Revue Romane, Bind 6 (1971) 1

RÉPERTOIRE ANALYTIQUE DE LITTERATURE FRANÇAISE (RALF).

Hans Boll Johansen

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Un nouveau système bibliographique destiné à ceux qui s'intéressent aux études
de littérature française vient de voir le jour. C'est une équipe d'universitaires et
de bibliothécaires de Bordeaux qui se sont chargés de cette tâche de Sisyphe.

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La bibliographie idéale satisfait à quatre exigences: d'abord elle représente ou bien une sélection ou bien vise à l'exhaustivité, ensuite la bibliographie idéale se reconnaît à la rapidité des informations, elle se présente en outre sous une forme maniable, et, enfin, ses informations sont courtes, claires et objectives autant que possible.

Le RALF représente-t-il la réussite parfaite? Sommes-nous ¡ci devant la
bibliographie idéale?

Prenons les idéaux un par un pour voir si le RALF remplit l'attente et les
espérances suscitées par un projet aussi ambitieux: suivre l'activité autour de la
littérature française depuis le moyen âge jusqu'au vingtième siècle.

Il semble que ce soit la conviction ferme de la rédaction que précisément la rapidité des informations doive distinguer le RALF de toutes les autres bibliographies dans ce domaine. On s'imagine que normalement le RALF publié au mois de février donnera des renseignements sur des ouvrages et des articles parus entre le début d'octobre et la fin décembre. C'est là une rapidité inégalée jusqu'ici. On peut seulement espérer que la rédaction sera capable de réaliser ce miracle qui exige une organisation impeccable. La rédaction est optimiste sur ce point, bien que la première livraison soit parvenue aux souscripteurs avec un retard considérable: plus de six mois, si je ne me trompe.

Ce qui est le plus prometteur dans le RALF, ce qui confère au système sa souplesse, est le fait que nous recevons les renseignements sur fiches. Chaque fiche donne une description bibliographique complète et une analyse sommaire de l'ouvrage ou de l'article. A l'opposé des bibliographies qui paraissent en forme de livres, les fiches donnent l'avantage de l'unité permanente du système. Dans l'excellente bibliographie de Klapp, il faut consulter un nombre croissant de volumes tandis que, dans le RALF, on peut aller chercher les renseignements sur un auteur dans un seul endroit. Le prix de cet avantage est l'obligation de classer les fiches au fur et à mesure de leur arrivée.

Avec ces fiches, les abonnés reçoivent un «Bulletin» où l'on trouvera des bibliographies spécialisées (dans le premier numéro: C.-G. Dubois: De la première «Utopie» à la «Première Utopie française»: bibliographie et réflexions sur la création utopique r.u XV!" xiècle. M. Regaldo: Matériaux pour une bibliographie de l'idéologie et de? iriénlngivtes Ch Porspf' F.iïtp cumulative d(>\ (ouvrages réimprimés par procédé anastaltique). Le Bulletin comporte ensuite une revue des revues (la Revue Romane n'y figure pas!) et enfin une chronique qui donne des renseignements utiles: congrès, thèses et travaux en cours, réimpressions,

N'y a-t-il pas de remarques critiques à faire? Certainement! On aurait pu souhaiter des indications plus apparentes pour signaler s'il s'agit d'un livre ou d'un article. Ensuite, une systématisation plus détaillée aurait beaucoup facilité l'emplacement des fiches. II faut se contenter d'une classification par siècles, il n'y a pas de sous-divisions. Ce manque donne beaucoup de travail aux pauvres bibliothécaires et chercheurs qui doivent classer les fiches. Très souvent on est obligé de lire le texte en entier, pour trouver enfin, dans une proposition subordonnée,le mot clé qu'on cherche. Comme on sait, il n'est pas encore à la mode dans la critique littéraire de prendre soin que le titre signale toujours d'une

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manière précise le contenu: la critique littéraire se sent plus proche des arts
que des sciences.

