Revue Romane, Bind 6 (1971) 1

Quantité vocalique en français - relations quantitatives des voyelles accentuées suivies d'une consonne fricative

PAR

KAREN LANDSCHULTZ

En parlant du vocalisme français, on dit souvent que la quantité ne joue guère de rôle.l En dehors de l'emphase, les voyelles ne sont que rarement de vraies longues,2 et puisqu'il n'y a pas d'opposition fonctionnellereposant uniquement sur une différence de longueur (en exceptantl'opposition latente entre [e/e:] dans une série restreinte de mots),3 l'exclusion de la quantité peut se justifier en phonologie pure. - Le système phonologique maximum des voyelles françaises comprendles seize voyelles suivantes: /ieeayoœauooaëœ ô a /, et le plus souvent des réductions éventuelles ne s'appuient pas sur des problèmes de quantité, (mais, par exemple, sur la répartition dans la syllabe, l'interprétation des voyelles nasales et de [a], la suppressionde [œ] et de [a] chez certaines personnes). En raison de leur différence de longueur (ainsi que de leur répartition particulière dans la syllabe), K. Togeby voit dans [0/re] et dans [o/^J deux paires de variantes.4 [œ] et [o] seraient des variantes brèves, [0] et [o] des variantes longues, la quantité étant la plus pertinente, le degré d'ouverturemoins important, - alors que, entre autres, A. Martinet en fait



1: L'article se base sur un diplôme de phonétique instrumentale achevé en novembre 1966. Je suis très redevable au professeur Eli Fischer-Jorgensen de sa critique de l'étude originelle, et à l'lnstitut de Phonétique de l'Université de Copenhague, qui a mis à ma disposition tous les appareils nécessaires, les bandes magnétiques et le papier assez coûteux pour les courbes, de même qu'à l'École des Arts et Métiers (»Danmarks Tekniske Hojskole«), dont le laboratoire acoustique a servi de lieu d'enregistrement. De plus, je remercie les sujets qui ont prononcé les matériaux de l'étude, de même que madame Catherine Hogsbro Holm d'avoir bien voulu revoir l'article.

2: H. Sten Manuel de phonétique française, 1956, p. 74.

3: voir G. Straka Système des Voyelles du Français Moderne, Bulletin de la Faculté des Lettres de Slia^bouig 1950, p. 280.

4: Structure immanente de la langue française. 2e édition 1965. p. 57.

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quatre phonèmes bien distincts,s le degré d'ouverture étant pour lui le
plus essentiel, la différence de longueur moins importante.

De toute façon, on ne saurait nier l'existence d'une certaine différence assez constante entre voyelles brèves et voyelles plus ou moins longues en français, différence qui, si elle n'est pas proprement phonologique, est au moins indispensable pour une prononciation acceptable. Suivant les règles traditionnelles,6 a) les voyelles accentuées suivies d'une consonne fricative sonore ou d'un [r] (les consonnes dites allongeantes), b) [o] et [0] et [«] accentués suivis d'une consonne prononcée, de même que c) les voyelles nasales accentuées suivies d'une consonne prononcée sont allongées.

L'influence allongeante des consonnes sonores sur les voyelles est connue et généralement acceptée depuis longtemps.7 En ce qui concerne la fréquence et l'extension de l'allongement des voyelles françaises, on ne trouve cependant pas d'étude instrumentale qui en justifierait la base acoustique. Le but principal de la présente étude a été d'examiner de plus près les points a) et b). Les exemples avec [r] ont été exclus d'avance, car la délimitation de ce son sur les courbes pose de sérieux problèmes. - Des douze voyelles orales indiquées plus haut, [e] accentué ne se trouve pas en syllabe fermée, (c'est-à-dire suivi d'une consonne prononcée), et [3] n'apparaît qu'inaccentué. Les dix voyelles restantes ne se trouvant pas toutes suivies d'une consonne allongeante, voici les positions qui ont été examinées:


DIVL661

Chaque voyelle figure dans deux phrases différentes du type:
«J'aime bien «le Tartwffe» qu'on donnera ce soir», «Les roches sont
de tut mais ça n'se voit pas», «C'est une soupe épaisse qu'elle vient



5: Phonulogy as Functional Phonctics, Publications of the Philological Society, Oxford University Press, London 1949, p. 35. De même, voir, par exemple, G. Straka op. cit. note 3, p. 226-228.

6: H. Sten op. cit. note 2, p. 74-75. - G. Straka op. cit. note 3, p. 281-284. 368-371. P. Fouchc Truite de prononciation française, 1959, p. XXXVIIXXXIX. - M. Grammont Traité de phonétique, 1960. p. !!2.

7: Voir p. 36.

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de servir», «J'ai vu la comtesse qui vient de passer».B Les voyelles figurent ainsi avec une intonation montante, qui a été préférée à l'intonationdescendante de la fin de la phrase. Avec les instruments utilisés une délimitation exacte sur les courbes serait critiquable dans la positionabsolument

En choisissant la dernière syllabe d'un groupe rythmique, je suis la règle traditionnelle du placement de l'accent en français.9 Différentes théories ont été avancées à ce sujet: l'accent tomberait en français par exemple sur la pénultièmelo ou même sur la première syllabe, mais la règle citée en premier est celle qui est le plus généralement acceptée.

Bien que toutes les phrases n'aient pas eu la même structure syntaxique,
elles ont été prononcées sur un rythme assez régulier, mais non
cherché. La comparaison entre les phrases devient de ce fait admissible.

