Revue Romane, Bind 6 (1971) 2

Quelques observations sur comme

PAR

OLE MØRDRUP

commel présente un problème intéressant en tant qu'introducteur des propositions exprimant la comparaison, le temps et la cause2, dont le dernier groupe reste toujours antéposé alors que les deux autres sont tantôt antéposés, tantôt postposés. Nous allons étudier dans cet article dans quelle mesure les différences sur le plan sémantique se traduisent sur le plan syntaxique. Le terrain que nous allons parcourir n'est pas vierge, et nous sommes surtout redevable à MM. Lorian, Sandfeld, Sten et Togeby ; mais, comme aucune de leurs études n'est exhaustive en ce qui concerne notre sujet, il vaut peut-être la peine de jeter un coup d'œil sur l'ensemble des problèmes posés par comme, dans la perspective que nous avons choisie, sans pour autant prétendre épuiser le sujet.

Nous considérerons comme fondamentale la place de la proposition introduite par comme par rapport à la principale. Aussi diviserons-nous notre étude en deux parties: d'abord les propositions antéposées et ensuite les propositions postposccs.

1. Les propositions antéposées

Comme les propositions exprimant la cause et le temps présentent de
grandes affinités, elles seront traitées ensemble, mais nous étudierons
d'abord les comparatives.



1: Cet article reprend le chapitre sur comme dans Ole Mordrup: «Bisastningsindledere pà moderne fransk» (1970, non publié), couronné par l'Université de Copenhague.

2: En dehors de ces cas, comme introduit aussi des propositions du type: Vous ne pouvez pas savoir comme je souhaite qu'elle soit heureuse (Hougron, Scandale 150) ou ia subordonnée introduite par comme remplit la l'onction de complément d'nhjet Mais, comme ce type se distingue profondément des autres, il ne sera pas traité ici.

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1.1. Les comparatives

II se dégage de l'étude des exemples que ce groupe peut être réduit à
quelques constructions modèles.

1.1.1. comme -\- sujet -f- verbe + complément d'objet.

Comme le dit Chomsky (. .), l'ordre des règles syntagmatiques est un ordre
«intrinsèque» (Ruwet, Introduction 286).

Comme le note Emmon Bach (. .), l'idée baconienne que « . . » est fallacieuse
(ib. 12).

Comme l'a dit Salomón Reinach, dans sa justification des Templiers, c'est un
fait établi que. . on leur attribue des crimes (Peyrefitte, Fin 36).
Comme on l'a vu à propos du café et d'autres matières premières, un prix
minimum n'est respecté qu'aussi longtemps que l'offre reste inférieure à la
demande (Le Monde 30-7-69, 1).

- Non, dit Dubreuilh. Comme vous me le disiez un jour, on ne s'empêche
pas de penser ce qu'on pense (Beauvoir, Mandarins II 342).

Comme l'avait désiré Jules Grévy, la République ne faisait plus peur (Bainville,
France 456).

Comme il l'avait espéré. . Simon trouva quelques libertés (Nizan, Conspiration

De plus, comme nous allons le voir, c'est cette solution qui permet de rendre
compte (Ruwet, Introduction 290).

Comme je m'y attendais, elle me fait un tas d'appels au calme et de morale
(Sarrazin, Cavale 179).

Comme on pouvait s'y attendre, l'aviation israélienne effectue maintenant des
raids quasi quotidiens contre des villages frontaliers où se trouvent des commandos
palestiniens (Le Monde 10-1-70, 1).

Comme j'avais pu m'y attendre, il était clair que, de l'effervescence qui régnait
en ville, le palais Aldobrandi prenait plus que sa part (Gracq, Rivage 218).

Les trois constituants de la phrase minimale appellent quelques remarques
plus détaillées:

1.3.1.1. Le sujet

En général, un sujet non-pronominal exige l'inversion (voir plus haut),
mais on trouve des cas où règne l'ordre normal:

Comme Robien l'avait prévu, nos ministres rougirent, quand Churchill contempla
ces cendres fumantes (Peyrefitte, Fin 92).

Comme M. Laurent l'avait dit à propos de la Norvège, c'est nous-mêmes qui
avions montré le chemin aux Allemands (ib. 287).

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Si la proposition subordonnée contient un pronom personnel en plus
du pronom neutre « le », l'ordre normal semble de rigueur3:

Comme Jacqueline te l'a dit, notre belle-sœur Hélène est donc arrivée ici, chez
nous, jeudi matin, à la fin de la matinée (Duhamel, Passion 235).
D'ailleurs comme Robert me l'a dit tout de suite, c'est sans grande importance
(Beauvoir, Mandarins I 127).

