Revue Romane, Bind 6 (1971) 1

HENRI BONNARD, HANNO LEISINGER, WALTHER TRAUB: Crammatisches Worterhuch - Franzosisch. 412 pages. Lessing Korrekturhandbucher 3. Verlag Lambert Lensing. Dortmund, 1970.

Knud Togeby

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Ce livre n'a d'allemand que le titre. Tout le reste est en français: avant-propos, texte, exemples, appendice. C'est un dictionnaire d'un genre nouveau, à mi-chemin entre le dictionnaire courant et la grammaire, ainsi que l'indique le titre. Les mots sont rangés par ordre alphabétique, et l'on apprend à propos de chacun d'eux quelles sont les différentes manières de le construire, énumérées selon leur fréquence, par exemple changer intransitif (le temps a changé), changer de qc (changer de couleur), changer qc (il faut changer votre manière de vivre), changer qn (ça vous changera un peu), changer qn/qc en (les pluies ont changé le chemin en bourbier), changer qc à qc (il n'avait rien voulu changer à ses habitudes) se changer (elle se change dix fois par jours), se changer en qc (la pluie s'est changée en neige).

Ce dictionnaire peut dans une certaine mesure rappeler les dictionnaires des difficultés grammaticales de Hanse et de Thomas, mais ceux-ci sont rédigés pour les francophones, et traitent par conséquent avant tout, comme le disent leurs titres, des difficultés, et cela veut dire en première ligne des difficultés orthographiques. Le Grammatisches Worterbuch est, et c'est pourquoi son titre est en allemand, plutôt destiné à un public d'étrangers et a pour but pratique d'enseigner aux étrangers à écrire et à parler correctement le français. C'est pourquoi on n'y trouve pas seulement les difficultés, mais, et en première ligne, toutes les constructions courantes.

Les rédacteurs, un Français, M. Bonnard, et deux Allemands, MM. Leisinger et Traub, se sont appuyés dans leur travail sur le Dictionnaire du français contemporain (Larousse), qu'ils tiennent pour un témoin sûr du français commun. Mais ils ont supprimé toutes les indications sémantiques pour ne conserver que les constructions. Par conséquent, ils ont laissé de côté tous les mots qui ne sont que des mots pour concentrer leurs efforts sur ceux qui se construisent de façon caractéristique avec d'autres mots. Leur dictionnaire contient 15.000 mots, le Dictionnaire du français contemporain 25.000.

C'est donc un manuel pratique destiné à l'enseignement, un instrument qui sera extrêmement utile aussi bien pour tous ceux qui doivent rédiger des compositions en français que pour ceux qui doivent les corriger. Les professeurs qui ont habitude ce genre de travail savent que la grande difficulté dans laquelle on se trouve toujours n'est pas tellement de savoir ce qu'on dit que de savoir ce qu'on ne dit pas. A cet égard, les auteurs déclarent dans leur avant-propos: «Beaucoup de constructions, parfaitement légitimes en elles-même, sont en fait inusitées . . . un lexique comme le nôtre les exclut du seul fait qu'il ne les mentionne pas».

Heureusement, on apprend quand même parfois ce qu'on ne dit pas, par exemple plus bon, avec certaines exceptions: // est plus bon que juste, etc. Et puisqu'on donne l'exemple bien meilleur, on peut donc être sûr qu'on ne dit pas beaucoup meilleur. Mais si le verbe arrêter n'est enregistré que comme transitif, est-ce qu'on peut vraiment être certain qu'on ne dit pas // arrête? Et si, sous avancer, on ne trouve que avancer qc et avancer intransitif, peut-on être

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assuré qu'on ne dit pas // s'avance? Surtout si l'on pense que // arrête et //
s'avance figurent dans le Dictionnaire du français contemporain.

On ne saurait faire une critique détaillée du Grammaîisches Wôrterbuch dans
un compte rendu ordinaire. C'est seulement en s'en servant quotidiennement
qu'on pourra finir par se faire une idée de sa valeur et de ses lacunes.

Mais une chose qu'on peut souligner dès maintenant, c'est que ce dictionnaire n'est pas seulement un manuel pratique mais qu'il représente aussi une tentative théorique très intéressante. Voici réunis, en effet, dans un seul livre, un lexique et une grammaire, preuve tangible de l'unité théorique de ces deux choses que la tradition a fâcheusement séparées. En effet, un bon lexique devrait présenter, à propos de chaque mot, toutes les constructions possibles, et une bonne grammaire devrait rendre compte de la construction de tous les éléments d'une langue, y compris tous les mots du lexique.

La seule différence entre les deux est que le dictionnaire est basé sur l'ordre alphabétique, la grammaire sur l'ordre raisonné de la grammaire. Mais il n'y a pas, comme le croient certains grammairiens, un aspect de la langue qui relève du lexique, et un autre qui relève de la grammaire. Le point de vue du lexique est applicable à toute la langue, et celui de la grammaire également.

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