- La consonne précédant la voyelle est presque partout une occlusive
ou une fricative sourdes et, dans quelques cas particuliers, la correspondante
sonore ou une nasale.

En outre, des voyelles inaccentuées (Tavant-dernière syllabe du
groupe rythmique) ont été examinées:


DIVL663

de même que de^ exemple^ avec [a] «uivi âc< <->x noclii^ivc; — T e*?
matériaux des voyelles inaccentuées et de La] suivi dune occlusive ont
été établis exactement de la même manière que les voyelles accentuées.



8: En ce qui concerne le problème de la présentation des matériaux d'une étude instrumentale, voir E. Fischer-Jorgensen Om vokallœngde i dansk rigsmàl Nordisk tidsskrift for taie og stemme 1, 1955, p. 33-56.

9: H. Sten op. cit. note 2, p. 83. - P. Fouché op. cit. note 6, p. XLIX-LVII. - M. Grammont op. cit. note 6, p. 117-118.

10: Se rapporter à L'accent en français moderne, Orbis Litterarum 1963, p. 181, par B. Spang-Thomsen en ce qui concerne la théorie de S. Jones, à savoir que l'accent serait sur la dernière syllabe sous l'intonation montante, sur la pénultième sous l'intonation descendante, et la théorie de A. Gilí, selon laquelle l'accent au moins sous l'intonation descendante est sur la dernière syllabe, si celle-là est fermée, et, sinon, sur la pénultième, de même que (p. I^2) l'allégation de Dauzat. qu'il existe sans doute des dialectes où l'accent est sur la pénultième, sans que Dauzat, cependant, généralise le fait pour toute la trance.

11: Par erreur, la position indiquée a été omise dans les enregistrements.

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- Une mise en ordre systématique des exemples aurait pu créer une mauvaise influence d'un exemple sur l'autre, une trop grande distinctionentre bref/long ou le contraire. Pour éviter cela, les phrases ont figuré dans un ordre mixte pendant les enregistrements. De plus, quelquesphrases ont été répétées au cours des enregistrements pour contrôlerla vitesse d'élocution. Celle-ci se montra suffisamment constante. - Il a fallu renoncer à un enregistrement comprenant les exemples isolés énumérés dans un ordre mixte. Le but était de trouver une différencequi résulterait des deux façons d'ordonner les exemples, mais l'accentuation et la vitesse variaient trop dans cette sorte d'enregistrement.

Chaque phrase fut enregistrée trois fois par quatre sujets, à savoir: AM (professeur de faculté) âgé de 57 ans. A vécu 10 années en Savoie, 29 années à Paris, 9 années à New York, et ensuite à Paris. CHH (étudiante) âgée de 30 ans. A vécu 11 années à Paris, 5 années à New York, de nouveau 4 années à Paris, et ensuite au Danemark, où elle a appris le danois qu'elle parle tous les jours. Son bilinguisme particulier peut avoir influé sur les résultats qui, d'ailleurs, ne diffèrent pas essentiellement de ceux des trois autres en ce qui concerne la durée vocalique. ThM (lycéenne) âgée de 17 ans. A vécu 6-7 années à New York (n'a appris l'anglais qu'à l'âge de 4 ans), et ensuite à Paris. SM (agronome) âgé de 26 ans. A vécu 6 années à Paris, 3 années à Vendôme, 1 année de nouveau à Paris, 5-6 années à Madagascar, 1 année à Paris, 2 années en Bourgogne, et ensuite à Paris. Il est caractéristique pour SM qu'il prononce le plus souvent les [e] muets. Son langage est le moins parisien des quatre — 11 est évident que ces sujets ne sont pas les meilleurs pour une étude de la sorte, la condition d'une même matière linguistique n'étant pas satisfaite. De même, le bilinguisme de CHH et la proche parenté des trois sujets, CHH et ThM étant les filles de AM, sont des traits critiquables.

Dans l'étude originale, de même que dans «Duration of French Vowels before Fricatives»,l2 je distingue entre a palatal et a vélaire. Une nouvelle audition plus critique montre cependant qu'au fond seulement AM différencie les deux a. Pour les trois autres, les mesures des deux a sont ici calculées ensemble.

Parmi les exemples figurent des phrases comportant une assimilationrégressive



12: Annual Report of the lnstitute of Phonetics of the University of Copenhagen 2, 1967, p. 109-118.

