Revue Romane, Bind 6 (1971) 2

Mode, textualité. Note sur la modalité romane

PAR

PER AAGE BRANDT

Partons du fait que les grammaires sont des discours, ou du discours tout court, dans la mesure où cela veut dire (bon) sens: celui-ci prenant la forme d'une structure dominée par le concept du grammairien, grammatical; une grammaticalité - depuis le Bon Usage et jusqu'à la grammaticalnes sl se présentant en nécessité, en énigme s'imposant àla base, inconnue fondatrice.

Ainsi la grande invention scripturale de la recherche générative-transformationnelle américaine serait-elle moins l'arborisation explicitée et sa notion de règle (pregnante dès l'Antiquité) que cet astérisque qui «poinçonne » désormais les *phrases qui n'en sont pas, mais qui sont maintenant les clowns animant la sagesse, un non-concept sans lequel justement le sens n'en serait pas un (bon).

Marque destinée à introduire un certain rire devant ce qui ne ;>e pense
pas, astre risquant le sens du sens dans l'écriture de l'impensable monstre.
Geste désignant la limite, ei se délimitant dans le negauf du rire. Son



1: II ne s'agit pas bien entendu de confondre tout simplement des concepts que Chomsky a soin de distinguer. A bien des égards, le «bon usage» relèverait sans doute d'une acceptability plus ou moins arbitraire, performancielle, tandis que la grammaticalness dépendrait exclusivement des critères fournis par la compétence linguistique. Mais dans la mesure où «bon usage» implique non seulement la bonté, mais un usage avant la bonté, l'étude de cet aspect fondamental («substantiel», comme 'usage' est le substantif de cette expression) de la grammaire nous paraît - en tant que possibilité même d'usage - relever en droit de la science de la compétence, au même titre que l'analyse des constructa qui portent pratiquement l'argumentation de Chomsky. A plus forte raison, l'introduction du concept de «degree of grammaticalness», destiné à absorber quelques bizarreries qui ne peuvent venir que de la violation plus ou moins grave d'un système de Règles présumées fondamentales, semble légitimer le rapprochement du transformationnisme de la grammaticalité et de la grammaire scolaire normative: les deux sont perméables à la même critique indiquant iuniversaiisaüon d'une forme idéologique. - Ci. Noam Chomsky, Asptcis uf thc Thcory of Syntax, Chapitre 2, § 2.3.1, (1965)

Side 146

envers positif se trouve donc du même coup ¿fé-risoire, sérieux, muni de
l'aspect indispensable au bon fonctionnement du discours des grammairienscomme

Il faudrait insister sur l'astérisque, écriture du rire.2 L'agrammatical
s'y problématise. Et d'abord le a- de son gramme. Pour passer outre,
on passe par ce gramme qui se prête à cet englobement a- -ticat.

Pour l'analyse glossématique - et aucune doxologie ultérieure ne semble s'en écarter fondamentalement sur ce point - l'objet linguistique essentiel se situait par rapport à un double dépassement: à son en-deça (substance de l'expression) comme à son au-delà (substance du contenu); cette différence et cette bi-substantialité sont constitutives de la formalité «proprement» linguistique, et partant de la grammaticalité qui est son phénomène. Gramme grammaticalisant, la différence substantielle appelle une explicitation.

Ses termes, SC vs SE, sont nécessairement conçus, dans cette ttadition, comme des non-différences: deux absolus, Intelligible et Sensible, abandonnésà la théologie. (On doit poursuivre la critique de la grammaire européenne en interrogeant ce fait). Il convient de remarquer ici l'analogie profonde entre l'«entre-deux-termes» linguistique et la structure économiquecorrespondante, celle du travail et de sa marchandise. Analogie qui va pouvoir nous fournir un commencement de terminologie autre (outrante). Car ce gramme ne peut être qu'écrit, effectué. Son apparition est celle d'un travail écartant, d'une production à la base de l'économie verbale comme de l'économie «économie». S'impose par suite la transphénoménologiemarxiste du travail (prélude à sa théorie dialectique): \c faire brut n'est travail qu'en tant que réglé par une logique productive, constitutive de la vaieur d'usage; mais le faire logique ainsi constitué



2: Ce fragment de texte de James D. McCavvley donnera une idée de ce que nous visons ' «... (24) *John is resembling Harry. If the auxiliaries under discussion are verbs, they are sureiy stative verbs; thus the same constraint which excludes (24) would also exclude (25) *John is having drunk bourbon. . . » (Tense and the référence in English, OSCULD, 1969). Le rire de l'exclusion est vraiment un événement dans le discours des grammairiens: le Dehors de cette science empirique n'est donc pas la nuit absolument noire, mais ce qui doit être vu d'un autre «jour», dans un jour autre, à partir duquel le Dedans grammairien peut devenir historique (même si cette conséquence ne semble nulle part rigoureusement envisagée).

Side 147

DIVL2457

donne lieu à son tour à la capitalisation en tant que faire idéal doté de valeur d'échange. Un faire idéal se constitue capital dans la mesure où sa valeur représente un faire brut différent, derrière le « sens idéal » du travail économique, il faut donc reconnaître une matérialité scripturale(poinçonnante) : la pré-scription du travail, ou sa dé-scription. Scriptiondifférente du travail et différant le travail (base du concept de temps, nous y reviendrons). Succède l'analyse trans-phénoménologique du langage (prélude à la théorie qu'elle n'est pas, encore) : le faire brut, comme débit signifiant, qui suppose un faire logique, et ce sera la structuresyntaxique (phrastique, etc.); finalement (il y a bien teleologie) le faire devenu idéal qu'est le sens de ce qui se dit, l'objet sémantique. La valeur idéale sémantique est ce qui permet le contrat, l'échange par lequel le langage devient ou passe dans du travail, étant lu comme représentant un FAiRF brut différent du travail. Tei tout commence, sans origine. Nous avons parcouru le cycle travail-littérature - travail, ou bien «substancede l'expression»- forme -«substance du contenu». La forme, constituantdans le langage le prix d'une marchandise, les termes d'un contrat,ne se constitue que sur son travail différé (on doit poursuivre ici l'étude d'une idéologie unissant théologisme-de-la-substance et capitalisation,celle-ci supposant une valorisation du travail uniquement à partir de son être-pour-la-littérature (prix, comme sens)). Nous avons pré-figuré ce dia-grammc :

Cette icône provisoire retiendra la stratification résultant de l'analyse réductrice, en la dépassant décisivement par la clôture de cette sensi-fication ne sortant désormais plus de la signification, mais qui lie tout signifiant (brut, littéraire ou industriel) à la circulation, et qui, de manière spécifique, rend possible une sémiotique capitalisante dès la dysphorisation-refoulante de l'instance du travail, au profit d'une littérature euphorisée, mémoire et télos de la première. La «substance» se montre informée, structurée «comme un langage», ou inversement. Et c'est entre deux «langages», deux travaux, qu'il y a échange comme sens.

Le concept d'une grammaticalité conceptualise précisément ce langagetélos,langage

Side 148

télos,langageimmanent par excellence, de l'immanence d'un capital commetrésor gardé. Il s'agirait pour nous de montrer peu à peu la texîualiîé qui détermine les «propriétés» propres à ce langage gardé, de montrer en quoi il n'y a langage que comme texte circulant, c'est-à-dire pluriel, entassé, enchâssé, formant de grandes architectures spatiales dans cet inter-texte du faire que nous avons spécifié. Il faut penser cet espace commeinfini englobant toute «empiricité» plate objectivée par une finition ayant lieu dans le discours linguiste. C'est donc une sorte de dé-finition que nous voudrions mettre en évidence (sur un point particulier, bien sûr).

