Revue Romane, Bind 8 (1973) 1-2

Comment distinguer une proposition relative indépendante d'une proposition interrogative indirecte?

PAR

HANNE KORZEN

Les propositions relatives indépendantes diffèrent fondamentalement des autres propositions qui portent le nom de «relatives». Par «proposition relative» on entend normalement une proposition subordonnée introduite par un pronom (dit «pronom relatif»), lequel renvoie àunsyntagme (toujours placé devant) de la proposition principale («l'antécédent»): Pierre qui ne savait rien est parti. - De telles propositions sont en général appelées des propositions subordonnées adjectives parce qu'elles remplissent les mêmes fonctions qu'un adjectif: épithète de l'antécédent : La femme qu'il aime est partie (proposition relative determinative), apposi tion de l'antécédent: Sa femme, qui ne savait rien, souriait toujours (proposition relative explicative), attribut libre du sujet ou de l'objet : // est là qui attend. Je le vois qui arrive (proposition relative attribut).

Les propositions relatives indépendantes n'ont pas un tel antécédent. Ce sont de¡> propositions subordonnées substantives, qui occupent à elles seules exactement les mêmes places qu'un substantif: sujet: Qui dort, dîne, Où ils diffèrent, c'est de mentalité (Margu, Sandfeld, Prop. 73) objet: Je choisis qui je veux/ce que je veux, complément d'attribution: Je le donne à qui je veux, attribut: J'ai cherché à vous dire comment je devins qui je suis. (Gide, ib. 49). C'est en somme ce que je voulais (Marouzeau, ib. 68). C'est où nous voulions en venir (Foulet, ib. 73) apposition : Les voilà tous au bord d'une énorme crevasse, ce que les montagnards appellent une roture (ib.) régime d'une préposition: Je dîne avec qui je veux. Retournez d'où vous venez (ib.) - Les propositions introduites par où peuvent en outre fonctionner comme complément circonstanciel (c'est-à-dire être adverbiales). Où nous sommes, il ne peut pas nous voir (Duhamel, ib.).

On dit généralement qu'il y a dans de telles constructions un antécédent
inexprimé (celui, [cel], là) qu'on peut insérer dans la plupart des cas, sans



1: sur l'analyse de ce quijque, voir ci-dessous.

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changer le sens. La phrase qui en résulte est considérée comme plus normaleque
la construction sans antécédent : Celui qui dort, dîne. Cet antécédentinexprimé
justifierait le mot «relatif».

Cependant, les propositions relatives indépendantes diffèrent aussi des propositions adjectives en ce qui concerne la syntaxe du pronom même, ce qui ressort nettement des exemples suivants : Je choisis qui je veux, mais: Je choisis la femme queye veux. Dans la proposition relative indépendante, le pronom a la même syntaxe que dans une proposition interrogative indirecte: La distinction primaire est une distinction de sens: si le pronom doit représenter une personne, qui s'emploie dans toutes les fonctions. S'il doit représenter quelque chose d'inanimé (= neutre), on emploie comme sujet ce qui, comme objet/attribut ce que et comme régime de préposition ce ... quoi, plus rarement quoi (ici la proposition interrogative indirecte est introduite par quoi, rarement par ce ... quoi).2 - Dans les propositions adjectives, au contraire, c'est surtout la fonction du pronom qui détermine la forme : qui comme sujet, que comme objet avec toutes sortes d'antécédents; c'est seulement quand le pronom est régime d'une préposition qu'on distingue selon que l'antécédent est une personne, une chose ou neutre : quijlequellquoi.

Il n'est guère étonnant que ce soit dans les constructions sans antécédent qu'il se révèle nécessaire de faire une distinction aussi nette entre animé et non-animé. L'essentiel pour la syntaxe du pronom étant la présence ou la non-présence d'un antécédent, il serait sans doute plus avisé de procéder à la répartition primaire selon ce critère que de parler de «pronoms relatifs» et de «pronoms interrogatifs» comme le font beaucoup de grammaires.

Les grammairiens ne sont pas d'accord sur l'analyse de ce qui/que. A
l'origine il s'agit évidemment de deux mots distincts : un antécédent (ce)
+ une proposition relative determinative.

A certains égards, cependant, la construction peut être regardée comme un seul et unique pronom: c'est la seule manière possible d'introduire une proposition interrogative indirecte quand le pronom doit représenter quelque chose d'inanimé (neutre) et fonctionner comme sujet ou objet/ attribut dans la proposition subordonnée. Cette construction s'emploie sur le plan horizontal parallèlement à qui: Je ne sais pas qui arrive, Je ne



2: Quand la préposition est de, la proposition interrogative indirecte sera donc normalement introduite par de quoi, la proposition relative indépendante par ce dont.