1.1.1.2. Le verbe

L'éventail des verbes reste normalement assez restreint. On trouve surtout des verbes dits d'opinion: s'attendre, avertir, calculer, désirer, dire, entendre, espérer, mentionner, noter, observer, penser, prévoir, savoir, signaler, suggérer, dont quelques-uns (dire, savoir, voir) sont les plus usités.

1.1.1.3. Le complément d'objet

Le complément d'objet se présente toujours sous la forme du pronom
neutre le, sauf pour s'y attendre où il est, bien entendu, exclu. Quand le
verbe est dire ou savoir, le pronom est parfois omis:

Comme on sait, c'est surtout en phonologie qu'il a été question de ce test
(Ruwet, Introduction 75).

Comme on sait, tous les Juifs furent noyés dans la Dvina (Schwarz-Bart,
Dernier 25).

- Ça avancerait qu'il serait mort. Comme dit Vincent, du moins la mort, ça
ne pardonne pas. » (Beauvoir, Mandarins I 152).

Comme dit Descartes, il suffit de relâcher son attention pour être envahi par
ies images (Lacroix, Kaiu 2&j.

Cette construction se rencontre aussi en postposition :

Dieu existe parce qu'il le mérite et par une sorte de surabondance d'être, comme
dit Descartes (ib. 64).

Ainsi que le montrent les exemples cités plus haut, les temps composés et les verbes commençant par une voyelle exigent le pronom neutre, bien qu'on trouve exceptionnellement des cas sans le, tel le suivant où la comparative est postposée :

Était-elle ailleurs, comme la sœur avait dit? Était-elle ici, près de moi, en moi,
comme avait dit mon cousin? (Peyrefitte, Mort 98).

1.1.2. Ce modèle est caractérisé par sa construction impersonnelle et
il peut être divisé en deux sous-groupes.



3: En tout cas, nous n'avons pas trouvé d'exemples avec inversion.

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1.1.2.1. comme il arrive souvent
comme il fallait s'y attendre

a. Au lieu de souvent, on trouve également parfois ou un autre mot
du même sens:

Comme il arrive souvent, ce fut l'intervention d'un tiers qui brouilla les choses
(Beauvoir, Age 275).

Au reste, comme il arrive parfois dans les litiges entre alliés, l'ennemi lui-même
allait nous faciliter les choses (de Gaulle, Salut 180).

Comme il lui est arrivé maintes fois, elle était lasse d'une vie prosaïque (Bainville,
France 11 3).

// est normalement choisi comme sujet dans ce genre de construction,
mais cela peut s'y trouver aussi4:

Comme cela arrive souvent, le trou, dans la gorge, paraissait disproportionné
d'avec le calibre d'une balle (Simenon, Ami 19).

Léon Forentin était là quand on a sonné à la porte et, comme cela lui est
arrivé à plusieurs reprises, il est allé prendre place dans la penderie (ib. 132).

b. Comme il fallait s'y attendre, ma décision provoqua des remous au sein des
petits groupes français qui. . s'agitaient plus ou moins en Grande-Bretagne
(de Gaulle, Appel 274).
Comme il fallait s'y attendre, les lovanistes répliquèrent (Cognet, Jansénisme
36).

Les deux expressions sont presque des constructions figées, et il n'est
pas étonnant qu'on les trouve aussi postposées:

La colère m'eût fourni la force, comme il arrive aux hommes (Rochefort,
Repos 138).

Franchement, ce fut médiocre, esjniirïc il fallait s'y uuendre (Camus, Chute <>?).

1.1.2.2. comme +//+ être -f- adjectif (ou àH- infinitif)

Comme il est classique, l'idéalisme s'alliait chez lui à un scepticisme qui
frôlait le cynisme (Beauvoir, Fille 49).

Comme il était normal, Mazarin fit immédiatement le nécessaire pour que la
bulle fût reçue en France (Cognet, Jansénisme 62).

Comme il était à prévoir, la réprobation ministérielle s'étendait à ma personne
(de Gaulle, Appel 24).



4: M. Hoybye écrit (Mélanges. . M. Grevisse, Gembloux 1966, 218) que «beaucoup d'écrivains préfèrent il arrive à cela arrive» dans cette construction. M. Hoybye est sans doute trop prudent, il faut dire plutôt que l'emploi de cela à cet endroit est très rare.