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milationrégressivepotentielle après la voyelle examinée, sans qu'elle soit pour cela nécessairement réalisée, les deux consonnes appartenant à deux groupes différents d'intonation, (par exemple «C'est une femme active qui fait bien des choses»). Il y a 3 exemples d'une sonorisation éventuelle multipliés par 3 enregistrements. L'assimilation n'a eu lieu que pour AM, et dans 3 cas seulement, sans que la durée de la voyelle précédente en semble influencée. Il y avait 18 exemples d'une désonorisationéventuelle multipliés par 3 enregistrements. AM: assimilation effectuée dans 29 cas, abrègement évident de la voyelle dans 7 cas. SM: assimilation effectuée dans 14 cas, abrègement léger de la voyelle dans 5 cas. Les cas de CHH et ThM sont particuliers. CHH: des 144 (48 multipliés par 3 enregistrements) exemples de consonne finale sonore que présentent les matériaux, 112 sont dévoisés. Abrègement vocalique dans 7 cas. ThM: normalement consonne dévoisée (aussi à l'initiale des syllabes), consonne sonore dans 3 cas seulement. Pas d'abrègement vocalique. Pour AM il y a 12 exemples de consonne dévoisée sans assimilation, pas d'abrègement vocalique, de même que pour SM 12 exemples de dévoisement sans assimilation, abrègement vocalique dans 2 cas. - Ainsi l'influence sur les voyelles d'une désonorisationde la consonne qui suit la voyelle est assez restreinte dans ces matériaux-ci. De plus, elle n'est pas très sûre, puisqu'il y a plusieurs cas de désonorisation où la voyelle ne semble pas influencée. Néanmoins,les exemples d'un abrègement vocalique évident sont exclus des calculs, ce qui peut être discutable. - Quant aux consonnes dévoisées, celles de AM sont allongées dans très peu de cas, et celles de CHH sont un peu plus longues que les sonores. Les labio-dentales dévoisées de ThM sont plus longues que les correspondantes sonores, tandis que les consonnes dévoisées de SM ne sont jamais allongées.l3

Les phrases ont été enregistrées au moyen d'un magnétophone de haute qualité («Lyrec») dans une pièce insonorisée, devant un microphonecondensateur de haute qualité, et de là transmises à deux appareilsmesurant, soit l'intensité, soit la fréquence fondamentale. Un inscripteur à encre a tracé les courbes sur lesquelles les mesures de durée ont été faites. L'indicateur d'intensité est du même type que



13: Pour des recherches sur l'assimilation régressive en français, voir O. M. Thor^cn Voin. Assimilation of Stop Consultants and Fricatives in F rend: and its Relation to Sound Duration and Intra-oral Air-pressure, Annual Report of the Institute of Phonetics of the University of Copenhagen 1, 1966, p. 67-76, qui constate une influence sur la durée de la voyelle précédente.

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celui qu'a inventé G. Fant, mais l'appareil employé a été construit et modifié par B. Frokja:r-Jensen. De même, l'indicateur de fréquence a été construit par B. Frokjaer-Jensen, qui y a apporté des modifications d'après un type inventé par Griitzmacher et Lottermoser, et amélioré par G. Fant. L'inscripteur à encre est le «Mingograf» suédois (construit par «Elema»).

L'inscripteur a tracé 1) un oscillogramme duplex, c'est-à-dire la combinaison d'un oscillogramme et d'une courbe de l'intensité, renversée et passée par un filtre favorisant les fréquences au-dessus de 2.000 cps. Ainsi les sons de très haute fréquence ([f s j ]) descendent sous la ligne zéro, ce qui facilite la délimitation entre les sons, tandis que les sons comprenant peu de haute fréquence sont tracés au-dessus de la ligne, d'où une délimitation moins problématique entre les nasales et les voyelles, 2) les variations d'intensité sur une échelle linéaire, ce qui correspond à peu près à la perception, 3) les mêmes variations sur une échelle logarithmique avec un filtre favorisant les fréquences au-dessous de 500 cps. (oublié pour AM), ce qui facilite la délimitation entre, d'une part, les nasales et les liquides, et, d'autre part, les voyelles. Les voyelles fermées ont été affaiblies par le même filtrage. Un filtrage à 315 cps. n'aurait pas affaibli les voyelles mi-fermées. De plus, l'affaiblissement implique qu'on peut faire augmenter l'intensité, et par là mettre en relief les sons faibles qui ne sont pas de basse fréquence (les fricatives); 4) la fréquence fondamentale. - Le fait que le mingographe n'enregistre pas les fréquences au-dessus de 800 cps. rend nécessaires les modifications ci-dessus.l4

La délimitation des sons sur ces courbes pose différents problèmes. Le début d'une voyelle a été fixé au point où l'on voit une augmentationmarquée de l'intensité, et où commencent les vibrations après une consonne sourde. Le début d'une consonne a été fixé au point où l'on voit une chute marquée de l'intensité, une chute de la fréquence fondamentale(souvent moins prononcée pour les fricatives que pour les occlusives), une chute marquée de l'intensité des vibrations vocaliques sur l'oscillogramme, de même que, sur l'oscillogramme, une descente au-dessous de la ligne zéro pour les fricatives. Là où les points nommés coïncident, il n'y a pas de problème, mais parfois la descente sous la ligne zéro n'apparaît qu'après la chute de l'intensité; de plus, elle peut être faible ou même absente. Tout ceci rend la délimitation



14: Les figures 1-4 p. 46-49 présentent des mingogrammes des 4 sujets.

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problématique. Chez AM et SM, la délimitation a été fixée à la descente de la fricative, tandis que celle de CHH et ThM a été fixée à la chute de l'intensité. C'est-à-dire que la limite entre voyelle et fricative se trouve parfois un peu avant la descente sous la ligne zéro chez CHH et ThM. La différence est minime, souvent de 1 es. seulement, dans peu de cas 2-3 es., mais puisque la délimitation est mutuelle, les relations entre la durée vocalique et la durée consonantique en sont encore plus influencées. La même délimitation pour les quatre sujets aurait été préférable. - La fin de la consonne a été fixée au point où l'on voit une chute marquée de l'intensité et où le tracé de l'oscillogramme rejoint la ligne zéro (sauf [v] qui ne descend pas sous la ligne. Pour [v] initial de syllabe, la décision repose sur une augmentation de l'intensité des vibrations et sur la chute de l'intensité, pour [v] final sur l'arrêt des vibrations. Mais la délimitation du [v] est dans l'ensemble discutable). - La délimitation des sons montre dans la plupart des cas une inexactitude de ± 0,25 es. Dans quelques cas l'inexactitude est un peu plus grande. Là où la délimitation a été trop problématique, l'exemple a été exclu. - Des calculs de signification des différentes relations ont donné des résultats satisfaisants.

