement d'accord avec l'italien dans les constructions relatives - est différente de celle de la syntaxe infinitive « franco-italienne »).

Dans l'examen qui va suivre, je me base sur les analyses de la construction relative que j'ai proposées soit pour l'italien soit pour le français dans Subjonctif et Hypotaxe en italien.l J'y discute longuement de nombreux aspects de ce phénomène, et je me limiterai à en exposer les points centraux tout en renvoyant, pour le détail, à Subjonctif et Hypotaxe.

Un substantif en tant que tel émet (se subordonne) une place adjective. Si cette place adjective est remplie par un mot qui est morphologiquementun adjectif, le substantif perpétue son genre et nombre dans l'adjectifqui lui est subordonné. Or, si la place adjective est remplie par toute une proposition, celle-ci n'a pas la possibilité de manifester par un tel accord son appartenance au substantif en question: Una donna bella / les



1: Et dans Les «syntaxèmes», «phonèmes» de la syntaxe, dans Méthodes de la grammaire. Colloque international tenu à /' Université de Liège, nov. i964. Liège 1966.

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femmes belles, mais pas : * Una donna {che scrive)-a / *Les femmes (que je regarde)-es. Pourtant, nous retrouvons le même mécanisme de persévérancedu substantif dans le membre adjectif si celui-ci est une propositionentière - il fonctionne seulement par d'autres moyens: pour qu'une proposition puisse être directement subordonnée à un substantif, il faut que ce dernier ait une fonction dans la subordonnée. Condition et, partant, résultat. C'est là le mécanisme de la construction relative. L'antécédentse manifeste dans la relative - qu'il soit représenté par un pronomrelatif ou non. Cette construction est commune pour un grand nombre de langues - aussi, paraît-il, en dehors des langues indo-européennes.Que ce soit des langues qui admettent des subordonnées sans introducteur(conjonction), ou des langues qui exigent une conjonction de subordination au début d'une proposition subordonnée - la construction implique la présence, matérielle ou non, de l'antécédent dans la propositionadjective. Cf. en anglais : The man I know is rich et en danois : Den mand, jeg hender, er rig, où The man / den mand est à la fois noyau dans le syntagme nominal sujet de is rich / er rig et objet de / know / jeg hender, ce qui ressort du fait que la place objet dans la subordonnée est bloquée - bien que The man / den mand n'y soit pas matériellement représenté. La construction comporte une telle fonction commune. Nous appellerons ainsi l'antécédent membre commun (Diderichsen : Faellesled) et la constructionrelative construction à membre commun. En français et en italien (comme en espagnol), une proposition subordonnée doit normalement être introduite par une conjonction - simple (que, che) ou composée (synthétique: si / se ou analytique: sans que / senza che) - ou par un pronom contenant (au moins fonctionnellement) que / che. C'est ainsi que les constructions correspondantes aux types anglais / danois cités seraient: L'homme que je connais est riche / L'uomo che conosco è ricco. Il est erroné d'attribuer à que / che la fonction de pronom relatif. C'est une conjonction - que est que, che est che. Cela ressort aussi des constructionsoù une proposition introduite par que / che est subordonnée à un substantif ambivalent pouvant établir et une « normale » subordination substantif-adjectif et une subordination verbale (« transitive ») : les substantifsverbaux. Là que J che ne peut pas, à lui seul, se manifester comme pronom relatif ou conjonction. (P.ex. : L'opinion qu'ils discutent toujours est très répandue / L'opinione che discutiamo sempre è molto diffusa. Relativeou

Si le membre commun dans la relative doit être régi par une préposition,il
faut un régime «matériel» (évt. un pronom): L homme à qui je

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pense est riche {qui = que + «quelque chose») ¡L'uomo a cui penso è ricco. De même, en français, c'est une règle générale que la place sujet doit être matériellement remplie: L'homme qui m'a salué est riche {qui = que (conjonction!) + «quelque chose», ici -/ remplit matériellement la place sujet). (Cf. en danois, où la même règle générale s'impose: Den mand, jeg hender, - mais : den mand, der hilste pà mig ..., et, en danois populaire : Den mand, at (= qué) jeg hender ... mais : Den mand, at der (= que + i [y!]) hilste pà mig ...).