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1.1.3. D'autres modèles

Les exemples présentés ci-dessus constituent la grande majorité des propositions comparatives antéposées. Le dénominateur commun de tous ces cas était la simplicité de leur structure, mais il en reste qui ont des structures plus complexes. Il s'agit là de ce que Lorian (op. cit. 93) appelle «Parallélisme sémantique des deux verbes, subordonné et principal».

O compagnons de notre exil, comme les fleuves vont à la mer, toutes nos larmes
s'écoulent dans le cœur de Dieu (Schwarz-Bart, Dernier 13).
Comme il avait dédommagé l'Autriche aux dépens des princes allemands, il
dédommagea l'Angleterre aux dépens de nos alliés (Bainville, France 343).
Comme Hume l'a réveillé de son sommeil dogmatique, Rousseau l'a délivré
de cette tentation perpétuelle du philosophe (Lacroix, Kant 87).

Si le parallélisme n'est pas très explicite, il peut être souligné par des
mots tels que aussi, ainsi dont la fonction est d'éviter de confondre ces
cas avec les causales ou les temporelles antéposées.

Comme la lumière d'un projecteur révèle soudain le monument, ainsi la libé
ration de Paris assurée par les Français eux-mêmes et. . dissipent les ombre
qui cachaient encore la réalité nationale (de Gaulle, Unité 384).
Comme deux papillons séparés par des lieues se rejoignent sur la boîte où est
enfermée la femelle pleine d'odeur, eux aussi avaient suivi les routes convergentes
de leurs désirs, et se posaient côte à côte sur Maria Cross invisible
(Mauriac, Désert 124).

Comme l'Etat authentiquement chrétien n'est pas l'Etat clérical, mais celui
qui réalise le mieux son essence propre d'Etat, ainsi la philosophie ne peut
être que la plus prolonuemeni philosophique iLatiuix, Kanl 124).

1.2. Les temporelles et les causales

Ce groupe réunit la majorité des propositions antéposées introduites par comme. Les deux aspects étant très proches, il est parfois malaisé de les séparer (cf. Sten, op. cit. 122, Sandfeld, op. cit. § 196, Lorian, op. cit. 91), mais on peut néanmoins observer quelques traits par lesquels les temporelles se distinguent des causales.

D'une manière générale, on peut dire, à l'instar de Togeby (FG § 313), que les temporelles expriment quelque chose de plus concret que les causales. Il apparaît en effet que la temporelle (ou la principale correspondante, mais c'est plus rare) renferme presque toujours un verbe de mouvement.

1.2.1. Quant à l'emploi des temps, on constate qu'il est très strict dans
les temporelles: comme -\- imparfait / passé simple (passé composé) ou

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passé simple (passé composé) / comme + imparfait, tandis qu'il est moins absolu dans les causales. Du point de vue temporel, les causales expriment l'antériorité par rapport à la principale, alors que les temporelles marquentla simultanéité (cf. Sandfeld, op. cit. § 161, Lorian, op. cit. 94). Cette différence nous explique aussi l'amovibilité des temporelles (tantôt antéposées, tantôt postposées) aussi bien que l'inamovibilité des causales (uniquement antéposées), trait distinctif important pour différencier les deux types de propositions. De même que l'on peut intervertir les deux membres d'une équation (x = y <-> y = x), de même la principale et la temporelle sont interchangeables, puisque c'est la simultanéité qu'indique cette construction. Comparer par exemple:

Un soldat l'a traitée deje ne sais quoi comme elle arrivait à Chinon (Anouilh,
Alouette 79).

Elle s'est mise à rire, elle vous a crié comme s'ébranlait la machine (Butor,
Modification 102).

Comme je m'approchais, l'un des hommes en uniforme se tourna vers lui et
prononça (Aymé, Passe-muraille 95-96).

Mais comme il atteignait le mur d'enceinte, il perçut un léger pas derrière lui
(Schwarz-Bart, Dernier 281).

Des exemples tels que ceux-là ne peuvent guère être interprétés comme causals, et de véritables exceptions, c.-à-d. là où la proposition introduite par comme est postposée, sont très rares. Dans le cas suivant, le premier comme est temporel, alors que le deuxième a reçu une nette nuance causale tout en restant lui aussi temporel:

«Accidente», dit-elle, comme ils se retrouvent face à face, lui dans la cohue s'étant jeté à droite et elle à (sa) gauche, «Accidente», dit-elle à nouveau, mais avec un sourire a son adresse, comme ia cohue empêche que l'un de l'autre i!s se dépêtrent (Mandiargues, Marge 71).