On aurait bien voulu savoir, en outre, quelles sont les revues, etc. dépouillées
régulièrement par l'équipe du RALF. Quelque part on devrait en trouver la
liste complète.

Le grand problème de tout chercheur devant la masse énorme de littérature secondaire est le plus souvent de savoir quels sont les ouvrages qu'on peut se dispenser de lire, ou, pour s'exprimer d'une manière plus positive, quels sont les livres et les articles qui valent la peine d'être lus. Il existe, dans chaque domaine de la littérature française, un nombre assez restreint d'ouvrages et d'articles qui contiennent une pensée vraiment originale, et puis il y a les autres dont l'attitude devant la littérature est plus ou moins tautologique, ou qui répètent plus ou moins les points de vue de la critique déjà existante.

Il y a deux manières de résoudre ce problème: on peut faire des bibliographies sélectives qui ne mentionnent que les ouvrages remarquables. Cela exige un travail énorme, une vaste équipe très qualifiée, et beaucoup de temps. L'ambition de vouloir rendre compte de toute la littérature française de cette manière-là, restera une utopie vaine, je crois. Nous avons les revues spécialisées et les grandes thèses pour faire ce travail indispensable dans des domaines restreints. Normalement les bibliographies universelles n'ont pas la possibilité de choisir pour le lecteur. C'est sans trop de regret, partant, que nous constatons que le RALF n'est pas sélectif.

Si l'on ne peut pas satisfaire aux exigences de la sélectivité, la seule solution satisfaisante reste l'exhaustivité, qui laisse le choix au lecteur. Le RALF n'est pas exhaustif non plus. Loin de là. Le choix des articles et des ouvrages semble (encore) complètement fortuit, et on signale presque exclusivement des contributions à la critique écrites en langue française! Il est nécessaire que le RALF change radicalement son attitude sur ces points pour pouvoir être vraiment utile. Il iaui avouer, d'aiiieuis, qu'un ¿t rimpicssion que la icú^íiun se rend compte de l'importance essentielle de ce problème.

Il est probable qu'on aboutira à des proportions plus raisonnables au fur et à mesure que la bibliographie s'installe dans la conscience du monde des lettres. Alors seulement on pourra juger si le système sera l'instrument de travail que nous espérons tous.

A condition que les analyses sommaires soient assez compétentes, la bibliographie peut satisfaire aux dernières exigences idéales: clarté, brièveté, objectivité. Les analyses ont l'air d'être bien faites. Evidemment, il s'agit de résumés et non de comptes rendus critiques, de sorte que les analyses du RALF n'égalent jamais celles que nous trouvons dans le Bulletin critique du livre français, qui ont aussi le mérite d'être brèves. Les résumés semblent parfois élaborés par l'auteur, ce qui n'est pas une mauvaise idée, puisque l'auteur parle en connaissance de cause. Seulement on aurait pu souhaiter que les analyses fussent signées. Pour finir par le problème de l'objectivité, je tiens à souligner que la seule chose qui porte préjudice à l'objectivité, est le fait que quelques ouvrages secondaires sont analyses d'une manière détaillée, tandis que des uuviages importants ne sont même pas mentionnés.

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Nous venons justement de recevoir la bibliographie de Klapp pour l'année 1969. C'est là un travail beaucoup plus exhaustif, et qui, depuis sa parution annuelle, ne paraît plus avec un retard tellement plus important que le RALF. Il est à prévoir que le RALF doive encore longtemps faire la concurrence à Klapp, mais la souplesse des fiches, les résumés analytiques sont les grands actifs sur lesquels le RALF doit bâtir son avenir. Ces deux avantages sont si importants que nous espérons que le RALF, entre autres choses avec l'assistance des lecteurs à laquelle la rédaction fait appel, pourra devenir l'instrument de travail qui nous a fait défaut pendant longtemps. Malgré toutes les objections, c'est le début prometteur d'une excellente initiative.

COPENHAGUE