Or, cette règle n'existe pas en italien, où un verbe n'a pas besoin d'un sujet extérieur. Nous pouvons donc là introduire une proposition relative où le membre commun est sujet, par la conjonction che - sans plus: L'uomo che mi ha salutato è ricco.

Pour plus d'exemples, je renvoie à Subjonctif et Hypotaxe. Ces quelques remarques suffisent pour comprendre la construction relative et son mécanisme syntaxique - qu'il y ait représentation pronominale (p.ex. lequel, il quale) - ou non.

On sait que l'infinitif est une des formes du verbe qui appartiennent en même temps à une autre classe de mots: il est à la fois verbe et substantif. Il peut avoir les fonctions substantives dans la phrase (sujet, attribut, régime direct, régime indirect (?) [toutes les femmes préfèrent être dévorées à être dédaignées {cit. S. 111, § 93)], régime de prépositions, etc.), tout en étant « susceptible de se combiner avec la plupart des déterminations qui se groupent autour des formes finies du verbe» (S. 111, § 2). Un infinitif peut prendre un régime direct ou indirect, être et devenir peuvent être suivis d'un attribut, etc. (ibid.) A cause de cette verbalité, on pourrait donc supposer a priori qu'un infinitif qui remplit une place adjective en se subordonnant à un substantif, crée en même temps, en constituant un syntagme verbal, une situation relative, une construction à membre commun. En effet, nous trouvons de telles constructions en grand nombre. Il va de soi que je ne pourrai pas être exhaustif dans cet article. Je me bornerai à quelques cas-types qui devraient montrer des côtés importants de la mécanique de cette syntaxe.2



2: Dans sa grande monographie : La combinatoria del infinitivo español (à paraître), Sven Skydsgaard se base aussi sur l'analyse relative à propos d'un grand nombre de constructions infinitives, qu'elles soient introduites par un pronom, par une conjonction ou par une préposition. II y examine systématiquement cette syntaxe à l'intérieur de chacune des parties traitant les diverses combinaisons de prép. tinf.

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Français :

Si l'infinitif (transitif) peut prendre comme régime direct le substantif auquel il est subordonné, il le fait en établissant par là une construction relative (à membre commun). C'est «l'infinitif rétroactif » de Sandfeld, construction qui semble bien curieuse sans l'analyse proposée ici: des cerises à confire; de Veau à boire; une revanche à prendre; une femme à plaindre. Il n'y a aucune possibilité d'y ajouter un (autre) régime: cette fonction est déjà remplie. (Cf., par contre : une belle gaule à abattre les noix). Le sujet de l'infinitif n'est pas exprimé - il peut avoir une valeur générale («on»), mais la construction n'est pas passive (Cf. S. 111, § 186). Cf. en outre des exemples où la relative est plus complexe : la Suisse est un pays à voir l'hiver (cit. S. 111, § 193) ... un renseignement àme donner; ... des gens à arrêter immédiatement (S. 111, § 194). Sandfeld cite un grand nombre d'exemples après les verbes avoir, donner, laisser, trouver (S. 111, §§ 195 ss.). Ces exemples suggèrent qu'il y a probablement ici un croisement entre deux constructions, cf. : avoir qc. à faire ~ avoir à faire qc. La première correspond à une relative, la deuxième à une complétive.3 Et qu'il soit difficile de les séparer nettement, c'est ce qui ressort d'exemples du type : Pour réussir, le candidat n'a pas autre chose à faire qu'à exploiter ... la plus persistante ... manie des hommes (cit. S. 111, § 195). On peut rapprocher cette construction double (avoir qc. [+ épithète: à + infinitif] X avoir à + infinitif) des relatives au subjonctif: Je cherche une femme qui sache jouer au bridge, où le subjonctif indique que la relative est aussi complétive («... et je cherche que cette femme sache ...»). Cf. l'analyse proposée dans Subjonctif et Hypotaxe (p. 532 ss.) «subordination supplémentaire dans les relatives ».