RELATIONS QUANTITATIVES ENTRE LES VOYELLES.

De nombreuses recherches instrumentales ont signalé des relations quantitatives spécifiques entre les voyelle^. D'une fnmn générale, le degré d'ouverture est, cœteris paribus, le principe le plus adéquat de classification quantitative des voyelles. Les voyelles fermées sont relativementbrèves, et la durée varie proportionnellement au degré d'ouverture.Entre autres, E. A. Meyer l'a démontré quant à l'anglaisls et à l'allemand,l6 T. N. Tomàs quant à l'espagnol,l7 A. S. House et H. A. Rositzkel9 quant à l'américano-anglais, C. C. Elert quant au suédois,2o et E. Fischer-Jorgensen quant au danois.2l De même, l'étude



15: Englische Lautdauer, Skrifter utgifna af K. Humanistiska Vetenskaps-Samfundet, Uppsala VIII, 1903, p. 1-111.

16: Zur Vokaldauer im Deutschen, Nordiska Studier 1904, p. 347-356.

17: Cantitada de las vocales acentuades, Revista de Filologîa Espanola, tome III, 1916, Madrid, p. 387-408.

18: par exemple On Vnwel Durntion in Fnpìifh. TASA 33. 1961. p 1174-1178.

19: Vowel-length in General American Speech, Language 15, 1939, p. 99-109.

20: Phonologie btudies of Quantity in ùwedish, Üppsaía, 1964.

21: op. cit. note 8.

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présente justifie grosso modo le degré d'ouverture comme principe de
classification quantitative des voyelles françaises.

Une des premières recherches instrumentales de la durée vocalique qui a montré la pertinence du degré d'ouverture, est le travail initiateur de E. A. Meyer, cité plus haut, sur des monosyllabes et des dissyllabes anglais. Pour expliquer ce fait, Meyer soutient que l'articulation des voyelles fermées implique plus d'énergie que l'articulation des voyelles ouvertes. L'allongement des voyelles ouvertes et l'abrègement des voyelles fermées exprimeraient ainsi un désir d'égaliser l'énergie des différentes voyelles. C'est-à-dire que le principe compensatoire serait le facteur déterminant des relations quantitatives entre les voyelles, l'excès d'énergie serait compensé par un raccourcissement de la durée. Quelques recherches de L. Roudet23 montrent que l'articulation des voyelles fermées implique une dépense d'air et une pression sousglottique plus grandes que l'articulation des voyelles ouvertes. D'après E. A. Meyer, une activité plus forte des muscles respiratoires pour [i] et [u] par rapport à [a] explique à elle seule les deux phénomènes. Cependant, en alléguant plus d'énergie pour les voyelles fermées, E. A. Meyer ne s'appuie en réalité que sur son propre sens musculaire et sur les deux études de L. Roudet. Une vérification d'une dépense totale d'énergie exigerait la mesure de bien des différences de tension musculaire. Même si des recherches exhaustives prouvaient une telle différence d'énergie entre les voyelles, l'explication pourrait aussi bien se fonder sur un principe économique: une articulation facile s'allongerait plus que ne le ferait une articulation difficile.

Le principe compensatoire fut pendant plusieurs décennies l'unique explication acceptée. Une théorie divergente se trouve dans l'ouvrage de E. Fischer-Jorgensen de 1955.24 Une grande distance par rapport à la position de repos, c'est-à-dire un mouvement plus grand et plus compliqué pour les voyelles ouvertes que pour les voyelles fermées, impliquerait un allongement des premières. Ainsi il ne s'agirait pas de la dépense d'énergie, mais de l'extension du mouvement articulatoire, de sa déviation par rapport à la position de repos. - En 1961, A. S.



22: op. cit. note 15.

23: a. De la dépense d'air dans la parole ... La Parole 11, 1900, p. 201-230. b. Recherches sur le rôle de la pression sous-glottique dans la parole, ibid. 11, p. 599-612.

24: op. cit. note 8.

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House2s proposa une explication qui, de même que celle de E. Fischer- Jorgensen était contraire à celle de E. A. Meyer. A. S. House allégua la plus grande dépense d'énergie justement pour les voyelles ouvertes, celles-ci étant probablement les plus éloignées de la position de repos. Un plus grand effort musculaire impliquerait une plus grande durée. Cependant, des explications se basant sur une position de repos paraissentproblématiques. Premièrement, on ne trouve pas de définition de cette position s'appliquant de façon adéquate au langage parlé. Deuxièmement, celle-ci ne peut être pertinente, lorsqu'il s'agit d'expliquerce qui se passe quand on parle. Le langage parlé consiste en des mouvements successifs, et une position de repos ne peut s'établir que quand on cesse de parler.