1.2.2. La deuxième différence essentielle entre les temporelles et les causales est la négation. Eue joue un rôle important, parce que ce ne sont que les causales qui l'admettent. Nous n'avons pas réussi à trouver de temporelles négatives, ce qui ne peut, évidemment, constituer une preuve de leur non-existence. Mais les cas suivants montrent qu'une temporelle devient soit causale soit agrammaticale, si l'on ajoute une négation:

Comme je (ne) franchissais (pas) le mur, les phares de la voiture de Gabriclle

balayèrent lentement la prairie (Cabanis, Bataille 95).

Cette phrase (en version négative) est peut-être possible dans un certain
contexte, mais le rapport entre les deux propositions serait causal. Quand

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la proposition introduite par comme est postposée, la construction est
nettement agrammaticale, même si elle reste interprétable:

Cécile s'est éveillée comme vous (n') arriviez (pas) à Civitavecchia (Butor,
Modification 257).

1.2.3. Exemples de causales:

Comme il n'y put parvenir, il demanda la rue Taitbout (Duhamel, Passion 186).
Comme elle vit que son fils avait honte, elle cessa de le regarder (Duras,
Journées 49).

Comme il n'y eut pour ainsi dire point de ces exportations-là et que, par contre,
de telles importations ne laissèrent pas d'être considérables, l'accord nous a
été une charge terriblement lourde (de Gaulle, Salut 273).

Or, comme on sut bientôt quelle avait été la stupeur de Hitler devant l'attitude
de l'Angleterre. . on pouvait estimer d'ores et déjà que ie conflit redoutable
était la suite d'un malentendu tTeyrefitte, Fin 52).

Mais, comme en juin-juillet 1715 Louis XIV manifestait son intention de convoquer
lui-même le concile, le pape finit par céder au début d'août (Cognet,
Jansénisme 103).

Comme elle menaçait de recommencer à pleurer, Jacques lui coupa la parole
(Duras, Journées 84).

Comme je me taisais, il a fini par dire (Hougron, Portes 163).

Et, comme Maigret cherchait où il avait pu la voir, car. „ elle lui rappelait:
(Simenon, Voleur 73).

Comme on ne pratiquait pas l'instantané, il y avait gagné le goût des poses et
des tableaux vivants (Sartre, Mots 15).

Comme on n'a rien pour cimenter les diverses espèces de pierre, les murs ne
pas solides (Wittig, Opoponax 81).

«- Comme je le connais, il n'y a pas de chance qu'il sorte cette nuit. » (Simenon,
Bouteille 168).

C'est possible. Comme je dois devenir sa femme, je le subirai (Aymé, Clérambard

Brigante insistait surtout sur la brutalité du déchirement. Comme il est maigre,
sec et dur, cela faisait d'autant plus d'impression (Vailland, Loi 80).

1.2.4.1. Par opposition à la structure plutôt complexe des causales, celle des temporelles est simple. D'ordinaire, elle correspond au modèle que voici : comme ~\- sujet + verbe (de mouvement) + (comp. circonstanciel) / principale; La seule différence pour les postposées, c'est que la principale précède la subordonnée introduite par comme:

Exemples de temporelles antéposées:

Comme ils arrivaient a. hauteur de l'immeuble, leur chant mourut sur un
déclic <;uhit fSchwarz-Bart. Dernier 194).

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Comme j'arrivais auprès de lui, le vieux me prit à témoin de sa simplicité
(Aymé, Passe-muraille 96).

Comme il descendait la rue Pigalle, une voix très douce l'appela dans l'obscurité
(id., Chemin 197).

Comme il traversait la Phocide, il vit une vache marquée sur le flanc d'un
croissant blanc (Grimai, Mythologie 74).

Comme un loufiat passait d'aventure, Fédor Balanovitch lui dit: (Queneau,
Zazie 115).

Hier comme il sortait de la Rotonde, on lui a demandé ses papiers (Beauvoir,
Age 455).

Le 14 juillet, comme je passais à Londres la revue des troupes françaises, j'y
constatai la présence du général Eisenhower (de Gaulle, Unité 12).
Juste comme ils abordaient le vallon, deux gros oiseaux le traversaient en
oblique, d'un vol lent (Vailland, Coups 1 1).

Comme nous cheminions dans le brouhaha matinal, il harcelait Désiré de
questions (Duhamel, Notaire 73).

Comme nous nous couchons, enfin, le soleil se lève (Sarrazin, Cavale 25).