Le type «intermédiaire» entre avoir qc. à faire et avoir à faire qc. pourrait être interprété comme une relative substantive. Ceci est particulièrement net à propos des constructions avec donner: donner qc. à manger (à manger est Pépithète de qc, comme une relative adjective). Donner à manger: à manger a une fonction substantive (régime direct), comme une relative substantivée.4

Le substantif auquel est subordonné l'infinitif peut aussi avoir une



3: Cf. Sven Skydsgaard, Análisis, p. 615-616.

4: Cf. J'aime qui m'aime: Qui équivaut, syntaxiquement, à déterminant {celui) + relative (qui/que . ..), souvent avec un sens indéfini. C'est la substantivation d'un élément adjectif. Pour l'analyse de détail (pour l'italien, mais valable en gros aussi pour le français) voir Subjonctif et Hypotaxe pp. 589 ss.

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fonction adverbiale dans la relative ainsi constituée. On sait qu'un substantifqui peut tout seul (sans préposition) avoir une fonction adverbiale, peut aussi avoir cette fonction dans une relative (à verbe fini) introduite par que («adverbial»). Il s'agit d'antécédents surtout temporels, comme un jour, une fois, etc. : // m'invita chez le pâtissier un jour qu'il avait oublié son portemonnaie {cit. S. 11, § 107). (Cf. : un jour il avait oublié ... : la situation à membre commun s'établit dans la subordonnée adjective introduite par la conjonction que). La même construction se retrouve avec un infinitif: Ce n'était pas une heure à venir réveiller les gens (cit. S. 111, § 161). Ici, la construction s'étend en outre à des antécédents de lieu: L'office n'était pas un endroit à se divertir (ib.), bien que, dans ces cas, où soit probablement plus commun :// savait un endroit où trouver .. . (cit. S. 111, § 173).

L'antécédent - le membre commun - peut aussi être le sujet de l'infinitif. Cela est évident si l'infinitif est intransitif et que le substantif puisse être le sujet de ce verbe, p.ex. : des enfants à naître (cit. S. 111, § 234). De même, s'il ya «déjà» un régime direct: Elle reprit ... d'une voix à attendrir le plus satanique des juges (cit. S. 111, § 180). Un autre type peut être représenté par : C'est un homme à n'avoir parlé à sa femme qu'à la dernière extrémité (cit. S. 111, § 160) Dans des constructions plus ou moins figées comme: un fer à friser, une machine à écrire, etc., on pourrait être tenté de voir une relative infinitive dont le sujet est le substantif précédent (S. 111, p. 229). (Cf. une lettre à écrire, où, à cause de la combinabilité des racines, le substantif est nettement le régime direct dans la relative, dans sa fonction de membre commun). Pourtant, il est souvent difficile de déterminer dans ces cas s'il s'agit d'une véritable proposition relative infinitive ou s'il y a seulement substantif + prép. + substantif (même là où l'infinitif peut avoir d'autres compléments qui appartiennent à un verbe: une machine à tailler les crayons (ib.). De toute façon, là où le substantif ne peut être ni sujet, ni régime direct, ni adverbial pour l'infinitif, il va de soi que la construction relative est exclue. Là, c'est la nature purement substantive de l'infinitif qui prévaut: Une chanson à boire (mais: de l'eau à boire), une salle à manger (ib.) Un sujet logique (si sujet il y a) serait alors indéterminé.

Souvent, les deux possibilités existent: il fait une chaleur à cuire des
œufs I Par un soleil à cuire les œufs (cit. S. 111, § 180).