L'explication la plus probable est sans doute celle de E. Fischer- Jorgensen sous sa forme modifiée de 1964,26 complétant une théorie proposée de A. Maack dès 1953,27 à savoir que la durée d'une voyelle dépendrait, entre autres choses, du lieu d'articulation de la consonne suivante. D'après E. Fischer-jorgensen, l'essentiel serait le mouvement articulatoire qu'il faut faire pour arriver de la position de la voyelle en question à la position de la consonne suivante. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de la distance de la position de repos à la position d'articulation, mais de la distance entre les positions articulatoires contiguës. Un mouvement grand et compliqué correspond à une grande durée, — et vice versa. Puisqu'une consonne est définie par une fermeture ou un rétrécissement, il parait de toute évidence qu une voy eue ouverte représente un mouvement plus grand par rapport à la consonne suivante, et qu'elle exige de ce fait plus de temps qu'une voyelle fermée.

Comme il a été mentionné, l'étude présente donne en gros une vérification de la tendance générale: une voyelle fermée est égale à une voyelle relativement brève, et la durée est proportionnelle au degré d'ouverture. Les mesures des voyelles accentuées donnent les moyennes suivantes:



25: op. cit. note 18.

26: Sound Duration and Place of Articulation, Zeitschrift fur Phonetik 17, 2-4, 1964, (p. 175-207) p. 206.

27: Die Beeinflussung der Sonantendauer durch die Nachbarkonsonanten, Zeliselaifi fiii Phonetik unJ allgemeine Sprachwissenschaft, 1953, p. 104 128.

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(AM) (CHH)
suivi
de: [f] [v] [s] [z] [J] [s] [f] [v] [s] [z] [J] [3]
[i] 10,9 27,9 9,6 16,3 9,1 17,4 8,5 12,5 9,2 14,1 9,8 14,1
[y] 9,8 18,8 9,9 17,0 11,3 15,3 8,4 10,8 8,7 12,8 11,0 11,3
[u] 10,4 19,8 12,0 15,8 11,1 25,2 9,0 12,0 10,3 14,4 9,4 16,4
[0] - - 18,9 24,7 - 12,3 18,3
[o] 16,1 16,7 21,2 23,2 16,8 22,0 10,5 13,2 13,2 14,7 12,8 15,8
[f] 10,6 21,9 10,6 22,9 11,5 18,3 9,6 13,1 11,3 14,6 12,7 15,5
[œ] 11,0 22,8 - 12,4 12,1 -
[.)] 12,4 15,6 - - 13,8 18,4 11,6 14,8 - - 11,6 16,6
[a] 17,0 19,9 13,7 20,5 14,0 18,6 )
[a] - - 14,7 26,2 21,2 22,9 jl3'7 18'8 12'2 17'3 13'2 15'8

(ThM) (SM)
[i] 10,3 13,5 10,3 16,7 11,7 15,8 12,2 18,0 12,5 22,0 11,1 23,6
[y] 12,3 16,2 11,9 18,1 12,8 16,3 10,4 19,2 14,2 20,8 14,8 22,2
[u] 11,3 15,2 12,9 18,0 12,8 20,4 10,8 22,9 13,8 24,1 13,9 26,4
[0] - - 15,8 19,9 ________
[o] 15,6 18,4 15,2 18,6 15,7 20,2 14,8 22,2 18,2 19,8 16,3 24,6
[£] 11,9 16,9 15,8 20,3 16,1 20,3 12,8 16,6 12,0 21,7 12,8 17,2
[œ] 14,7 18,0 - 13,2 20,1 -
[o] 17,1 19,6 - - 15,2 20,9 15,1 23,1 - - 12,3 23,6
[a] 17,8 18,7 16,7 22,8 18,5 21,5 17,8 23,6 15,3 24,1 18,2 24,8

et les mesures des voyelles inaccentuées donnent les moyennes suivantes:


DIVL726

DIVL728

Les voyelles accentuées suivies de la même consonne montrent la
tendance prédominante susdite des relations quantitatives entre les
voyelles. Cependant, elles présentent en même temps une irrégularité

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plus grande qu'on ne le trouve d'habitude dans les recherches de la durée vocalique. Un mauvais choix d'exemples peut être un facteur qui obscurcit le tableau, de même que la variabilité éventuelle de la position dans la phrase et le nombre restreint des sujets. Certains cas vont à rencontre de la tendance générale; les plus essentiels sont les suivants:

(1) [u] est remarquablement long devant [3] chez les quatre sujets. La théorie susdite qui se base sur l'extension et la complexité articulatoire pourrait expliquer l'allongement, vu la complexité de [3], et la distance entre les points vers lesquels la langue doit articuler. Cependant, rallongement est beaucoup plus prononcé que devant la correspondante sourde. Peut-être, tout simplement, que mon choix d'exemples explique l'allongement excessif.

(2) [e] est, dans la plupart des cas, une voyelle relativement brève, souvent de la même durée que [i y u]. Il diffère par là de [o], qui est, le plus souvent, plus long que [i y u]. La relation indiquée de [e] vaut pour AM sauf devant [v] et [z], pour CHH sauf devant [j*], pour ThM devant [f/v], ainsi que pour SM (mais, quand suivi de [3]: durée moyenne). A son tour, [œ] (suivi de [f / v]) diffère de la règle, étant parfois long, parfois bref. Ainsi il semble ici difficile de classer [e œ o] dans le même groupe, [e] doit plutôt être classé avec [i y u], pour lesquels la tendance de la moindre durée est évidente chez AM devant les sourdes, de même que devant [z] et [3] (sauf [u] devantf^]), chez CHF sauf [u] devant [3], et chez ThM, mais pas chez SM. - bn partant de la théorie susdite des relations entre les voyelles, on devrait s'attendre à une durée plus grande pour [s], vu son degré d'ouverture. La tendance d'abrègement du [e] n'est probablement pas due à un mauvais choix d'exemples, la tendance se manifestant dans chaque position. L'abrègement appartiendrait peut-être, de même que les deux points suivants, aux relations spécifiquement françaises.