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sais pas ce qui arrive; sur le plan vertical parallèlement à quoi: Je ne sais pas ce qu'il pense, Je ne sais pas à quoi il pense. On ne peut pas dire que ces propositions soient des propositions relatives qui remplacent des propositionsinterrogatives indirectes, car sur plusieurs points essentiels elles se comportent comme de vraies propositions interrogatives. (voir p. 139).

Ce, en français moderne, est normalement un pronom conjoint, qui ne s'emploie guère que comme sujet du verbe être et comme sujet apparent (abstraction faite de quelques expressions figées). Analyser ce qui/que comme deux mots, revient à dire que ce, devant qui/que, peut avoir des fonctions qu'il n'aurait pas autrement: objet: Je ne sais pas ce qui arrive, attribut: C'est ce qui m'étonne le plus. La relation entre ce et qui/que est donc, de toute façon, plus étroite qu'une relation normale entre un antécédent et le pronom relatif.

Que l'on choisisse l'une ou l'autre des deux manières d'analyser, on a, en tout cas, deux types de propositions, l'une interrogative, l'autre noninterrogative, introduites par le même pronom conjonctif (qui, ce qui)que, où) et apparemment construites de la même manière. Dans la suite, la proposition non-interrogative sera appelée «proposition relative indépendante », que le pronom soit complexe ou simple.

Le problème sera alors de distinguer entre ces deux types. Dans des
phrases comme celles qui suivent, on ne s'y tromperait guère :

PROPOSITION INTERROGATIVE INDIRECTE

Je me demande qui m'aime.
Je ne sais pas ce qu'il fait.
Je ne sais pas ce qui est arrivé.
Je me demande d'où vous venez.

PROPOSITION RELATIVE INDÉPENDANTE

J'aime qui m'aime.
Je n'aime pas ce qu'il fait.
Je regrette ce qui est arrivé.
Retournez d'où vous venez. (France,
Sandf. Prop. 73)

Mais que dire de phrases telles que: // m'a dit ce qu'il pense, ou bien: Je n'ai pas pu voir ce qu'elle faisait. En cherchant des critères pour déterminer la proposition subordonnée en pareil cas, on s'aperçoit de la très grande différence qu'il y a en réalité entre les deux types de phrases:

1. LA FONCTION DE LA PROPOSITION SUBORDONNÉE

La proposition relative indépendante a, comme il a déjà été mentionné,
les mêmes fonctions qu'un substantif. La proposition interrogative indirectene

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directenepeut se comporter que comme objet direct. La difficulté qu'il
peut y avoir à distinguer les deux types de propositions n'existe donc que
dans les cas où la proposition subordonnée est objet.

2. LE VERBE RÉGISSANT

2.1. Valeur interrogative ou non ?

II va sans dire qu'une proposition interrogative indirecte ne peut se trouver qu'après des verbes qui entrent, d'une façon où d'une autre, dans le procès de question et de réponse, c'est-à-dire des verbes interrogatifs tels que (se) demander, des verbes exprimant une activité intellectuelle tels que savoir, ignorer, deviner, s'imaginer, se rappeler, des verbes déclaratifs: dire, raconter, expliquer, enfin des verbes exprimant une expérience, une découverte comme: découvrir, voir, montrer (= faire voir).

Une proposition interrogative indirecte qui est la transformation d'une question totale ne se trouve que dans les cas où le contexte montre, d'une manière ou d'une autre, qu'il s'agit de quelque chose qu'on ne sait pas et dont on s'enquiert, c'est-à-dire après les verbes interrogatifs : // demande si c'est vrai et ignorer : J'ignore si c'est vrai.

Pour ce qui est des autres verbes du procès, il faut modifier la construction de façon à obtenir l'incertitude, par exemple par une négation: Je ne sais pas si c'est vrai, par une question; Sais-tu si c'est vraii; par le futur: Demain je saurai si c'est vrai; par l'impératif: Raconte-moi si c'est vrai.

Une proposition interrogative indirecte qui est la transformation d'une question partielle, se trouve après tous les verbes du procès sans les restrictions mentionnées, que cette proposition soit introduite par un pronom ou par ce qu'on appelle généralement des adverbes interrogatifs: quand, comment, pourquoi: Je (ne) sais (pas) quand/comment/pourquoi il est venu, ... qui est venu/quelle est la raison de sa visite.