Si le cycle marqué désigne la distance entre moment qui énonce/écrit et moment dénoncé/décrit par l'intermédiaire du gramme: Tri -> Lit -> Tr2, il nous donne à penser en effet la momentanéité en tant que telle. On sait que le langage n'a pas lieu sans l'intervention de certains embrayeurs (hic et nunc; je, etc.) qui semblent actualiser en quelque sorte le produit linguistique, textualiser ce produit: un N muni de matrice qui le «constitue» en faisceau de traits distinctifs n'est rien avant de subir une détermination-embrayante, qui le sort de sa littéralité. Dans le cycle, nous pouvons noter l'écart du nunc littéral comme un renvoi trans-littéral :

'nunc'Trx -«- «nunc»Tr2

La référence à Y instance du discours (Benveniste) doit se penser comme ce dépassement trans-littéral qui ouvre un enjambement: nunc s'actualise «après» l'objet linguistique en renvoyant à ce qui l'avance (devance). Le pré-sent se donne en bi-momentanéité pré-coup/après-coup. C'est ce décalage de principe qui fait du pré-sent ce temps fictif (factice, factuel) qui, en dernière instance, doit problématiser Y instance du discours: nous ne voyons dans le texte que la pluralité de renvois-écarts différant vers l'infini le terrain solide d'une parole dernière, vraiment énonçante; la trans-littération ne s'achève que maintenant ce qui veut dire dans ce qui suit etc.

A partir d'un concept textuel de l'espace du langage, le problème de l'enchâssement (embedding - accouchement) sera autre: non plus question simple regardant la technologie notationnelle elle-même regardant le plat im-manent, mais question d'une signalisation articulée de distinctes intertextualités. Nous l'envisagerons sous forme d'une question concernant le mode.

On dira donc que Trn «se présente dans» Trn -1: il pleut, i.e. je vous
annonce qu'il pleut. Mais cette annonce, qui semble se ranger sur le
même plat que l'annoncé, devrait s'écrire:

Side 149

DIVL2461

Les traits «positifs» des objets langagiers se disposent, non plus à la queue leu leu comme chaîne, mais différés par niveaux. Abandonnant la ligne théologique, nous tentons d'envisager le jeu de ce différer. Mettons ainsi que mode désigne une «manière de se présenter» qui caractérise le texte n dans le texte n-1. La «propriété» mode marquant le verbe du texte «en scène» serait alors à lire comme lieu d'un marquage, signal du drame où le texte fait figure de scène; l'environnement textuel devant se penser comme un entassement (archéologique), penser l'entassement avant l'«environnement» plat, c'est lire un espace avant d'en lire un remplissage factice, grammatical, et dans le cas qui nous concerne (à titre de fragmentindice, exemple éventuel), lire le mode dans une modalité qui l'avance. Disons que l'objet de lecture est alors l'astérisque (son astralité):

* je vous ordonne qu'il pleuvait hier

La modalité doit être prise dans l'entassement sous la forme d'une figuration fonctionnelle entretenant, en l'occurence, le temps dans sa classiate triple; ainsi, un texte tnprésent l'est en tant qu'il enchâsse un autre, tn + i (sa descendance), passé venant «après», sur le plat immanent ('je vous annonce' se fait suivre de 'qu'il pleuvait hier'), et en tant qu'il s'enchâsse dans un texte qui le dépasse, tn -i, futur préposé prévoyant tn avec tn + i dedans.

tn -i <- tn <- tn -* i (-> : temps plat)
On doit penser encore la figure du décalage:


DIVL2459

On parlera de la modalité de tn par rapport aux t «environnants»; il
faut détacher de la série un ensemble de variabilités articulées permettant
d'établir la fonction :


DIVL2421

où la modalité elle-même assume des valeurs distinctes selon les valeurs
des arguments R et P, dont nous proposons de dire ceci:

Side 150

a) Au niveau textuel (n — 1) considéré, se distingue l'effet pragmatique de r«énonciation» en termes de performatifvs. informât if {ou zéroperformatif, «non»-performatif3). Le texte phrastique s'actualise, agit dans un élément stratégique et dialogique où tantôt il informe le futur locuteur, tantôt le «performe». Si 'je vous salue' alors vous devenez salué, ce qui pourra vous faire saluer de votre côté, à votre tour; or, les performatifs classiques (saluer, baptiser, promettre, à la première personne du présent) invitent précisément, ou programment, un certain comportement du futur locuteur. Si ce comportement ne comporte que l'acte de prendre la parole, il n'est rien (P —); il devient intensif, important, quand il meut le corps de la victime (les bras, en cas de salutation, etc.): P -f. La variabilité P +/P marquera le récit de l'acception du texte compris, son accueil ou sa force agressive: '[on s'apercevra avec effroi]' ou '[on se félicitera]' QUE, c'est-à-dire parce QUE tn-

Le plus souvent, l'effet performatif passe par un tn non effectivement présent, par un présent absent transparent: 'Nous étions là. Vous entendez?' L'absence de la présence n'affecte en rien l'analyse de la performation; c'est au contraire sa condition normale (et le mode en proposition principale a été pensé comme précédant logiquement le mode d'une subordonnée).

b) Au niveau textuel (n + 1), celui du texte «régi», du texte objectivé, se note l'effet scénique de vérité ou réalité de ce texte réalisé dans le cadre du drame textuel. (D'après la phrase, à l'en «croire», en effet, «il pleut». . .). Cet effet distinguant le texte mis en circulation et en valeur pourrait ici se noter comme une variabilité R -\-/R ~, la négative étant cette marque régulatrice notable qui assure le vraisemblable du communiqué en exilant les incongruités immanquables mais incommuniquables, en les réintroduisant dans la tête vraisemblable du locuteur.



3: Le «zéro» de performativité se distingue du plein de performativité en ce que la réponse du destinataire-devenu- «sujet » sera entièrement langagière, nonviolente (participation dialogale, répétition, formulation de questions, affirmation, négation, etc.), tandis que sa réponse en cas de texte «performatif» plein sera un travail non-langagier (paiement, applaudissement, agression, «obéissance», etc.). La supposition que la distinction des deux performativités est possible et pertinente dans la description d'un certain nombre de langues va fonder, avec la distinction des réalités (que tout le monde reconnaît), le modèle qui sous-tend tout l'exposé qu'on va lire.