Il y a des constructions où l'on trouve toujours le substantif précédant
l'infinitif comme sujet de celui-ci, dans des relatives à l'infinitif qui correspondentexactement
à des relatives à verbe fini : là où le membre adjectif

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a le rôle d'attribut indirect. Une relative à verbe fini ne peut pas avoir tous les emplois de l'adjectif. Elle ne peut pas être attribut (direct) après être :A Elle est contente ne correspond pas * elle est qui / que ... Mais cette restriction ne vaut pas pour l'infinitif: Elle est à battre. Elle est à gifler. Elle est adorable (cit. S. 111, § 178), où le substantif est régime direct dans la relative. (Cf. tu es à me dégoûter d'être délicat, où le membre commun est le sujet de l'infinitif). Or, s'il s'agit d'un attribut indirect, les deux types sont possibles: Son fils est là qui le veille (cit. S. 111, § 91) ... ils sont là tous à me persécuter (cit. S. 111, § 222). De même : Ils sont deux j les premiers / les seuls à passer / qui passent ... La fonction de membre adjectif dont l'accord est ou morphologique ou syntaxique (construction à membre commun) peut être illustrée par les trois exemples suivants: elle était là très contente \ elle était là à jouer \ elle était là qui jouait.

Dans tous les exemples que je viens de citer, il n'y a - à part une spécialisation dans certains types - rien qui indique la fonction syntaxique du membre commun («l'antécédent») dans la relative. Autrement dit: rien qui indique directement la fonction du substantif auquel est subordonné l'infinitif par rapport à celui-ci. C'est la combinabilité des racines et les fonctions «disponibles» qui nous indiquent si le substantif, dans sa fonction comme membre commun, est le sujet, le régime direct ou l'adverbial de l'infinitif (ou si une situation relative ne se laisse pas établir). C'est exactement le mécanisme qui fonctionne dans les relatives italiennes introduites par che (où, pourtant, l'accord du verbe de la relative peut indiquer que le membre commun est son sujet). P.ex. :


DIVL1902

Cf. : - il y a tant de gens à émigrer (cit. S. 111, § 225) (sujet) - il y a encore
une dernière remarque à faire sur ... (cit. S. 111, § 195) (régime direct).

Italien :

Dans les grandes lignes, nous trouvons en italien les mêmes constructions
que nous venons de voir en français:

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Le membre commun est le régime direct de l'infinitif: Domani porto qualcosa da bere (Pav. 59) / In luogo del soldo riceveranno terra da coltivare (I.s.b. 200) / Dopo cena avevo un foglio di musica da portare a Carlandrea (Pav. 158). Il peut aussi en être le sujet: ... non era uomo da darsi per vinto. (Par contre: * bambini da nascere n'est pas possible en italien). Des exemples où le rôle d'un (éventuel) membre commun est moins facile à définir: macchina da scrivere (Cf. gomma da masticare, un sole da cuocere le uova: sujet indéterminé? sujet = solel). Le type correspondant à une relative substantive: ci diede da bere (Pav. 77). Types plus ou moins figés - difficilement analysables comme relatives : mi veniva da piangere (Pav. 177), Carletto trovò in quelle sere da cantare in un cine (Pav. 181). - L'infinitif précédé de da est régime direct («construction complétive»): Carlo non aveva da sprecare energie (I.s.d'o. 31). Correspondant à un des exemples français qui illustre la transition entre le type «relatif» et le type «complétif», nous pouvons construire: non ha altro da fare che da sfruttare la terra. Le membre commun est adverbial par rapport à l'infinitif: p. ex. : non era uri ora da svegliare la gente / non era un posto da divertirsi (ici dove ne semble pas de mise - mais : conosceva un posto dove (p.-ê. aussi: da) divertirsi. - Prép. + inf. = attribut direct: Sento che sono da compatire (Mastr. 95). Prép. -\- inf. = attribut indirect: c'est ici que nous trouvons surtout le membre commun en fonction de sujet: Sta alla finestra a guardare la campagna (Sii. 91). De même: ma io ero Punico a prevedere che non saresti venuto (Sii. 87); // primo a parlare di fidanzamento fu don Silvio (Sii. 172); Siamo in due a tirare questo pesante carro (I.s.b. 7).