Ces exemples appellent quelques remarques supplémentaires:

a. Ce sont des cas de ce genre qui sont ambigus. Ils sont tous temporels, mais il y en a où l'on ne peut exclure une nuance causale. Par exemple Schwarz-Bart, Dernier 194: leur chant mourut juste au moment de leur arrivée, mais peut-être aussi parce ¿/«'ils arrivaient là. On pourrait dire encore que s'ils n'étaient pas arrives à hauteur de l'immeuble, leur chant ne serait pas mort. La proposition introduite par comme conditionne donc la réalisation de l'action impliquée par la principale (ceci valant également pour les causales). Et c'est seulement dans les cas où il n'existe aucune relation de ce genre que le sens causal est exclu (voir par exemple Sarrr>7¡n. Cavale 25V

b. L'emploi des temps dans les trois derniers exemples est exceptionnel:
normalement l'usage ne s'écarte pas de la règle donnée plus haut (voir
1.2.1.).

1.2.4.2. Exemples de temporelles postposées:

II arriva justement comme Antoine et son père se levaient pour partir (Aymé,
Chemin 227-28).

Il finit par s'endormir comme le monde sortait de l'ombre (Duhamel, Passion
185).

Je la trouvai néanmoins sur la terrasse comme elle descendait de sa propre
voiture (Sagan, Tristesse 20).

Olivier rentra chez lui comme Edouard venait d'en partir, las de l'attendre
(Gide, Faux-monnayeurs 177).

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«Non, c'est fini», se dit-il comme la moto s'arrêtait devant l'hotel Belzunce
(Beauvoir, Mandarins I 423).

- Tu le vois souvent, Scriassine? demanda Lambert comme ils descendaient
l'escalier (ib. 422).

Lanzmann nous la raconta comme nous dînions rue de la Bûcherie avec les
Bost (id., Force 2 155).

Je l'interrompis comme elle disait (Mauriac, Nœud 33).

Tout vous était nouveau dans cette nuit du printemps romain comme vous
reveniez vers l'hôtel Croce di Malta (Butor, Modification 281).
Je pensais à la maison de Jupien. . car une bombe était tombée tout près de
moi comme je venais seulement d'en sortir (Proust, Temps 170).
11 est mort comme j'étais encore toute petite (Duhamel, Notaire 62, cit. Sandfeld,
op. cit. § 161).

Nénette le rejoint comme il va à la salle de bains (Anouilh, Ornifle 233, indication

- Un verre, dit-elle, comme la serveuse est à portée de voix (Mandiargues,
Motocyclette 175).

Nous regagnons notre banc comme il commence son envolée (Sarrazin, Cavale
322).

Je trouvai mon père sur la terrasse, comme il partait pour le village (Sagan,
Tristesse 167).

1.2.5. 11 ressort de ces cas que l'emploi des temps dans les temporelles
postposées est essentiellement le même que dans les temporelles antéposées.

Le temps le plus usuel dans les temporelles est, comme indiqué plus haut, l'imparfait. 11 traduit, ainsi que le remarque Sandfeld (op. cit. § 161), «une action ou un état pendant la durée desquels quelque chose s'accomplit. » II constitue en quelque sorte une toile de fond pour l'action de la principale mise au passé simple. On pourra ajouter que, le verbe étant normalement un verbe de mouvement (perfectif), la temporelle indique plus souvent une action qu'un état. La valeur de l'imparfait peut aussi être ce que l'on appelle «l'imparfait de conatu» (cf. Togeby, FG § 313; voir par exemple Sagan, Tristesse 167 cité ci-dessus). L'imparfait d'habitude ne se rencontre en revanche pas dans les temporelles, alors qu'il est courant dans les comparatives postposées :

Elle ne m'avait pas téléphoné comme elle le faisait d'habitude (Simenon, Voleur
118).

Mademoiselle déplia ses bras, frappa le clavier de son crayon, comme elle faisait d'habitude depuis trente ans d'enseignement (Duras, Cantabile 68). Il leva les veux, comme il faisait toujours, vers la elace au-dessus de la chaise longue (Mauriac, Désert 98).

11 lit le tour de la chambre, comme îi laisait toujours lorsque en voyage, ii
arrivait dans une nouvelle chambre (Vailland, Jeu 425).

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1.3. Maintenant que nous avons examiné les différents types de propositions antéposées introduites par comme, il serait peut-être intéressant de voir s'il existe des cas ambigus ou si tous les exemples appartiennent univoquement aux deux catégories principales (d'un côté les comparatives, de l'autre les causales et les temporelles).