Side 151

Ainsi, on obtient quatre valeurs reconnaissables de la modalité, non pas quatre catégories sémantiques hiératiques, non pas quatre vérités, bien entendu, mais une partition relevant d'une intervariabilité textuelle à prévoir4:



4: Dans leurs discussions, les indo-européanistes s'adonnent souvent à la spéculation sur l'originalité de telle ou telle essence du mode (du subjonctif, de l'optatif, de l'injonctif, de l'indicatif) sans jamais jeter un coup d'œil sur les textes qui leur apportent cette morphématique énigmatique bien qu' « empiriquement donnée». Il est certain que Otto Jespersen («ail attempts at finding out the fundamental notions attached to thèse catégories (optative, subjunctive) are failures») aura raison à tout jamais, si cet essentialisme doit rester sans réplique (W. Streitberg, Gotisches Elementarbuch, 1920, pense que « Die Modi bezeichnen einen Gemütszustand des Sprechenden »; selon L. H. Gray, Foundations of Language, 1933, le mode «denotes the manner in which the action or state is performed or exists»; J. Gonda a raison d'insister sur l'aspect ethnolinguistique impliqué: The Character of the Indo-European Moods, 1956, - en mentionnant par exemple le développement tardif de la catégorie distincte de temps grammatical, du malais à Bahasa Indonesia, ou en samoïed (p. 18,21)). - Les Recherches modales des romanistes, d'autre part, semblent hésiter entre un point de vue moniste (le subjonctif signifierait subjectivité, ou autre chose, plus ou moins sensiblement) et un pluralisme non moins spéculatif (il y aurait une essence sémantique chaque fois que l'on trouve un groupe de verbes supportant une paraphrase intuitivement satisfaisante). Pour H. Soltmann (Syntax der Modi im modernen Fian/ô»isch, Halle 1914) la distinction entre indicatif et subjonctif est fondée sur la différence entre «etwas Tatsiichliches, Sicheres» et "cin Nichtsichcre*»' F T erch ÍBedeutune der Modi im Franzosisehen, Leipzig 1919) distingue doux subjonctifs, «Konjunktiv des Begehrens » et «Konjunktiv der Unsicherheit» (cf. Der Konjunktiv des psychologischen Subjekts, Die neueren Sprachen XXVII, pp. 338-344, 1920); W. van der Molen (Le Subjonctif, sa valeur psychologique et son emploi dans la langue parlée, Amsterdam 1923) donne comme sa définition du mode, «attitude psychique du sujet parlant par rapport à l'idée énoncée», pour caractériser ensuite l'opposition subjonctif/indicatif directement comme opposition subjectivité/objectivité; G. Guillaume (Temps et Verbe, Paris 1929) conçoit le mode en général comme rapport («la visée») entre «chronothèse» et «chronogénèse», cette dernière comportant trois phases dont la médiane (tempus «in fieri») renferme le phénomène donnant lieu au subjonctif; il est à regretter que la perspicacité guillaumienne soit, ici comme ailleurs, limitée dans sa portée par un psychologisme exclusif. Pour Damourette et Pichón (Des Mots à la pensée, Paris 1911-36), subjonctif/indicatif veut dire non-jugement/jugement, distinction qui regarde directement la communication, mais qui ne relève pourtant d'aucune théorie qui puisse élever ce "jugement« aii-de^us de la pure essence iueementale: de leur côté, G. et R. Le Bidois (Syntaxe du français moderne, ses fondements historiques et psychologiques, Paris 1938) marquent tout bonnement le subjonc-

Side 152

DIVL2433

tif comme une «énergie psychique»; G. Gougenheim (Système grammatical de la langue française, Paris 1939) distingue la variation modale dans la propositionprincipale, qui lui paraît significative, de celle des propositions subordonnées,pure «servitude grammaticale»: dans les premières, la variation modaledistingue les énoncés véritables des autres, dans les derniires, elle peut pourtant marquer la différence entre «action réalisée» et «action envisagée», etc.; E. Tañase (La Valeur et les emplois du subjonctif en français, Montpellier 1943) voit surtout dans la différence modale une opposition existence/nonexistencetouchant l'énoncé; De Boer (Syntaxe du français moderne, Leiden 1947) suit essentiellement Gougenheim: subjonctif dans la principale à valeur sémantique, et dans la subordonnée marquant la valeur psychologique de la subordination; K. Togeby (Structure immanente de la langue française, Copenhague1951, cf. La hiérarchie des emplois du subjonctif, 1966, in Immanence et Structure, Copenhague 1968) pense que «c'est la construction qui régit le subjonctif, et non le sens»: la construction est comme un système complexe d'écluses qui tantôt «laisse passer une influence modale», tantôt «ne laisse filtrer aucune influence modale du dehors», la subjonctivité étant donc une sorte d'essence liquide capable de s'inclure et de se ramifier dans ce système, suivant les règles de sa mécanique; Paul Imbs (Le subjonctif en français moderne,1953) va dans la même direction, affirmant que «le subjonctif est toujours un terme corrélatif» et que la «scmanthèsc» (l'investissement sémantique) dépendtoujours de cette corrélation, du terme corrélé; en dernière instance, ¡a valeur significative du subjonctif serait une «actualisation imparfaite» -. G. Moignet (Essai sur le mode subjonctif en latin postclassique et en ancien français,Alger 1959) reprend le modèle de G. Guillaume, appuyant sur cette «visée»qui serait, dans le cas du subjonctif., un «regard intercepté ou critique»;

Side 153

Précisons qu'à ce niveau théorique, ce ne sont pas les verbes qui ont une certaine modalité comme propriété: le texte tn seul, auquel correspond sans doute virtuellement une syntaxe à déterminer, en est le lieu; n'empêcheque des figurations écrites déterminées peuvent se détacher comme «manifestations» «typiques» de telle modalité (la valeur de la modalité se donnant abstraitement, passant sous silence son intertextualité, et prenant éventuellement un nom «canonisant»: Ma, intentionalis; Mp, imaginalis; Mr intellectus; M6, affectus, -si l'on veut).

Dans un second temps, qu'on ne saurait isoler, le mode resurgit en
fonction de cette modalité :


DIVL2439

Ainsi, on a finalement accès au mode «proprement dit» dans sa propreté
linguistique.

Or, à limiter un moment la vue par le moyen d'une interprétation offrant le mode comme ce qui EST cette binarité triviale de la morphologie du verbe (ind./subj.), on voit que la fonction g ainsi circonscrite se présente comme projection d'une quaternarité (modalité) sur une binarité (mode). Un jeu s'institue entre deux fonctionnalités (aspects d'un même fonctionnement textuel), g paraissant fondée dans une opération d'abstraction à partir de f. La transition f- g apparaît comme charnière entre une pensée textuelle et l'objectivation-idéalisation linguistique qu'elle pense.

Nous sommes donc porté à considérer les engendrements enchâssants
capables/susceptibles du décalage textuel considéré. Dans une syntaxe
comme la syntaxe romane s'offrent les constructions à proposition infinitive,relative



«La théorie que nous venons d'esquisser... exclut tout apriorisme et toute prévention philosophique ou logique contre la nature particulière d'un phénomène linguistique» (pp. 19-20), comme si les apriorismes cédaient à des formules d'exorcisme, cf. Gerhard Boysen (L'emploi du subjonctif dans l'histoire des langues romanes, Bulletin des jeunes romanistes, XIII - 1966): «La présente étude se propose... un procédé qui se borne à l'observation des faits linguistiques tels qu'ils se présentent objectivement au chercheur. . . une méthode purement fonctionnelle...» (p. 19), naïveté, recherche candide de la propreté et de la pureté d'un objet offert virginalement à l'écriture descriptive définitive d'appropriation, lyrisme servant avant tout à éloigner toute théorisation du projet et de sa conceptualité elle-même. La tendance à voir une opposition nécessaire entre le «sens », d'une part, et la « mécanique », de Vautre, est constante ; ello oblige lu. description à se contredire à tout moment et à la vacillation indiquée, de même qu'elle interdit toute théorisation. Elle ne s'abolira guère que par un mouvement de réflexion sur la textualité de la modalité.

