Revue Romane, Bind 6 (1971) 2

Holger Sten 19 juin 1907 - 30 mai 1971

Poul Høybye

Side I

Holger Sten naquit à Copenhague, mais la majeure partie de son enfance
et de son adolescence, il la passa à Aarhus, ville qui resta toujours chère à
son cœur.

Après le baccalauréat classique (1926), il entreprit des études de philologie romane et latine à l'université de Copenhague. 11 y suivit surtout les cours de Kristian Sandfeld, se trouvant par là même initié à presque toutes les langues romanes. L'universalité du maître marqua l'élève d'une empreinte

En 1932, Sten passa brillamment son examen final, et, l'année suivante,
il remporta la médaille d'or de l'université de Copenhague pour un travail
sur le système des temps en français.

Il était alors difficile d'obtenir un poste dans les lycées et collèges danois : Sten dut se contenter provisoirement d'un modeste emploi d'assistant au laboratoire philologique de l'université, poste mal rémunéré mais qui lui permettait de continuer ses études. Il semble, en tout cas, qu'il ait réussi à dévorer presque tous les livres des sections romane et latine de cette bonne bibliothèque.

En 1938, il soutint sa thèse: « Nœgtelserne i Fransk » (Les négations en français - Exposé de syntaxe historique). On peut s'étonner et regretter que cet ouvrage n'ait pas été écrit ou traduit en français. Le livre, qui se compose de 388 grandes pages, a gardé toute son importance. Il se distingue avant tout par la richesse de la documentation, Sten ayant en effet dépouillé un nombre impressionnant de livres français, depuis les textes les plus anciens jusqu'à la littérature de son temps.

A la différence de Sandfeld, qui n'avait pas pour coutume d'expliciter ses principes, Sten fait toujours état des lignes qui le guident et définit sa position dans la lutte des idées, ceci, dans sa première jeunesse surtout, sous une forme combative. Dans sa thèse, il polémique, et souvent d'une manière acerbe contre les principaux tenants de la «idealistische Neuphilologie » {Karl Vosslcr et avant tout Eligen Lerch), auxquels il reproche leurs théories fantaisistes et leur manque de respect pour les faits. De lui-même comme des autres, il exige solidité, clarté et honnêteté.

Side II

Outre cet ouvrage de début, nous devons à Sten une série considérable de travaux, dont on trouvera la liste complète dans le premier numéro spécial de notre revue (Actes du 4e Congrès des Romanistes Scandinaves dédiés à Holger Sten, 1967). Il est impossible, dans cet article, de les citer tous: nous ferons un choix.

Dans « Les temps du verbe fini (indicatif) en français moderne » (1952, 2(> édition 1964), Sten reprend et développe le sujet du mémoire qui lui avait valu les palmes universitaires. Ce livre substantiel a, ces dernières années, joué un grand rôle pour ceux qui poursuivent l'étude de sujets apparentés, je pense notamment à Ame Klum et à Kolbjorn Bliicher. L'ouvrage a cette ressemblance avec la thèse que l'auteur fait une large place au raisonnement et à la discussion. Mais le ton est devenu moins polémique, plus dialectique et tolérant, fréquemment humoristique.

Cette caractéristique vaut également pour son « Manuel de phonétique
française» (1956, 3e édition 1963).

Sten, qui lisait énormément dans presque toutes les langues romanes, avait, à côté du français, une autre langue de prédilection: le portugais. Personne avant lui n'avait enseigné le portugais à l'université de Copenhague, même pas Sandfeld.

Le premier ouvrage que Sten ait fait imprimer traite de deux problèmes de langue portugaise: 1) Répétition des verbes comme réponse, et 2) haver de (1936). Cette petite étude fut suivie en 1944 des «Particularités de la langue portugaise » (77 pages). La composition en est caractéristique: 17 pages de remarques générales, auxquelles succèdent nombre d'études de détail, dont une sur Vinfinitif personnel, sujet que Sten traitera plus à fond en 1952 (« L'infinitivo impessoal et Y infinitivo pessoal en portugais moderne » et « Accusatif 4- infinitif et nominatif -f infinitif»), et deux autres portant sur le parfait et le plus-que-parfait, suppléées en 1954 par «Le temps de l'infinitif portugais ».

S'il avait vécu plus longtemps, Sien nous aurait sans doute donné la somme de ses études portugaises sous forme d'un solide volume. Il est heureux que les manuscrits qu'il a laissés permettent d'achever ce monument, qui aura pour titre: « L'Emploi des temps en portugais ».

Mentionnons aussi ses nombreuses interventions dans la discussion des problèmes de linguistique générale, et n'oublions pas que cet éminent linguiste s'intéressait vivement à la littérature et à l'histoire de la littérature, témoin plusieurs articles comme «Les sources portugaises de Molière » (1943), « Gil Vicente et la théorie de l'art dramatique » (1963), et ses contributions à diverses encyclopédies danoises.

Side III

De 1942 à sa mort, Sten occupa une des chaires de philologie romane à notre université. Il a ainsi formé toute une génération de professeurs de lycée. Le nombre des sujets qu'il a traités dans ses cours est imposant. Son enseignement était solide et sérieux, sa forme très personnelle, empreinte d'amabilité et de bonne humeur: même aux examens, il faisait de son mieux pour mettre les candidats en confiance par sa bonhomie et sa verve.

On aura compris que Holger Sten était un grand travailleur, régulier et
infatigable, sauf dans quelques périodes de dépression qui l'empêchaient
de travailler.

Pour compléter le portrait du spécialiste, il faut ajouter qu'il était loin
d'être «monocorde». Il aimait la musique et la pratiquait lui-même:
« Mon violon d'lngres, c'est le piano », disait-il.

Dans la vie privée, il aimait la compagnie de ses amis, déployant volontiers,
surtout dans de petits cercles, sa gaieté et son esprit.

Ceux qui l'ont connu et apprécié ressentent un vide

COPENHAGUE