Nous avons essayé de montrer qu'il n'y aurait pas de problèmes, puisque les comparatives qui se rencontrent normalement antéposées se rangent dans un petit nombre de catégories bien déterminées.s Mais il reste les cas traités sous 1.1.3., où deux facteurs interviennent: d'une part un nombre relativement peu élevé d'exemples, et d'autre part un parallélisme le plus souvent si explicite que l'on a, ou le même verbe dans les deux propositions, ou un mot-outil tel que ainsi, aussi dans la principale indiquant sans ambiguïté qu'il s'agit d'un comme comparatif.

L'exemple cité par Lorian (op. cit. 94):

Comme on met un doigt sur un ressort, avec précaution, j'avais essayé de
trouver quelqu'un et cela s'était déclenché aussitôt (Sagan, Tristesse 96).
ne devrait pas non plus être ambigu, car il est question là de deux actions
et donc de deux éléments entre lesquels on peut établir une correspondance.

Dans le cas suivant, nous avons par contre 'état - action' (en même
temps que la principale est niée), il est donc évident que comme est causal:

Comme la piaule est toujours en désordre, je n'avais pas remarqué l'agencement
du fouillis (Sarrazin, Astragale 159).

2. Les comparatives postposées

II reste deux points qu'il nous faut aborder. Il s'agit d'une part de savoir si les comparatives que nous avons déjà traitées se placent librementpar rapport à la principale. Parlant de la construction impersonnelle(i.î.2.), nous avons mentionné plus haut que les comparatives de cette catégorie se trouvent aussi postposées et qu'il serait difficile de se prononcer sur le problème de savoir quelle position est la plus normale. En ce qui concerne les propositions traitées sous 1.1.3., il apparaît qu'elles sont, normalement, postposées. Le premier type se rencontre



5: On peut en outre noter deux faits syntaxiques: 1. Les comparatives antéposées n'admettent pas non plus la négation: toute proposition antéposée introduite par comme qui est négative est donc causale. 2. !! ne semble pas que comme comparatif puisse être repris par que ainsi que le peut comme causal ou temporel (cf. Lorian, op. cit. 96-97).

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également dans d'autres positions, d'une part postposées d'autre part
comme incidentes. Mais, ce type étant une sorte de formule introductrice,
il est le plus souvent antéposé.

L'autre problème dont il nous faut traiter est de savoir comment distinguer les comparatives des temporelles parmi les postposées. Comme nous l'avons vu. les propositions temporelles se signalent par le fait qu'il est possible d'en donner une description assez précise: l'emploi très régulier des temps, le choix des verbes assez restreint et enfin une coïncidence sur le plan temporel entre l'action de la subordonnée et celle de la principale. En face, nous avons les comparatives que nous sommes obligé de définir négativement, c.-à-d. comme toutes les propositions introduites par comme qui ne sont pas temporelles. Il faut recourir à cette solution qui n'est ni satisfaisante, ni définitive, parce que les comparatives possèdent une structure plus complexe et moins régulière que les temporelles, ce qui fait qu'une description précise en est plus malaisée.

Il reste quand même un problème qui pourrait être intéressant à aborder. Nous avons vu plus haut que le passé simple était possible dans les causales, car il faut probablement exclure cet aspect des temporelles.6 Exprimant la simultanéité, elles se mettent à l'imparfait, parce que cet aspect paraît mieux approprié à rendre le fond de décor, même s'il existe des passés simples simultanés (cf. Sten, op. cit. 98), mais, dans ce cas, ils sont sur le même niveau, alors que le propre de la temporelle est de marquer un plan secondaire par rapport à la principale. Il faut tout de même souligner que le passé simple est assez rare après comme causal, et nous voyons donc que comme exige presque toujours l'imparfait.

L'emploi du passé simple dépend de la manière dont la comparative est liée à la principale. Si la comparative est rattachée au verbe et la cohésion, par conséquent, étroite, la possibilité de voir apparaître le passé simple est moindre que si la comparative est subordonnée à la principale entière. Dans ce cas, la cohésion est plus relâchée, car on ne peut constater de concordance entre les deux propositions. Pour déterminer pratiquement s'il s'agit d'une forme ou de l'autre de cohésion, on pourrait noter la présence ou non d'une virgule avant comme, de sorte qu'une virgule sera comprise comme le signe d'une cohésion relâchée.



6: De même que des comparatives antéposées. Nous n'en avons trouvé qu'un coul exemple FI exagérait beaucoup • comme Platon fit du poète. Karl chassait de sa République Vingénieur, le marchand et probablement Vofficier (Sartre, Mots 44).