Side 154

nitive,relativeou complétive, avec les nominalisations qui sont multiples; nous choisissons ici comme construction privilégiée l'enchâssement à complétive d'objet, souvent tenu pour le plus «riche» en «nuances», et en tout cas le plus aisément homologable de notre point de vue. Nous nous contenterons de donner une démonstration sommaire d'une analyse historique de g, en langue romane. En première approche, le profil de la fonction sera indiqué; ce profil constitue pour ainsi dire la Loi constitutivede la signalisation modale, qui se modifiera dans le détail par un grand nombre de variabilités et de transformationnismes liés à la configurationbasale de l'époque.

latin

Les constructions complétives n'ont pas, on le sait, l'extension qui leur revient en syntaxe romane moderne. Elles existent, on peut en signaler les «manifestateurs» verbaux; ceux-ci correspondront aux modalités stipulées

a: volo, rogo, iubeo, impero ut (ne)

(3: non possum, non recuso quiN (quominus)

y: mitto, praetereo quod

8: gaudeo, deploro quod (quia)

Le texte régent (tn) marque ainsi sa modalité par son verbe, et par la conjonction opérant le décalage. Ces constructions sont d'ailleurs beaucoup moins fréquentes que leurs équivalentes obtenues par nominalisation. La langue populaire, par contre, «préfère» les complétives, et particulièrement «sous» y:

dico quod Marcas venit

Remarque: a) le problème timeo ut ¡ne: il y a une lecture volitive-intentionnelle, ~ «je veux», et une lecture affective ~ «je regrette (l'événement prévisible)», donc deux lectures a et 8 se superposant, en construction positive comme en construction négative: timeo, ut labores sustineas («je veux ut. . . et j'en regrette l'échec prévisible»; timeo, ne sero veniam («je veux ne (:ut non). . . et en regrette d'avance l'échec»). De même, craindre, tel quel, est à la fois un régent a et 5.

b) le problème recuso / non recuso: tandis que le texte (la phrase) recuso positif se lit en parallèle de nolo, donc a, non recuso se range en parallèle de nemo dubitai, «figuratif», «imaginai», «concessif»: non recuso quinpoenam subirem, donc p. La langue populaire aurait admitió {quod) dans cette position, tandis que, de manière analogue, non admitto serait un régent a. On voit qu'une transition entre modalités est possible, le verbe maintenu, une «transformation par négation»: a _^ 3 et inversement p _^ a.

Side 155

La fonction g se profile, selon l'investissement proposé:


DIVL2496

La variation binaire du mode s'articule en «syncrétisme» sur la distribution quaternaire de la modalité. Le mode latin classique marque comme «intensif» (sautant aux «yeux» de par sa plus grande rareté) ou subjonctif l'egèi de non-réalité du texte objectivé (R — en a et P) et en général, on voit qu'il suit la variabilité R plutôt que la variabilité de l'effet performatif. (Il ne s'agit évidemment pas de confirmer ici un discours spéculatif traditionnel,s spéculant sur l'essence -oula spiritualité de l'Esprit électif planant sur la distribution - du mode latin; la «marquance» appartient à Yécriture de ce langage, c'est-à-dire à l'univers social où il est pratiqué).

Remarque: le subjonctif dit oblique pouvant affecter les constructions affectives de la langue littéraire est analysable en une transition RH > R-, comportant une sorte de fictivisation de l'objet d'affection, donc, en outre, une dé-performativisation, P-! > P-, et par conséquent la transformation nonmarquée S -> 3-

La complétivisation ne prend véritablement forme qu'aux Ve et Vle siècles; la, iníiniúvüsaüoiii de la langue littéraire ¿ont dans une très large mesure remplacées par des constructions complétives ; la différence conjonctionnelle distinctive quin/ut cède le pas à quid, quod, quomo(do), si (dans les Balkans), de sorte que l'uniforme (QUE) se dessine à l'horizon (occidental), et que le remplissage de la quadripartition s'assouplit grâce aux transformationnismes et aux homologations désormais libérés.

ancien français

Pour un certain nombre de verbes (textes-phrases se réduisant au seul
verbum finitum), une constance modale est notable :



5: L'effet du mode latin n'est évidemment pas le fait de quelque esprit latin, mais une distribution morphématique réglée par un certain commerce langagier appelant les marquer intensive:) (J~<ilaimc) sur ses points stratégiques (le principe de réalité, commandé par un mode de production que le langage doit qualifier): question de «rhétorique».

Side 156

a: mander, preer,. .

P: cuidier, penser,..

y: saveir, veoir ; dire, narrer, tesmoigner

ô: se repentir,. ..

La fonction est identique à celle du latin classique. Mais surtout les positions
P et y sont occupées par un nombre considérablement plus grand
de textes-verba finita. p peut se donner encore dans la forme latine:

ne puet muer nen plort (non potest quin)

Remarque: un autre subjonctif oblique ouvre ici une transition non-marquée entre y et P; ainsi du groupe de verbes présidé par croire. Comme la variabilité oblique latine, celle-ci correspond à une certaine insistance sur le caractère à la fois «fictif» et «langagier» de la mise en scène: cuide que veritéz soit, «il pense, disant que. . . ». Tout se passe comme si un texte s'intercalait qui dénote l'irréalisation par langage. La modalité 3 enchâsse en représentationfiction (potentialis), y par contre en représentation-vérité.

Comme le latin classique, l'ancien français binarise sa modalité en soulignant la variabilité R qui établit une frontière aP/yo. Ce profil stable, monumental, de g, qui traverse même la romanisation du latin, pourrait être marqué comme une instance g\ de la fonction (qui n'est pas fonction de la Langue en question, d'une langue comme singularité).

français classique

Après ie XVT' siècle, on note en français une nouvelle indécision modale qui peut correspondre à une désorganisation de gi: il semble que la variabilité oblique perd son ancrage, la frontière aP/yô se trouvant en voie d'abolition, de sorte que:

P: ils pensent que ce soit - / ils pensent que c'est -

ne comporte plus aucun effet oblique, et que:

ô: je regrette que ce soit - ¡je regrette que c'est -

ne comporte plus d'effet oblique non plus.

On aurait ainsi un stade de décomposition fonctionnelle:

Side 157

DIVL2540

Moment de la monumentante de g qui va se stabiliser en une figure qui
s'annonce justement dans ce déséquilibre où se croisent deux principes
sélectifs (cf. les pointillés).

français moderne

La nouvelle figure modale peut être constatée sur des constructions exemplaires dont les régents sont a: vouloir, nier... ;(3: imaginer, n'empêche... ; y: savoir, voir, dire... ;Ô: déplorer. ..; elle se distingue comme une instance g2 de la fonction:


DIVL2583

tn français moderne, la variabilité binaire murphematique ne ac trouveraitplus réglée par la variabilité R de la fonction textuelle, mais par la performativité : le subjonctif signaliserait dès lors l'effet P + (le destinataire,sujet du texte futur, obéira au programme avancé : dans le cas a, en «réalisant» (vouloir) ou «dé-réalisant» (nier) le texte enchâssé régi, concerné; dans le cas ô, en «écartant» (détester) ou en «approchant» le «fait» sémantique du texte régi, déjà réel (R +) qui «origine» plaisir ou déplaisir). L'indicatif signalise l'effet P — (hochement de tête, émerveillement:«in»-activité, position neutre par rapport au texte concerné, neutralité dont le signe majeur serait la réponse verbale: oui/non.. .). Le subjonctif peut être paraphrasé approximativement comme signal de travail (changement de réalité), tandis que l'indicatif apparaît comme neutralisant, mode conversationnel. Le nouveau monument g2 déplace ainsi la marque intensive, le signal de danger, placé dans l'ancien monumentsur l'effet chimère (R —), désormais dénotant l'effet travail (P +). Cette différence, et ce déplacement de l'aspect «vérité » à l'aspect «valeur »,

Side 158

doit concerner la pratique langagière dans une configuration économique
englobante, rapport qu'il faudra étudier dans un contexte plus large.