(3) [0] (suivi de [s / z]) est, comme prévu, relativement long chez les
trois personnes (les exemples de SM ont été exclus à cause d'une délimitation

(4) [o] est parfois long, comme on s'y attendait, et parfois aussi bref. Le [o] de AM est plus long que [d] dans chaque position. Chez les trois autres, [o] est plus long que [o] devant [J], de même que devant [3] chez SM. — L'allongement du [pj et du [o] appartient certainement, comme il vient d'être mentionné, au système vocalique spécifique du français. L'explication la plus probable est peut-être celle qui se base

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sur la linguistique historique et qui considère l'allongement comme un
phénomène compensatoire.2B

Dans la syllabe inaccentuée, le degré d'ouverture est nettement le principe de classification quantitative le plus adéquat. Chez les quatre sujets, [a] est plus long que [i], et [o] plus long que [u] (sauf CHH suivi de [f] : [u] 7,3 es., [o] 7,2 es.) [i] et [u] forment un groupe de voyelles brèves en opposition à [o a] et [a] qui sont relativement longs. — Sans doute, la pénultième est-elle moins exposée à des variations que la dernière syllabe d'un groupe rythmique. 11 faut aussi se rendre compte qu'il ne s'agit que des voyelles extrêmes.

INFLUENCE DE LA CONSONNE SUIVANTE. I. SONORITÉ.

Les corrélations entre une consonne sourde (ou une occlusive) et une voyelle précédente relativement brève, et entre la consonne correspondantesonore (ou une fricative) et l'allongement de la même voyelle précédente ont été constatées depuis longtemps. Entre autres, A. Grégoir e29 et P. Delattre3o les ont démontrées quant au français, T. N. Tomàsquant à l'espagnol3l, E. A. Meyer quant à l'anglais32 et à l'allemand ,33 R.-M. S. Heffner,34 A. S. House,3s G. E. Peterson et I. Lehiste



28: Voir, par exemple, B. Malmberg Bemerkungen zum quantitativen Vokalsystem im modernen Franzósisch, Acta Linguistica 111, 1942-1943, p. 44-56, p. 48.

29: Influence des consonnes occlusives sur la durée des syllabes précédentes, Revue de phonétique I, 1911, p. 260-292.

30: a. Anticipation in the séquence: vowel and consonant-group, The Frcnch Review 13, 1939-1940, p. 314-320. b. La force d'articulation consonantique en français, The French Review 147 1940-1941, p.220-232.

31: op. cit. note 17.

32: op. cit. note 15.

33: op. cit. note 16.

34: a. Notes on the Lenght of Vowels, American Speech XlÍ, 1937, p. 128-134. b. (avec W. N. Locke) Notes on the Length of Vowels, II American Speech XV, 1940, p. 74-79. c. (avec W. P. Lehmann) Notes on the Length of Vowels, VI American Speech XVIII, 1943, p. 208-215.

35: op. cit. note 18, de même que The Influence of Consonant Environment upon thè Secondar)' Acoustical Charactcristics of Vowels, JASA 25, 1953, p. 105-113 (avec G. Fairbanks).

Side 37

ste,36 H. A. Rositzke,37 S. A. Zimmermann et S. M. Sapon3B quant à
l'américano-anglais.

Les résultats de l'étude présente n'échappent pas à la règle. En se basant sur les moyennes des voyelles, on voit un prolongement dans la syllabe accentuée, de même que dans l'inaccentuée, devant la fricativesonore (y compris les dévoisées de CHH et de ThM). Cet allongementcomprend peu d'exceptions, qui sont CHH [œ] accentué suivi de [f / v], CHH et ThM [u] inaccentué suivi de [f / v]. - L'allongement est d'une longueur assez variable. Dans la syllabe inaccentuée, il est plus grand chez AM et SM que chez CHH et ThM, et va chez AM de 0,6 es. à 17.0 es., prépondérance: 3-7 es. et 9-12 es., chez CHH de 0.3 es. à 7,0 es., prépondérance: 3-4 es., chez ThM de 0,9 es. à 7,6 es., prépondérance:3 es. et 5-6 es., et chez SM de 1,6 es. à 12,5 es., prépondérance:8-9 es. Dans la syllabe inaccentuée, où la fricative appartient à la syllabe suivante, l'allongement est minime, mais assez constant. Il va chez AM de 0,3 es. à 5,6 es., prépondérance: 2 es. et 5 es., chez CHH de 0,2 es. à 3,9 es., prépondérance: 1 cs.(?)-plutôt extension régulière, chez ThM de 0,7 es. à 5 es., prépondérance: 1 es. et 4 es., et chez SM de 0,7 es. à 5 es. L'allongement est dans l'ensemble moins évident pour [o a a] que pour les autres voyelles: une comparaison entre les mesures isolées montre qu'il y a un certain recouvrement pour une voyelle suivie d'une fricative sourde/sonore. Daiiî> la syllabe inaccentuée, il s'agit avant tout des combinaisons suivantes: AM, CHH, ThM: [o] + [f / vj, CHH, lhM, SM: [oj -+- [s / z], AM: [o] f [ j / s j, ThM. [a] -j- [f / v], AM. [a] + [s / z], CHH: [a] + [ J/3 ], AM: [a| + [J/3 ], ThM, CHH: [œ] +[f/ v], ThM: [0] +[f/ v], CHH: [y] +[J/3] et [e] +[s/ z]. C'est-à-dire qu'il s'agit surtout des voyelles qui sont, également devant la sourde, précisément des voyelles «longues». Chez tous les quatre, l'allongementdu [o] est le plus souvent peu considérable. De plus, une certaine tendance apparaît chez AM: plus la voyelle est longue devant une sourde, moins le prolongement devant une sonore est prononcé. - La signification n'est pas satisfaisante partout, ceci étant probablement dû en grande partie au nombre limité des mesures. - Dans la syllabe