Pour décider si un verbe appartient à la catégorie ci-dessus, on peut s'appuyer sur d'autres critères que la sémantique pure: on peut essayer d'insérer après le verbe en question une proposition interrogative indirectequi ne prête pas à équivoque. S'il n'y a pas incertitude, le passage de l'interrogation partielle à l'interrogation totale oblige évidemment à modifier la construction par un des facteurs mentionnés; mais cela ne change rien à la preuve. Les deux phrases: * J'aime s'il vient et *je n'aime pas s'il vient sont, l'une comme l'autre, agrammaticales. Ainsi les propositionssubordonnées suivantes sont à classer comme des propositions

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relatives indépendantes : Taime ce qu'il fait¡qui je veux. Par contre, la proposition suivante sera une proposition interrogative indirecte à cause des possibilités combinatoires àt savoir avec une proposition interrogative «totale»: Je sais ce qu'il fait. (Je ne sais pas s'il viendra).

2.2. Possibilité d'avoir un substantif comme objet.

D'un autre côté, les propositions relatives indépendantes suivront des verbes qui acceptent normalement un substantif comme objet, animé, inanimé ou les deux à la fois, (les propositions relatives indépendantes désignent l'un et l'autre): J'aime qui ni'aime ¡ce qu'il dit ¡cette histoire ¡le chocolat/Pierre. Je hais qui je veux/Pierre. Je bois ce que je veuxjle vin.

La proposition interrogative ne peut pas, malgré sa fonction d'objet direct, être regardée comme un substantif au même titre que la proposition relative indépendante. Les verbes qui se combinent avec une proposition interrogative indirecte ne peuvent guère avoir comme objet que des substantifs neutres exprimant le contenu (comme la proposition interrogative indirecte elle-même); ces substantifs peuvent être considérés comme des propositions raccourcies : Raconte-moi cette histoire non pas *le chocolat/Pierre. Certains des verbes de cette catégorie ne peuvent, d'ailleurs, pas du tout être combinés avec un substantif: *Je me demande cette histoire/te chocolat ¡Pierre.

3. LA POSSIBILITÉ DE MISE EN RELIEF A L'AIDE DE c'est DANS LA PROPOSITION

Le critère le plus important pour distinguer entre une proposition relative indépendante et une proposition interrogative indirecte est, sans doute, la possibilité ou l'impossibilité de mettre le conjonctif (ou pronom introducteur) en relief à l'aide de c'est (ce qui revient à en faire une phrase clivée). Ceci est possible dans la proposition interrogative, non dans la proposition relative indépendante :

On ne dira pas: *Je n'aime pas ce que c'est qu'il fait ¡qui c'est qui m'aime.

Par contre, on dira: Je ne sais pas ce que c'est qu'il fait ¡qui c'est qui
m'aime.

Il est vrai que cette construction appartient surtout au langage un peu
relâché,3 mais l'essentiel est qu'elle soit possible. Normalement, on se



3: Voir Sandfeld, Prop. § 47 el Pron. § 204.

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servira d'une proposition principale si l'on souhaite faire une phrase
clivée en pareil cas : Je ne sais pas qu'est-ce qu'il fait. Mais cela ne change
rien: on ne dira pas non plus: *Je n'aime pas qu'est-ce qu'il fait.

La mise en relief à l'aide de c'est est très fréquente dans les propositions
principales interrogati ves; on s'en sert avant tout dans la langue parlée.

Dans l'interrogation totale, elle a une valeur un peu insistante : Est-ce qu'il vient ? Dans l'interrogation partielle, elle est la construction la plus courante. Qu'est-ce qu'il fait ? Puisqu'on peut considérer la proposition interrogative indirecte comme une transformation d'une proposition interrogative directe, il n'est guère étonnant que la mise en relief se retrouve justement dans ce genre de proposition subordonnée. - Reste à expliquer pourquoi ce lien entre l'interrogation et la mise en relief à l'aide de c'est.

La mise en relief à l'aide de c'est et l'interrogation sont étroitement liées, car elles expriment exactement le même phénomène : II est question d'une quantité donnée dont on choisit une partie et dont on exclut une autre. La partie que l'on choisit est mise en relief à l'aide de c'est: C'est A (et non pas B) ou Est-ce A ? (et non pas B). Dans la proposition interrogative, on cherche quelle partie il faut choisir, ce qui peut se faire, bien sûr, par le seul mot interrogatif, mais il est également possible de souligner le choix par la mise en relief: Qui {est-ce qui) viento! Dans la phrase clivée non-interrogative, on indique quelle quantité on a choisie après en avoir exclu une autre.