Remarque: Aux constructions (3 appartiennent les régences espérer, promettre, décider, croire «suivies» du temps futur dans le texte régi. D'autre part, une transition de P à y amènera dans la complétive un présent-perfectif. A l'imagination du «possible» succédera alors la Perception du «vrai». La transition «oblique» se signale donc dans ce cas par le moyen d'une morphématique aspectuelle, plutôt que par la morphologie modale; mais cette aspectologie mériterait sans doute une critique fondamentale: car temps, aspect et mode convergent ici (dans des langues qui en possèdent) vers une même fonctionnalité, qu'ils sur-déterminent, sur-signalisent en texte régi


DIVL2587

Ainsi, les deux «présents» 3 et y semblent se pencher, l'un sur le futur, l'autre sur un déjà passé (ce qui est, est fait) et tn + i se trouve pour ainsi dire irrémédiablement décalé, hors présence comme proximité absolue; il n'est visible qu'en tant qu'absent, différé. Si la temporalité du subjonctif, par contre, semble moins nette, c'est inversement que le subjonctif du travail suppose une suspension de distance qui amène une suspension d'évidence: on aurait ainsi une série, distance - évidence - information / suspension de distance - opacité - performation. Le travail ne voit pas6, performe hors évidence, reste invisible.



6: Le travail est invisible; le temps du travail ne devient tempus que par la contemplation à distance, théâtrale, de l'être produit. Ainsi, la linéarité de la temporaiite s articule a partir d'une question survenue à celle de Performativité et de Réalité: Maintenant, oui ou non? - ce qui donne éventuellement la partition suivante, en français moderne: tn M a 3 y S MAINTENANT? i i I ! ! ! tn - i subj. futur présent présent passé subj. prés. • passé simple imparf. comn. 12 3 4 5 6 L'écart entre les niveaux textuels tn et tn +i serait comparable à la «visée» guillaumienne suspendue entre «chronothèse» et «chronogénèse». Mais ce Maintenant constitutif ne serait rien moins que présence: entre deux niveaux d'enchâssement, il ne saurait y avoir de «maintenance», tout au plus un «toutà-rheure» (futur ou passé, selon les distinctions ultérieures, cf. Gonda, op. cit. p. 28 29) neutralisé par le geste de la main tenant un texte à distance. Dès lors s'ouvre toute une 'consecutio temporum' sous la forme d'une morphographie de l'enchâssement. Dans !e schéma que nous venons de poser, le tu était présupposé constitué par un texte phrastique dont le verbum finitum était «au présent»; la première consecutio à noter serait donc l'enchâssement de tn +i dans tn, ou, disons, ti dans ti, en position quatrième et cinquième, où apparaît nettement la distance primaire entre un passé enchâssé et un présent enchâssant, écart qui va pouvoir se répéter dans ti enchâssant une nouvelle série, dans ses propres positions 4 et 5; la série t3 serait la suivante: t3 subj. condi- impar- impar- plus-que- subj. plusimparf. tionnel fait fait parf. que-parf. 12 3 4 5 6 Les positions 4 et 5 de cette série peuvent encore être les lieux aun enchâssement, qui nous donnera une dernière série, ts: Í4 subj. plus- condi- plus-que- plus-que- passé que-parf. tionnel parf. parf. antérieur passé 12 3 4 5 6 L'architecture des quatre couches .temporelles rend compte de la capacité de «mémoire» du langage, de sa capacité de «descendre» dans le temps; après la quatrième couche, l'étagement doit recommencer depuis un nouveau présent, ou procéder par nominalisations (bien entendu, il est possible de «sauter» des couches: c'est même le cas ordinaire; considérons à titre d'exemple la phrase (Togeby, Fransk Grammatik, p. 544): J'appris plus tard que Bonnava, dès que Drameille lui eut fait croire que pavais quitté Barcelone, s'était isolé dans le bureau de Pedro Juanez. . . On y distingue ainsi l'étagement: t\ [je vous dis que ] t2 j'appris plus tard que Í3 B. s'était isolé dans le bureau. .. dès que t4 D. lui eut jau croire. .. La cinquième cuuchc serait que j'avais quitte Barcelone ou, par exemple à cette histoire (syntagme nominali. TI serait éventuellement possible d'envisager la consecutio ou correspondance des temps en termes d'un générateur textuel produisant un syntagme canonique temporel ti ench. t2 ench. t3 ench. t4, soit: règle (1) ti -»¦ ti (t2) V t2 règle (2) t2 - t2 (t3) V t3 règle (3) t3 - t3 (t4) V t4 règle (4) t4 -> nominalisation V ti On aurait alors les éléments d'une théorie générative du texte, théorie qui devrait traverser la morphographie des langues pour sous-tendre l'étude du langage en général, et creuser d'abord à l'intérieur de la grammaire de l'immanence, qu'elle soit taxinomique ou générative.

Side 159

Le développement gallo-roman a été mis en avant parce qu'exemplaire du déplacement gi -> g2. Dès l'ancien espagnol, on observe une signalisationanalogue à celle de g2 dans des constructions a, y et ô. Les enchâssementssous (3, au contraire, autorisent non seulement le futur de l'indicatif,



6: Le travail est invisible; le temps du travail ne devient tempus que par la contemplation à distance, théâtrale, de l'être produit. Ainsi, la linéarité de la temporaiite s articule a partir d'une question survenue à celle de Performativité et de Réalité: Maintenant, oui ou non? - ce qui donne éventuellement la partition suivante, en français moderne: tn M a 3 y S MAINTENANT? i i I ! ! ! tn - i subj. futur présent présent passé subj. prés. • passé simple imparf. comn. 12 3 4 5 6 L'écart entre les niveaux textuels tn et tn +i serait comparable à la «visée» guillaumienne suspendue entre «chronothèse» et «chronogénèse». Mais ce Maintenant constitutif ne serait rien moins que présence: entre deux niveaux d'enchâssement, il ne saurait y avoir de «maintenance», tout au plus un «toutà-rheure» (futur ou passé, selon les distinctions ultérieures, cf. Gonda, op. cit. p. 28 29) neutralisé par le geste de la main tenant un texte à distance. Dès lors s'ouvre toute une 'consecutio temporum' sous la forme d'une morphographie de l'enchâssement. Dans !e schéma que nous venons de poser, le tu était présupposé constitué par un texte phrastique dont le verbum finitum était «au présent»; la première consecutio à noter serait donc l'enchâssement de tn +i dans tn, ou, disons, ti dans ti, en position quatrième et cinquième, où apparaît nettement la distance primaire entre un passé enchâssé et un présent enchâssant, écart qui va pouvoir se répéter dans ti enchâssant une nouvelle série, dans ses propres positions 4 et 5; la série t3 serait la suivante: t3 subj. condi- impar- impar- plus-que- subj. plusimparf. tionnel fait fait parf. que-parf. 12 3 4 5 6 Les positions 4 et 5 de cette série peuvent encore être les lieux aun enchâssement, qui nous donnera une dernière série, ts: Í4 subj. plus- condi- plus-que- plus-que- passé que-parf. tionnel parf. parf. antérieur passé 12 3 4 5 6 L'architecture des quatre couches .temporelles rend compte de la capacité de «mémoire» du langage, de sa capacité de «descendre» dans le temps; après la quatrième couche, l'étagement doit recommencer depuis un nouveau présent, ou procéder par nominalisations (bien entendu, il est possible de «sauter» des couches: c'est même le cas ordinaire; considérons à titre d'exemple la phrase (Togeby, Fransk Grammatik, p. 544): J'appris plus tard que Bonnava, dès que Drameille lui eut fait croire que pavais quitté Barcelone, s'était isolé dans le bureau de Pedro Juanez. . . On y distingue ainsi l'étagement: t\ [je vous dis que ] t2 j'appris plus tard que Í3 B. s'était isolé dans le bureau. .. dès que t4 D. lui eut jau croire. .. La cinquième cuuchc serait que j'avais quitte Barcelone ou, par exemple à cette histoire (syntagme nominali. TI serait éventuellement possible d'envisager la consecutio ou correspondance des temps en termes d'un générateur textuel produisant un syntagme canonique temporel ti ench. t2 ench. t3 ench. t4, soit: règle (1) ti -»¦ ti (t2) V t2 règle (2) t2 - t2 (t3) V t3 règle (3) t3 - t3 (t4) V t4 règle (4) t4 -> nominalisation V ti On aurait alors les éléments d'une théorie générative du texte, théorie qui devrait traverser la morphographie des langues pour sous-tendre l'étude du langage en général, et creuser d'abord à l'intérieur de la grammaire de l'immanence, qu'elle soit taxinomique ou générative.