36: Duration of Syllable Nuclei in English, JASA 32, 1960, p. 693-703.

37: op. cit. note 19.

38: Mate on Vowcl Duration Secn Cross-Lingnistically, JASA 1O; 1Q^8; p 152-153.

Side 38

inaccentuée, le recouvrement est encore plus grand, la différence entre
bref/long étant très restreinte.

Un calcul de rallongement proportionnel donne les résultats suivants:


DIVL821

L'allongement des voyelles montre une longueur variable, mais non pas fortuite, cet allongement étant en raison inverse des relations quantitatives des voyelles. Bien que l'ordre des durées vocaliques soit en gros le même devant les fricatives sourdes que devant les correspondantes sonores, les voyelles «brèves» tendent vers un allongement proportionnel plus grand que les «longues». - Dans la syllabe inaccentuée, les relations sont peu claires. La tendance susdite n'apparaît que pour les voyelles suivies de [3/J],

Les moyennes de [a] suivi des occlusives sont:


DIVL823

On voit que [a] est de quelques es. moins long devant les occlusives que devant fricatives. De plus, les moyennes montrent un allongement de [a] devant les occlusives sonores, moins grand chez CHH et ThM que chez AM et SM.

On a présenté des théories divergentes pour expliquer l'allongement
des voyelles devant les consonnes sonores, sans avoir peut-être encore
trouvé la meilleure. Ici, comme pour les relations entre les voyelles,

Side 39

on a attiré l'attention sur le principe compensatoire. Dans ses recherchesinstrumentales de 1911, A. Grégoire39 démontre une tendance assez constante des occlusives sourdes à abréger la syllabe précédente par rapport aux syllabes fermées par des correspondantes sonores. A. Grégoire compare ce phénomène à l'allongement dû aux fricatives. Pour expliquer ses résultats, A. Grégoire s'appuie sur ses mensurations de la fermeture des occlusives. L'articulation d'une sourde, dit-il, implique un effort plus grand que l'articulation des sonores. L'allongementde la fermeture des sourdes, prouvé par ses recherches, serait un nouveau signe de la différence d'énergie, et l'abrègement vocalique une compensation du temps qu'exige la préparation de la consonne.

E. Dieth,4o à son tour, propose une explication qui se base sur le principe compensatoire. D'après lui, le désir de donner une durée plus ou moins constante aux syllabes serait la vraie cause de l'allongement vocalique: voyelle longue + consonne brève, - et vice versa. 11 en trouve la justification pour les syllabes anglaises, mais E. Fischer- Jorgensen4l n'en trouve pas pour les syllabes danoises. -Un calcul de la durée des fricatives finales de l'étude présente affirme en gros sa théorie, les fricatives sourdes étant relativement longues, les sonores (y compris les dévoisées de CHH et de ThM) relativement brèves. Cependant, un examen des mesures a montré que le facteur compensatoire ne peut pas expliquer les cas particuliers: il ne vaut que pour les relations entre les groupes. La position finale étant assez variable, le* mesures montrent une diversité et un recouvrement considérable. Un grand nombre d'exemples a été exclu à cause d'une délimitation trop problématique. Ainsi les moyennes ci-dessous ne contiennent pas le même nombre que celles des voyelles. Vu la diversité et le nombre restreint des fricatives, les moyennes suivantes sont calculées sur la base de l'ensemble des voyelles suivies des différentes fricatives (la signification est partout satisfaisante, sauf pour AM: [ J/3 ]):

[f] M [s] [z] [J] [3] [f+s+J] [v +z+3] AM: 13,5 8,5 11,3 8,4 10,2 9,0 11,8 8,6 CHH: 9,1 6,6 9,4 6,6 9,1 7,8 9,2 7,1 ThM: 11,8 10,0 13,3 9,6 12,4 9,7 12,5 9,8 SM: 12,9 8,0 14,7 7,9 12,0 7,5 13,0 7,8



39: op. cit. note 29.

40: Vademekum der Phonetik, Bern 1950 § 517.

41: op. cit. note 26, p. 201.

Side 40

De plus, les durées des voyelles accentuées + consonne suivante sont calculées (seules les voyelles suivies des consonnes non exclues des calculs entrent dans ces moyennes). Toutes les combinaisons tendaient assez clairement à avoir la même durée, et les écarts de quelques es. semblaient fortuits.