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Si l'on considère seulement les œuvres que nous avons dépouillées
systématiquement, la relation entre les deux catégories est 1:3 (respectivement
34 et 11 exemples).

2.1. Relation étroite

2.1.1. Passé simple / comme + passé simple

Cette combinaison se retrouve dans les deux tiers des cas (8). La construction dominante de cette catégorie est comme on put. Sans aucun doute, c'est le passé simple de la principale qui a entraîné le même aspect dans la subordonnée; nous avons donc ici correspondance:7

Plus tard, il consola Nicole comme il put (Sagan, Mois 135).
chacune paya son écot comme elle put (Sarrazin, Cavale 129).

Ernie l'imita comme il put, atteint par le pathétique du cérémonial (Schwarz-
Bart, Dernier 264).

Beaucoup d'anciens chefs des maquis, privés de responsabilités, renoncèrent
et se casèrent comme ils purent, dans ce qui restait de secteur privé (Le Figaro
Littéraire 4-10-69, 12).

D'autres exemples:

M. Thomas Young se leva comme dut Lazare jadis se lever de son tombeau,
blême et roide (Duhamel, Passion 167).

J'entrai dans le bar en titubant comme dut tituber Lazare ressuscité (Beauvoir,
Mandarins FI 35).

En 1667, notre armée entra en Flandre comme elle voulut (Bainville, France
200).

2.1.2. D'autres temps / comme \- passé simple

Dans cette catégorie, il n'y a qu'une seule vraie exception:

a. Imparfait / comme + passé simple

!! croyait peut-être seulement rne serrer la main comme ii crut sans doute ne
faire que voir le Sénégalais (Proust, Temps 139).

b. Présent / comme + passé simple

Celui qui meurt, meurt comme il fut (Saint-Exupéry, Pilote 66, cit. Sten, op.
cit. 123-24).



7: La présence d'une virgule marquant une relation relâchée dans l'exemple cité par Togeby (FG § 528): Je i'empoignai ferme par le bras, comme je pus, peut être considéré comme exceptionnel (cf. Damourette & Pichón V, § 1806 et Hoybye, RR I, 1966, p. 57).

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2.1.3. Participe passé / comme + passé simple

Le sabordage de la flotte française à Toulon fut un dernier sacrifice à la chimère
de l'honneur, et la France. . divisée comme elle ne fut jamais, n'avait de choix
qu'entre la résignation et le désespoir (Peyrefitte, Fin 260).

Raidissement de la rousse, qui me laisse entrer dans son bureau, ciré comme
ne le fut jamais le salon de «la belle Angerie» (Bazin, Vipère 189).

2.2. Relation relâchée

Les chiffres montrent clairement que les liens qui existent entre le temps de la principale et celui de la subordonnée sont assez faibles. Nous avons trouvé 11 exemples avec l'imparfait et 6 avec le passé simple dans la principale. En plus, il y a une douzaine de cas où l'on a employé le présent dans la principale et enfin un tout petit nombre d'autres temps.

a. Passé simple / comme + passé simple

L'irrésistible confident de la société chavranchaise. . eut, comme il l'avoua
plus tard, froid dans le dos (Bernanos, Soleil 261).

Ce soir-là, comme il en fut chaque fois que je le vis ensuite, il se montra
empressé à porter son esprit vers le mien (de Gaulle, Unité 97).
La besogne des critiques français fut ici, comme ce fut si souvent le rôle des
écrivains ou penseurs français, de filtrer et de coordonner (van Tieghem,
Doctrines 33).

b. Imparfait / comme + passé simple

Lt j'ai senti qu'on vous bafouait, comme on bafoua le Crucifié (Montherlant,
Maître 131).

Je traversais la mort, comme Alice traversa le miroir, et une fois de l'autre
côté je m'en saisissais (Beauvoir, Age 696).

11 avait pourtant l'avenir pour lui, comme le distingua tout de suite le Sénat
de la République de Venise (Bainville, France 165).

Et il n'avait pas, comme j'eus à Combray dans mon enfance, des journées
heureuses (Proust, Swann 141).

La nuance était importante et risquait de mener au moins, comme le fit remarquer
Râteau, à la condamnation du genre humain (Camus, Exil 107).
En vérité, il s'agissait donc, avec la métallurgie du titane, comme ce fut le
cas avec les divers métaux «atomiques», d'un saut «qualitatif» (Servan-
Schreiber, Défi 164).