Side 160

«sous» imaginar, esperar, mais aussi bien le subjonctif dans la même
position, sans effet de transition entre modalités.

Le subjonctif est obligatoire sous dejar, P; on pourra se tenir aux régents
exemplaires suivants dans une première approche:

a: querer, desear, impedir, dudar, negar

P: imaginar, admitir, suponer, esperar; dejar

y: ver, saber, decir

8: perdonar, deplorar

Remarque: A propos de certains régents maigres (verbes) 8, M. Togeby remarqu e7 que «sémantiquement on peut dire que ces verbes régissent le subjonctif, bien qu'ils s'agisse de faits qui se produisent réellement, parce qu'ils n'expriment pas une communication, mais une évaluation, à propos de phénomènes qu'il n'est pas nécessaire d'affirmer.» Ce qui est très près de rejoindre, dans notre contexte, ce qui semble le principe du mode roman moderne en général: l'avènement d'un subjonctif de performation.

Le profil, quasi-fonctionnel, se dessine:


DIVL2585

Le subjonctif P, étranger au français moderne, permet une variation modale oblique P/y observable sur les verbes CREER, reconocer, etc. et qui «déréalise» justement sans faire travailler le destinataire: fictivise, d'une manière qui distingue en effet la signalisation modale ibéro-romane comme l'italienne, et qui se distingue pour autant comme une instance massive de la fonction, g2'.

Il est à remarquer que le futur du subjonctif, en espagnol, et d'une
manière encore plus notable en portugais, apparaît uniquement en régime
p.- Se nâo tiveres recebido as flores amanhâ.. .



6: Le travail est invisible; le temps du travail ne devient tempus que par la contemplation à distance, théâtrale, de l'être produit. Ainsi, la linéarité de la temporaiite s articule a partir d'une question survenue à celle de Performativité et de Réalité: Maintenant, oui ou non? - ce qui donne éventuellement la partition suivante, en français moderne: tn M a 3 y S MAINTENANT? i i I ! ! ! tn - i subj. futur présent présent passé subj. prés. • passé simple imparf. comn. 12 3 4 5 6 L'écart entre les niveaux textuels tn et tn +i serait comparable à la «visée» guillaumienne suspendue entre «chronothèse» et «chronogénèse». Mais ce Maintenant constitutif ne serait rien moins que présence: entre deux niveaux d'enchâssement, il ne saurait y avoir de «maintenance», tout au plus un «toutà-rheure» (futur ou passé, selon les distinctions ultérieures, cf. Gonda, op. cit. p. 28 29) neutralisé par le geste de la main tenant un texte à distance. Dès lors s'ouvre toute une 'consecutio temporum' sous la forme d'une morphographie de l'enchâssement. Dans !e schéma que nous venons de poser, le tu était présupposé constitué par un texte phrastique dont le verbum finitum était «au présent»; la première consecutio à noter serait donc l'enchâssement de tn +i dans tn, ou, disons, ti dans ti, en position quatrième et cinquième, où apparaît nettement la distance primaire entre un passé enchâssé et un présent enchâssant, écart qui va pouvoir se répéter dans ti enchâssant une nouvelle série, dans ses propres positions 4 et 5; la série t3 serait la suivante: t3 subj. condi- impar- impar- plus-que- subj. plusimparf. tionnel fait fait parf. que-parf. 12 3 4 5 6 Les positions 4 et 5 de cette série peuvent encore être les lieux aun enchâssement, qui nous donnera une dernière série, ts: Í4 subj. plus- condi- plus-que- plus-que- passé que-parf. tionnel parf. parf. antérieur passé 12 3 4 5 6 L'architecture des quatre couches .temporelles rend compte de la capacité de «mémoire» du langage, de sa capacité de «descendre» dans le temps; après la quatrième couche, l'étagement doit recommencer depuis un nouveau présent, ou procéder par nominalisations (bien entendu, il est possible de «sauter» des couches: c'est même le cas ordinaire; considérons à titre d'exemple la phrase (Togeby, Fransk Grammatik, p. 544): J'appris plus tard que Bonnava, dès que Drameille lui eut fait croire que pavais quitté Barcelone, s'était isolé dans le bureau de Pedro Juanez. . . On y distingue ainsi l'étagement: t\ [je vous dis que ] t2 j'appris plus tard que Í3 B. s'était isolé dans le bureau. .. dès que t4 D. lui eut jau croire. .. La cinquième cuuchc serait que j'avais quitte Barcelone ou, par exemple à cette histoire (syntagme nominali. TI serait éventuellement possible d'envisager la consecutio ou correspondance des temps en termes d'un générateur textuel produisant un syntagme canonique temporel ti ench. t2 ench. t3 ench. t4, soit: règle (1) ti -»¦ ti (t2) V t2 règle (2) t2 - t2 (t3) V t3 règle (3) t3 - t3 (t4) V t4 règle (4) t4 -> nominalisation V ti On aurait alors les éléments d'une théorie générative du texte, théorie qui devrait traverser la morphographie des langues pour sous-tendre l'étude du langage en général, et creuser d'abord à l'intérieur de la grammaire de l'immanence, qu'elle soit taxinomique ou générative.

7: Knud Togeby: Mode, aspect et temps en espagnol, Copenhague 1953, p. 43.

Side 161

Au niveau tout à fait fondamental / tout à fait superficiel que nous visons, celui de g2\ il n'y a guère lieu de signaler les particularités de la langue portugaise. Là, comme en espagnol, et comme en italien, la double signalisation P correspond à une archaïsation littéraire maintenue et tolérée au sein du modernisme modal (qui commande un indicatif sous (3).