Dans un article récent4, Cari Vikner explique la présupposition d'une phrase clivée : « C'est Théophile qui aime Cunégonde. » Présupposition : II existe un ou plusieurs individus x tels que la proposition «x aime Cunégonde» est vraie: et il existe un ou plusieurs individus x tels que la proposition «x n'aime pas Cunégonde» est vraie (p. 1). Or, la présupposition de Qui aime Cunégonde ? est exactement la même, et la phrase clivée non-interrogative serait une réponse naturelle à la question.

Il est intéressant de voir, d'ailleurs, que seules les propositions susceptibles de fonctionner comme réponses peuvent être mises en relief à l'aide de c'est. Ainsi c'est possible pour des propositions telles que C'est parce que/pour que/quand ... et non pour des propositions introduites par des conjonctions comme * C'est puisque/bien que/même si.

Il est également intéressant de constater que les propositions où le
conjonctif quel fonctionne comme attribut du verbe être, ne sont, en



4: Voir bibliographie.

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général, pas susceptibles d'être clivées. Ceci est valable pour la proposition
principale comme pour la proposition subordonnée.

* Quels est-ce que sont vos projets ?

* Quels est-ce qu'ils sont, vos projets ?

* Je me demande quels c'est que sont vos projets!^

Dans des phrases de ce genre, on a affaire, du moins formellement, à une description d'un élément choisi, non pas à un choix. Que le sens de ces propositions soit souvent identique à celui des autres propositions interrogatives (le premier des deux exemples ci-dessus par exemple est synonyme de Je me demande ce qu'il va faire), ne change rien. La valeur originelle de la construction empêche la mise en relief du pronom.

La possibilité de mettre en relief à l'aide de c'est, constitue, pour ce qui est de l'interrogation partielle, un phénomène assez répandu, dans les propositions principales comme dans les subordonnées. Parmi beaucoup d'autres possibilités, on peut donner un exemple du danois: Hvad er det, han gor ? Jeg vil vide, hvad det er, han ger.

Par contre, la mise en relief dans l'interrogation totale est quelque chose d'assez spécial. La présupposition serait du genre: A est possible', et non-A est possible, ce qui revient à dire qu'il n'y a pas de présupposition comme dans l'interrogation partielle. D'ailleurs, la réponse à une interrogation totale ne peut jamais être une construction clivée comme dans l'interrogation partielle: Qui est-ce qui vient 1 - C'est Pierre. -Est-ce qu'il vient'! - Oui. Non pas * C'est qu'il vient. En outre, il est impossible de garder la mise en relief si l'on transforme la proposition principale exprimant l'interrogation totale en une proposition subordonnée: *Je ne sais pas si c'est qu'il vient.

On peut ajouter qu'il est impossible de faire, dans l'interrogation totale,
une construction clivée complète du genre *Est-ce qu'il vient qui est vrail

Enfin, il faut remarquer que les propositions introduites par ce qui/que sont susceptibles d'être clivées exactement comme les autres propositions interrogatives indirectes, argument qui permet de les considérer comme de vraies interrogatives (et ce qui/que comme une unité).

4. LA PROPOSITION OU LE PRONOM RÉGIME DE PRÉPOSITION?

Une proposition interrogative indirecte ne peut normalement pas être
régie par une préposition. Les propositions introduites par ce qui/que



5: Où est-ce que sa mère sera la semaine prochaine ? e;>t acceptable, pal Cûiïtrc * Quelle est-ce que sa situation sera la semaine prochaine? ne l'est pas.

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font pourtant exception. A cet égard, elles sont restées relatives: Elle na
pas le temps de réfléchir à ce qu'ils lui rappellent ou lui promettent. (Romains,Sandfeld,
Prop. 40)

Avec les autres conjonctifs, il faut modifier la construction (par exemple
en insérant savoir, en omettant la préposition, en y substituant une construction
relative. (Voir Sandfeld, Prop. § 40).

Par contre, le pronom lui-même se laisse facilement régir par une préposition
: Je ne sais pas à qui il Va raconté.

La proposition relative peut, comme les substantifs, toujours être régime d'une préposition: // le raconte à qui veut Ventendre. Mais dans ce genre de proposition, le pronom ne peut pas être régi par une préposition, à moins qu'il ne s'agisse d'une construction infmitive : Ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre à qui parler (Colette, Sandfeld, Prop. 52).

Ce phénomène s'explique non seulement par le fait qu'aucune proposition interrogative indirecte (qu'elle soit totale ou partielle) ne peut être régime d'une préposition, mais aussi par la fonction tout à fait différente des pronoms dans les deux cas. Prenons comme point de départ la proposition

// donne le ¡ivre à quelqu'un

Dans la proposition interrogative indirecte, le pronom remplace à lui
seul un syntagme nominal. On peut imaginer les transformations suivantes

A qui donne-t-il le livre ?