Essayons maintenant d'examiner les problèmes sous l'angle de l'infinitif.Dans son dilemme dû à sa double nature, que doit-il choisir? Un substantif se subordonne normalement à un autre substantif par une préposition, une proposition (contenant un verbe fini) par que / che - ou une conjonction composée. {Le livre de Pierre / Le livre que fai lu; - La peur de la mort / La peur que tous soient morts). En italien et en françaismoderne, l'infinitif «choisit » de suivre en premier lieu les substantifs.s Il se subordonne - tout en constituant un syntagme verbal - à un substantifpar une préposition en créant ainsi la même situation relative



5: En espagnol, il vacille justement dans les constructions qui constituent, d'une certaine façon, un croisement entre relativité et complétivité: tener algo que hacer {tener que hacer algo) dar (algo) que (ou: de) beber, etc. Cf. Sven Skydsgaard: Análisis, p. 614-616. On verra que ies analyses qui y som proposées, soni irès proches de celles que j'emploie ici. Fn tout cas, la perspective de hase est la même.

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qu'établit un verbe fini à travers le «subordinateur de proposition», que I che.6 Cette solution fonctionne très bien si le membre commun est régime direct ou sujet dans la subordonnée (même en français: l'infinitif peut bien se passer d'un sujet matériel, à rencontre du verbe fini, qui pour cette raison exige qu-i). En revanche, si le membre commun doit être régi par une préposition à l'intérieur de la relative, la solution prépositionnellene marche plus: une préposition doit avoir un régime concret, matériel. Là où che / que sont insuffisants, la préposition l'est aussi. Dans cette difficulté, notre infinitif s'adresse à un autre inventaire qui a dû le tenter dès le début.

Puisqu'il ne peut pas résoudre son problème à l'aide d'une préposition, il agit comme un verbe. Il s'établit comme proposition relative en se servant du même introducteur qu'aurait utilisé une «véritable» proposition relative, à verbe fini. On comprend que la solution «trouvée» pour que I che (à qu-i / a cui), ne soit guère applicable pour une préposition : *un homme à à + « quelque chose » parler / * un uomo con da + « quelque chose» parlare ne sont pas très commodes. Je dirais même: l'infinitif n'a pas le choix : II est forcé d'emprunter à l'inventaire des introducteurs de propositions à verbe fini.

Selon le rôle syntaxique qu'a dans la relative le membre commun,
nous pouvons donc établir les paradigmes suivants :

Français :

- Il y a tant de gens à émigrer (sujet: qui . . .)
- Il y a tant de sous à voler (régime direct: que . . .)
- Il y a tant de gens à qui demander cela (régime de préposition: à qui . . .)
Il y a là quelque chose à quoi réfléchir (régime de prép.: à quoi), etc.

Italien:

- Non aveva nessuno da curarlo (sujet: che . . .)
- Non aveva nessuno da ammirare (r. direct: che)
- Non aveva nessuno con cul parlare (régime de préposition : con
cui . . .), etc.



6: C'est ainsi qu'une construction relative, nominale (sans copule) se construit avec dejdi, ce qui explique syntaxiquement «le génitif prédicatif» (ou: «définitif»): la ville de Paris, la ville quilquest Paris. La subordination (adjective) se fait à travers de, puisqu'il n'y a pas de verbe, et le membre commun est sujet (attribut) dans la relative - à moins qu'il ne s'agisse d'une simple subordination adjective (sans constitution de relative): «la ville qui appartient à Paris.» Ici, c'est peu probable à cause des deux racines.