LES MODULATIONS

Cette double signalisation permet, nous l'avons dit, une transition oblique caractéristique, une «modulation» que l'on notera P<->y. Des quatre modulations que nous qualifierons de primaires, elle seule est exilée du français; les trois autres marquent le modernisme modal roman en tant que tel. Ces modulations sont:

ou, synoptiquement:


DIVL2628

DIVL2630

(1) Ce sont souvent les formes imperfectives de creer qui régissent le futur de l'indicatif, ou le présent du subjonctif (P); les formes perfectives étant «suivies» corrélativement du présent de l'indicatif (y). Ainsi, nous avons en italien :

Io credo che Dio esiste (y) / Io credo che Dio esista (P)
Ammetto che tu sei in buonafede / Ammetto che tu sia in b.f.
Penso che i nostri figli hanno fortuna // . . .abbiano/. ] . .avranno f.

(2) La modulation est accompagnée d'un changement d'aspect dans le
texte régi, changement qui se répercute sur le régent:

El cura temió que se suicidase (a)
Ya lemia que no vendríais (P)s



8: Ibid. p. 38.

Side 162

Esperar comporte une variabilité de cette categorie: ou «attendre» (de
qn. qu'il fasse qch.), ou «espérer»,9 et souvent accompagnée du même
effet de changement aspectuel.

(3) C'est la modulation la plus massivement frappante, la plus évidente, de toute la problématique; ainsi, elle comporte une double transition textuelle, de (R +, P —) à(R —, P +). Ses régents typiques renferment un sème «langagier» (le langage pouvant ordonner dans les deux sens: commander, narrer): decidir, «décider» / «déterminer»; decir, «mander» / «narrer» - auxquels s'adjoint la variante imagínale, dijérase (p). M. Togeby note que «l'indicatif oriente decidir vers le passé [y], le subjonctif le fait vers le futur [a]: en 1920 el sultán decidió que la concesión no era vàlida (Barea: Ruta 202) - las cortes decidieron que se hiciera un gran concurso nacional (ib. 131)».10

(4) La modulation jouant entre «affectus» et «intellectus» est représentée en espagnol par sentir qui donne, avec régime au subjonctif, «regretter», et avec régime à l'indicatif, «sentir», «percevoir par les sens». En français, ce sera regretter:

Le chasseur regrettait qu'il eût oublié son fusil (8) /

Le chasseur regretta qu'il avait oublié son fusil (y)

Cf. // s'étonna qu'il le savait: «il dit avec étonnement qu'il le savait».ll On voit que la modulation change l'aspect. Ainsi, siento que doit impliquer un régime à l'indicatif et au perfectif, ou au subjonctif et à l'imperfectif, ce qui se répercute sur le texte régent: senti que (y) s'oppose à sentía que (8).

Si le radical verbal «est» de par sa «nature» ou perfectif ou imperfectif, l'aspectualisation phrastique pourra prolonger ou inverser cette «propriété», ce qui correspondra, ou à une modulation, ou à un effet & emphase (imparfait dit pittoresque, etc.).

LA NÉGATION

Un problème qui nous paraît particulièrement important surgit ici; en



9: Ibid. p. 37.

10: Ibid.

11: Knud Togeby, Frutisk Urani malik, Copenhague 1965, p. 401.

Side 163

effet, si le verbal dénote sémiquement une activité langagière, le texte phrastique pourra prolonger ou «nier» ce caractère, en particulier par le moyen de la complémentation adverbiale: la négation; or, un dire nié équivaut à l'affirmation de cette négation, la différence entre position et négation n'est pas supérieure à celle qu'il y a entre dire et wáiire:

Esto quiere decir que viene (y) «ceci veut dire qu'il vient»

No quiere decir que venga (P) «ceci veut dire que ceci ne veut
pas dire...»

La modulation a ici l'effet d'irréalisation du régime, R-\ >R—, opération qui nous semble cruciale, indispensable àla gramma:re d'un langage qui veut distinguer le vrai du faux: un tel langage disposera, parmi ses constructeurs phrastiques en dehors du verbum finitimi, d'une particule discrète, no. qui de par sa propre force transforme d'un seul coup le paraître vague de sa phrase (p.. .y) en un être-Véritable (y) ou en un non-être déceptif et chimérique (P); à cette condition, assurée par le statut critique, distinctif, du no, la «connaissance» comme nous la vivons peut s'effectuer.

Mais la négation se révèle assumer d'autres fonctions capitales. Si elle est condition d'une charnière constitutive de Savoir comme Vérité (charnière et articulation qui doivent se comprendre dans leur spécificité culturelle, complice d'une certaine '/modernité» occidentale).l2 c'est qu'elle était déjà à l'œuvre dans un certain nombre d'opérations curieusement paòscca souj ¿iicnvC par les grammairiens; la négation est avant tout performative - déperformative, instrument de passage modulant entre P -+- et P —. Ainsi, l'espagnol invite à distinguer au moins trois types à cet égard :

a) type recuso : a - nég -> p avec negar, dudar, impedir;

b) type admitto : P - nég -> a avec créer, pensar, admitir;
(positivement imperfectifs)

c) type roman mod.: y - nég -> ô avec explicar, comprender,
reconocer (positivement
perfectifs)

(en dehors de la négation «scienti-fique» qui reste dans P — :

d) y - nég -> P avec dire, postuler, etc.)



12: Voir Gonda. Tense and primitive thought, op. cit. Sont pertinents ici des travaux de Lévy-Briihl, Malinowski, Whorf, etc.

Side 164

Les négations (a) - (e) ne regardent pas le trait distinctif textuel R, mais
uniquement la performativité:

a) No negarás que esto es algo mejor (P)
Nadie duda de que fueron ellos ((3)

Le destinataire et futur locuteur n'est plus censé raturer de son univers le texte régime (nié, redouté, etc.), mais doit justement suspendre son raturage nég-intentionnel (intention de négation, produisant la négation), en annuler la répression, ce qui est strictement autre chose que Percevoir- Vrai; on pourrait qualifier cette négation de répression de négation armistice, de dé-performation.

b) No creo que nadie pueda igualarle (a)
Nunca pensé que se llamara asesinato al aviso (a)

Le destinataire subit un changement d'espace de comportement de réponse: il ne doit plus participer à l'imaginé par hochement de tête, mais (en principe) par mobilisation de raturage nég-intentionnel du texte imaginai; il doit effectuer les conséquences d'un «je ne veux pas que. . . », c'est-à-dire, d'un «je veux que non pas. . . ». Il s'agit d'une sorte de déclaration de guerre (acte trans-linguistique par excellence, d'ailleurs) ou d'une négation défi.

e) Comprendo bien que lo quieres (y) -^ No comprendo une quieras
ir allí (8)

La particule négative est dans ce cas moins nécessaire, la modulation étant signalisée par le mode du régime. Tandis que !a phrase positive et perfective dit à peu près «je me rends compte. . . » ou «je prends conscience de. . . », la négative dirait «je ne trouve pas naturel, bon, sain. . . » («je déplore»). Le je ne comprends pas de tout dialogue répressif est souvent une occurrence de cette négation déploraiive, valorisante.