Il appartenait à l'actuel secrétaire général de 1'0.N.U., comme le fit avant lui
Dag Hammarskjôld, d'utiliser le droit d'initiative (Le Monde 17-1-70, 2).
Si la demande y était moins prenante qu'aujourd'hui ("comme ce fut le cas au
début des années 1960), alors les Algériens., devraient consentir des rabais
avantageux à leurs noveaux acheteurs (Observateur 18-1-71, 25).

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c. Présent / comme -f passé simple

Elle passe légèrement la main dans le désordre blond de ses cheveux, comme
elle le fit tout à l'heure, ailleurs (Duras, Cantabile 93).

Contre de si effroyables paroles, j'en appelle à tous les fils, comme une mère
en appela jadis à toutes les mères (Peyretitte, Mort 36).

Jeu s'il y a (comme il y eut parfois, très plaisamment), l'initiative en est à lui
seul (Mandiargues, Motocyclette 186).

Quand un ministre essaie de mettre tout le monde d'accord - comme le lit
Edgar Faure - il doit y consacrer des mois d'efforts, souvent inutiles (Le Figaro
Littéraire 6-10-69, 10).

Imaginez queje sois séquestrée. . incapable de me taire entendre de quiconque
si je sens que je vais périr - comme il m'arriva déjà ici, cette nuit que je me
sentis mal (Montherlant, Port-Royal 82).

Bien que l'on emploie quelques constructions telles que comme ce fut le cas indépendamment du temps de la principale, il ne faut pas oublier que l'imparfait est de beaucoup le plus fréquent des deux temps. En comparant comme avec d'autres conjonctions telles que pendant que, tandis que ou alors que, il ressort cependant que comme est plus compatible avec le passé simple (selon la signification de comme) que ces introducteurs. La restriction (en excluant le passé simple) est ainsi presque absolue pour le comme temporel et le comme comparatif antéposé, elle n'est pas aussi prononcée pour le comme causal; c'est pour le comme comparatif postposé qu'elle est le plus affaiblie.

Ole Mordrup

COPENHAGUE

RÉSUMÉ

Notre point de départ a été les différentes places de la proposition introduite par comme par rapport à la principale (d'une part les antéposées, d'autre part les postposées et les incidentes). Nous avons essayé de montrer qu'il était possible de réduire les comparatives antéposées à quelques phrases modèles. Nous nous sommes aussi posé la question de savoir dans quelle mesure il était possible de distinguer les causales des temporelles, et nous avons conclu que, puisque les temporelles se différencient des causales sur quelques points importants (elles admettent à peu près indifféremment l'antéposition comme la postposition, elles sont incompatibles avec la négation, l'emploi des temps suit un schéma assez fixe, l'éventail des verbes est restreint), il est légitime de maintenir la distinction. Pour ce qui est des comparatives postposées, nous nous sommes demandé s'il était possible d'en donner une description aussi précise que celle des antéposées, et nous sommes arrivé à la conclusion que cela ne l'était pas en raison de la structure complexe et variée des postposées. Nous avons enfin examiné la compatibilité de commi' et du passé simpie. ii est apparu que ceiie-

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ci est le plus nette dans les comparatives postposées sans que le passé simple cesse
d'être relativement rare. Le passé simple est en outre exclu des comparatives
antéposées et des temporelles.

BIBLIOGRAPHIE:

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TEXTES DÉPOUILLÉS:

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Ta force des choses 1-2. Livre de Poche. 1969.

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Duhamel, Georges, Le Notaire du Havre. Livre de Poche, 1965.

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Gaulle, Charles de, Mémoires de guerre: L'Appel. Livre de Poche, 1964.

Gide, André, Les Faux-Monnayeurs. Livre de Poche, 1964.

Grimai, Pierre, La Mythologie grecque. Que sais-je, 1965.

Mandiargues, André Pieyre de, La Marge. Gallimard, 1967.
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La Motocyclette. Gallimard, 1968.

Mauriac, François, Le nœud de vipères. Livre de Poche, 1966.
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Le désert de l'amour. Livre de Poche, 1968.

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Nizan, Paul, La conspiration. Livre de Poche, 1968.

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La fin des ambassades. Livre de Poche, 1965.

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Dans un mois dans un an. Livre de Poche, 1964.
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Simenon, Georges, Le voleur de Maigret. Presses de la Cité, 1967.

- L'ami de l'enfance de Maigret. Presses de la Cité, 1969.

- Les mauvais coups. Livre de Poche, 1966.

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Tieghem, Philippe van, Les grandes Doctrines littéraires en France. Presses Universitaires,

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