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Les deux langues ont aussi recours à l'inventaire des pronoms relatifs dans les cas où les relatives à verbe fini sont introduites par des formes adverbiales précises (dove ¡où— prép. + membre commun) ou par un datif (cui — a cui), c'est-à-dire dans les cas où le membre commun n'aurait pas pu, tel quel, à lui seul, assurer la fonction syntaxique qu'il doit avoir dans la subordonnée:

- Il y a tant d'endroits où aller / dove andare
- Non aveva nessuno cui rendere conto . . .

Dans ce bref exposé, forcément superficiel à bien des égards, et dans lequel j'ai dû laisser de côté de nombreux problèmes, je crois avoir donné les réponses aux deux questions que j'ai posées au début. Je n'ai pas pu m'occuper des nombreuses nuances sémantiques qu'ont les diverses constructions (on les trouve, pour le français, chez Sandfeld) - ni du grand nombre de contraintes qui limitent beaucoup l'emploi de ces constructions - que ce soit celles «à préposition» où celles «à pronom». J'ai essayé de voir leur cohérence syntaxique - et de les voir comme des résultats de quelques règles générales dans la syntaxe des deux langues. Et je crois aussi avoir démontré le mécanisme relatif - qui est beaucoup plus général qu'on ne le suppose. S'il y a toujours des personnes qui voient dans que / che des pronoms relatifs, je leur proposerais de faire de même pour à et da I a. Mais - c'est peu pratique!

La grammaire generative reproche souvent à la grammaire dite traditionnelle(i.e. : non-transformationnelle) de ne pas fournir d'explications.A mon avis, c'est souvent avec raison: une simple description - structuraliste ou non - n'est pas une explication. Là, je suis d'accord. Mais, dégager des traits généraux qui, à l'intérieur d'une structure donnée, rendent compte d'un grand nombre de cas, c'est déjà se rapprocher beaucoup d'une explication. Et de telles généralisations peuvent aussi donner une bonne base pour comparer plusieurs structures - et pour expliquer pourquoi telle et telle langue a choisi telle et telle solution dans telle et telle situation. C'est un peu ce que j'ai essayé de faire - trop brièvement - dans cet article dont le sujet, me semble-t-il, n'est pas la description d'un petit cas particulier, mais un essai de signaler un des mécanismes importants (et existant dans un grand nombre de langues, d'ailleurs): l'accord entre un substantif et son membre adjectit: si celui-ci est un mot simple, il > a «accord traditionnel» (en genre et en nombre), là où il peut se manifester (dans les adjectifs). S'il est constitué par une

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proposition, il y a construction relative (à membre commun). Le comportementde
l'infinitif dans cette situation syntaxique nous illustre bien
ce mécanisme - et s'explique à travers son éternel dilemme.

Jorgen Schmitt Jensen

ÁRHUS

bibliographie:

Œuvres grammaticales:

Paul Diderichsf.n: Elementœr Dansk Grammatik. (3e éd. 1962).

JORGEN Schmitt Jensen : Subjonctif et Hypotaxe en italien. Une esquisse de la syntaxe
du subjonctif dans les propositions subordonnées en italien contemporain, Odense
1970.

Kr.Sandfeld: Syntaxe du français contemporain, II: Les propositions subordonnées,
Paris 1936. (S. II.).

Kr.Sandfeld: Syntaxe du français contemporain, III: L'lnfinitif, Copenhague Paris
1943. (S. III.).

Sven Skydsgaard : Anâlisis sintâctico de algunas construcciones delinfinitivo espanol:
Preposiciôn I conjunciôn + infinitivo. In: Actos del 2° congreso internacional de
hispanistas, 1967.

Sven Skydsgaard: La combinatoria del infinitivo espanol (à paraître).

Textes littéraires:

Lucio Mastronardi: II maestro di Vigevano, Oscar Mondadori, 1969. (Mastr.)