Armistice, défi ou déploration, autant de négativités qui entourent et enveloppent dans leur cercle magique la négation «pure» scientifique apparemment seule en question dans la logique de notre modernité. Et autant d'opérations fonctionnantes derrière le masque de la scientificité adulée, et dont l'étude pourrait éventuellement se fonder sur un certain nombre d'hypothèses élémentaires:

1) Tout texte apparemment impersonnel intransitif (- // en est ainsi -)
se donne dans un texte régent, explicite ou non; le texte de l'Être-Ainsi

Side 165

s'enchâsse dans la modalité de sa lecture, en l'occurrence y; en cas de
«littérature» fictivisante (- // était une fois -) dans un régent lectural p\

2) La négation de l'Être-Ainsi scientifique exilera son régime vers l'imaginai (c'est la négation «pure» moderne occidentale) ou vers l'affectif (déploration magique, ce qui dit, étymologiquement performation, faire: faire disparaître...); le discours des journalistes dans la communication de masse serait à examiner sous cet angle, qui permettrait de distinguer ainsi deux non-lieux: deux suspensions de véri-fications, l'une reculant vers une virtualité, l'autre procédant à une falsi-fication magique et d'autant plus efficace qu'elle est peu visible.

3) La fiction est armistice, suspension de performation, et à ce titre, vrai-semblable; elle ressemble au Vrai par ce caractère «informatif», et en diffère en tant que non-réelle (tn -j- i étant marqué R —); elle est du côté du faux, sans se constituer par aucune négation du Réel : au contraire, elle est son inauguration.

Nous n'avons considéré jusqu'ici qu'un type privilégié d'enchâssement, celui dci> compiclivcs d'objet. 11 convient d'indiquer un clargisacmciit de l'horizon, de dessiner en somme le programme d'une étude qui restera à faire, et que nous tâcherons de rendre faisable.

L'impératif se distingue des modes en marquant un texte régi par un
texte toujours implicite a: canta, cantad performent (P +) et réalisent
(R — : on ne chante pas encore !).

La nominalisation, par contre, est toujours explicitement enchâssée (en dehors des cas comme ¡ Lastima que... !où les signes graphiques de l'exclamation remplacent la phrase enchâssante, dont la modalité devient évidemment déplorative, 8); el hecho de que, qui s'analyse probablement comme trans-forme d'une phrase impliquant hacer que, variante de «vouloir que », donc a, ne perd pas forcément sa modalité en cours de transformation, et peut régir toujours un texte en subjonctif.

Entre ces cas limites, il faut considérer la masse des circonstancielles,
des relatives, des complétives; le schéma suivant rendrait compte des
grandes lignes d'une description élémentaire:

Side 166

DIVL2691

*: La completive complément du sujet s'obtiendra à partir de la complétive complément d'objet: veo que donne es evidente que; imagino que donne es imaginable que (qui régissent respectivement l'indicatif et le subjonctif). Un procédé analogue visant la complétive objet indirect, régime de préposition, etc. serait à envisager.

REMARQUES ULTÉRIEURES SUR LES MODALITÉS REPÉRÉES

Dans des textes de plus grande étendue, des paragraphes, des chapitres, des récits entiers, il semble que la série a (3 y ô ne soit pas qu'un ensemble paradigmatique; en effet, elle est assimilable à une certaine «Grande Syntagmatique» narratologique. il serait sans doute hasardeux, mais peut-être utile, de supposer un instant l'identité de ces modalités et de celles avancées par la narratologie. Ainsi, la modalité du savoir s'identifieraità y; la modalité du faire et celle du vouloir renvoient à c.* la modalité an pouvoir (et partant, du possible, potentiel, imaginai) se réfère à (3 et celle d'un évaluer s'impose, en correspondance avec 6. Or, un parcours économique à narrer se dessine: vouloir et faire font travailler (à ce que. . .), et justement à l'intérieur de ce travail s'ouvre le possible (futur), ce qui déjà peut apparaître comme les moyens de production, comme le pouvoir. Le pouvoir passe imperceptiblement dans le savoir, le futur dans le passé du déjà-là produit, le fait «fait», le passage entre les deux étant articulé avec force par un système de signalisations morphologiquesdont nous avons voulu indiquer une étude. Entre pouvoir et savoir.

Side 167

entre (3 et y, disparaît la présence de la production, pour mettre en exergue la phénoménalité du fait. Celle-ci va finalement se consumer dans la valorisation, 8, touchant ce fait en le dissolvant dans une nouvelle performativitérejoignant la première. Il s'agirait en somme d'un procès sensé être orienté, comportant quatre moments ou temps: un temps de l'arche, de l'origine, a, (vouloir originant), un temps scénique, une sorte de diptyque représentant le moment instrumental avant, et le moment résultatif après un certain coup, et un temps final, téléologique, Ô, qui clôt le procès en en préparant un nouveau.

La hiérarchie que propose M. Greimas:

vouloir —r savoir r pouvoir fairell

semble donc pouvoir être lue en sens inverse: faire, pouvoir, (sa)voir,
«vouloir» comme évaluer c'est à dire «faire vouloir» (cf. Greimas, ibid.)
(euphoriser/dysphoriser).

Nous croyons nous trouver devant une figure constitutive d'une modernité linguistique et industrielle qui se trouve basée sur la production linguistique (le marquage insistant) d'un concept de linéarité solidaire du procès «syntagmatique» liant les modalités, ou modulant de manière régulière sur les textes qu'elle se donne. Modulation textuelle qui serait constitutive de la compréhension et de la compréhensibilité jouant à l'intérieur de sa textualitc.

A QUOI SERT DE CRITIQUER LE LANGAGE ?

Dans sa textualité constitutive, «avant» marquage, le langage est une pratique, et sa critique est la critique de cette pratique langagière, non du fait linguistique; le concept du langage, par contre, à savoir de la Langue et de son immanence, est essentiellement ouvert à la critique, qui regarde évidemment les linguistes (le langage n'écoutant guère) naturalisant comme bon sens un effet particulier qui devait être circonscrit, fondé sur un modèle qui le dépouillerait de sa Nature - les linguistes qui ne sont point liés à un concept monumental et monumentalisant refrénant la pensée (dé-naturante) scientifique de leur science.

Plus linguistement, nous tenons à souligner que le premier pas d'un
mouvement vers la pensée critique linguistique consiste précisément à



13: Cf. A. J. Greimas: Eléments d'une grammaire narrative, in Du Sens, Paris 1970; p. 179.

Side 168

reconnaître la différence, le décalage pertinent, entre rapports de rection et rapports de constitution, entre la bâtisse textuelle et sa signalisation. A la dernière seule (signalisation rectionnelle: grammaticalité) convient la notion de platitude immanente fabriquée par une linguistique incapablede renoncer à sa métaphysique. Le rire de la grammaticalité était, nous a-t-il semblé, un commencement de la théorisation critique qu'il ne faut pas tarder à reprendre.

Per Aage Brandi

COPENHAGUE

RÉSUMÉ

Dans la perspective d'une théorie du texte (social) et de l'efficacité du langage comme travail, le marquage de mode est envisagé en fonction d'une modalité rendant compte de cette efficacité. A partir de deux variabilités élémentaires, «effet de réalité » (caractérisant le texte enchâssé) et «effet performatif» (caractérisant le texte enchâssant), une variabilité quaternaire, «intentionalis/imaginalis/intellectus/affectus» est canonisée, de sorte que le mode apparaît comme manifestation binaire de la quaternarité. Le profil manifestationnel est indiqué pour l'histoire du français, plus sommairement encore pour l'espagnol. Le marquage modal et aspectuel accompagnant la transition entre modalités, phénomène que nous appelons modulation, est brièvement caractérisé, ainsi que l'efficacité de la négation, opérant une série spécifique de modulations. Finalement sont discutées les conditions de généralisation de notre point de vue.