Je veux savoir à qui il donne le livre.

La proposition relative indépendante, au contraire, remplacera, comme
une entité, un syntagme nommai :

// donne le livre à qui il veut

La même différence se retrouve dans d'autres cas où le même conjonctif
s'emploie à la fois avec une valeur interrogative, et avec une valeur noninterrogative
: Le mot interrogatif remplace un syntagme entier :

II peut faire le travail pour jeudi

Pour quand peut-il faire le travail?

Je veux savoir pour quand il peut faire le travail.

Dans la construction non-interrogative, c'est encore la proposition subordonnée
entière qui remplace le syntagme :

C'est pour quand il aura fini son travail

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Les deux constructions ont un développement tout à fait différent: la proposition interrogative indirecte est la transformation d'une proposition interrogative directe dans laquelle un pronom interrogatif a remplacé un syntagme de la proposition de départ. En passant à l'interrogation indirecte, on fait de la proposition de départ une proposition subordonnée, la faisant précéder d'un des verbes de l'interrogation. Il est donc, en quelque sorte, question d'un élargissement vers la gauche.

Quant à la proposition relative indépendante, elle s'est, pour ainsi dire,
ajoutée à la proposition de départ, remplaçant un des syntagmes de
celle-ci. Elle représente dans un sens un élargissement vers la droite.

L'unique cas où le pronom dans une proposition relative indépendante peut être régi par une préposition, est spécial pour plusieurs raisons. D'abord il s'agit de constructions avec un infinitif: Ce n'est pas tous ¡es jours qu'on rencontre à qui causer (Colette, Sandf. Prop. 52) = Quelqu'un à qui Von peut/puisse causer. Il y a là de quoi émerveiller = Quelque chose qui peut émerveiller.

Mais ces constructions sont spéciales pour d'autres raisons aussi : contrairement à ce qui est le cas dans les autres constructions, l'antécédent qu'il est possible d'insérer ne couvre pas le même champ sémantique que la proposition relative : il n'est plus question de celui à qui on peut causer mais de quelqu'un appartenant à la catégorie des personnes à qui Von peut causer. Aussi la construction se trouve-t-elle surtout après des verbes exprimant la recherche, l'occasion, l'existence. Il est extrêmement rare de trouver un verbe fini dans une pareille construction: Tant d'autres, aussi laides et plus, avait trouvé qui les aimât (Rolland, ib.) = Quelqu'un pour les aimer.

Il est intéressant d'observer que les seuls cas où le subjonctif est possible dans les propositions adjectives, sont justement ceux où l'antécédent ne couvre pas le même champ sémantique que la relative, mais où il en fait partie.

Pour en revenir à la proposition // m'a dit ce qu'il pensait, on peut se demander duquel des deux types il s'agit alors ? Il est loisible de la considérercomme une proposition interrogative indirecte 1) à cause de la possibilité qu'il y a de la mettre en relief à l'aide de c'est : II m'a dit ce que c'était qu'il pensait 2) à cause de la possibilité qu'il y a d'y insérer une proposition interrogative indirecte qui ne prête pas équivoque : // ne m'a pas dit s'il voulait venir. D'un autre côté, on a. l'impression qu'un verbe tel que celui-ci (dire) est équivoque. Comme le dit Sandfeld (Prop. 32). on doit pouvoir interpréter la phrase de la manière suivante: II m'a dit

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son opinion (et rien d'autre). Dans ce sens, on peut insérer tout: II m'a dit tout ce qu'il pensait. On aurait alors affaire à une proposition relative indépendante comme dans: Ce qu'il pensait me déplaisait (la proposition est sujet).

Il reste donc des cas - mais peu nombreux - où il est absolument nécessaire
de recourir au contexte pour être sûr de bien interpréter une
des propositions en question.

Ce qu'il y a peut-être de plus intéressant quand on traite d'un sujet
comme celui-ci, c'est de voir la grande différence qui peut exister entre
deux constructions apparemment identiques.

Hanne Korzen

COPENHAGUE

BIBLIOGRAPHIE

Sandfeld, KriStian: Syntaxe du Français Contemporain: 1) Les pronoms, 2) Les
propositions subordonnées. Nouvelle éd. Paris, 1965.

Togeby, Knud: Fransk grammatik, Kobenhavn, 1965.

Pedersen, Spang-Hanssen et Vikner: Fransk syntaks, Kobenhavn, 1970.

Vikner, Carl: Quelques réflexions sur les phrases clivées en français moderne. (A
paraître dans «Annales Universitatis Turkuensis», Séries B, 1973).