Néanmoins, avant de discuter la validité du principe compensatoire comme facteur satisfaisant en soi, un examen plus exhaustif que celui qui précède serait nécessaire, et devrait comprendre un examen des voyelles suivies d'une occlusive, d'une nasale et d'une liquide, de même que les calculs devraient comprendre la durée de la consonne initiale de la syllabe. Si la durée syllabique dans ces positions-là diffère essentiellement de celle des voyelles suivies d'une fricative, la compensation ne peut plus expliquer les relations quantitatives.

Enfin, on peut mentionner que la durée des fricatives suivant les voyelles inaccentuées est mesurée. Les fricatives ne montrent aucun recouvrement et la diversité est beaucoup moins grande que celle des fricatives finales. Les moyennes sont:


DIVL825

La position diffère par le fait que les fricatives ne ferment pas la syllabe inaccentuée, elles sont initiales dans la syllabe finale (accentuée). Néanmoins, elles ont, dans une certaine mesure, influencé la durée des voyelles précédentes dans la même direction que les fricatives finales. On aura du mal à expliquer les différences, si minimes qu'elles soient, des voyelles inaccentuées, à cause des consonnes qui n'appartiennent pas à la syllabe par une théorie alléguant une durée syllabique fixe, et fondant cette homogénéité sur le principe compensatoire.

De même, P. Delattre,42 qui dans ses recherches instrumentales démontreun allongement significatif des voyelles françaises suivies d'une fricative ou d'une occlusive sonore, appuie son explication sur la compensation.D'après lui, la quantité vocalique dépend, non pas du temps, mais de l'effort musculaire qu'exige la consonne suivante. Si une consonneexige un certain effort articulatoire, on anticipe cet effort-là en



42: op. cit. note 30.

Side 41

abrégeant la voyelle précédente. Si la consonne est relativement faible, la voyelle peut s'allonger, l'effort anticipant étant moindre. P. Delattre définit l'effort articulatoire comme l'ensemble d'énergie qu'exige un son (par exemple expiration, tension musculaire, pression). Mais bien que sa classification des occlusives et des fricatives en groupes «fortes» [p t k f s f] et «lenes» [b d g v z 3] corresponde à l'opinion courante, son principe de division repose sur un cercle vicieux: vu la complexité et la précarité d'un examen éventuel de la dépense totale d'énergie, P. Delattre préfère arguer justement de l'influence des consonnes sur la voyelle précédente, une consonne forte étant celle qui suit une voyelle brève, - et vice versa.

Une présentation analogue du principe compensatoire a été proposée par O. von Essen en 1934,43 et reproduite en 1953.44 En s'appuyant sur la pression d'air élevée et la sourdité du [p] dans une prononciation soignée du mot «Suppe» comparée à la moindre pression et à la sonorité du [p] dans une prononciation négligée du même mot, O. von Essen croit constater une tendance à une dépense d'énergie constante des différents organes. Une critique de sa théorie se trouve dans un ouvrage de E. Fischer-Jorgensen de 1963,45dans lequel l'explication des différences s'oppose à celle de O. von Essen. Il semble invraisemblable, dit-elle, que les deux prononciations aient exigé la même dépense d'énergie. La sonorité du [p] exprime sans doute justement la négligence et s'explique par une fonction assimilatoire: continuer la sonorité de la voyelle à travers la consonne exige moins d'énergie que de faire une interruption entre deux sons sonores. - En outre, E. Fischer-Jorgensen pose le problème de l'aptitude des mesures: les différentes propriétés n'étant pas comparables entre elles, (par exemple, sonorité du [b] français égale à pression d'air, durée, pression organique du [p] français), il faudrait tout d'abord faire des mesures électromyographiques ou des mesures de l'énergie de l'innervation. Cependant, cette difficulté ne suffit pas en soi à faire écarter la théorie de O. von Essen, ainsi que l'a signalé E. Fischer-Jorgensen.

Chez E. A. Meyer,46 l'explication s'appuie non pas sur l'effort articulatoircainsi



43: Das Kompensationsprinzip beim Sprechvorgang, Vox 1934, p. 67-107.

44: Allgemeine und angewandte Phonetik, (p. 82-82).

45: Beobachtungen über den Zusammenhang zwischen Stimmhaftigkeit und intraoralem Luftdruck, Zeitschnft fur Phonetik. Sprachwissenschaft und Kommunikationsforschung 16, 19*5?, p. 19-36.

46: op. cit. note 15.

Side 42

culatoircainsique l'ont défini P. Delattre et O. von Essen, mais sur la tension organique de la consonne en question. Une voyelle brève est suivie par une consonne tendue, - et vice versa. Selon Meyer, le critère qui détermine la tension consonantique est la sensation subjective, ce qui ne peut jamais être un fondement satisfaisant. Le désir d'une diminutiongraduelle de la tension organique expliquerait les relations quantitatives:pour obtenir une telle diminution, il faut que l'articulation vocalique soit interrompue par la consonne tendue à un moment où la tension organique est relativement forte, tandis qu'une consonne faible n'intervient qu'à un moment où l'énergie de la voyelle a diminué sensiblement,c'est-à-dire à un stade plus tardif de l'émission de la voyelle. - Abstraction faite de la vérification problématique de l'ensemble de l'énergie, l'idée même d'un désir d'une diminution graduelle ne peut être qu'une hypothèse malaisément démontrable.

Dans son ouvrage de 1963 cité ci-dessus,47 E. Fischer-Jorgensen a proposé une théorie divergente, basée sur des mesures de pression d'air, pour expliquer le prolongement vocalique devant les consonnes sonores. Elle démontre que pour les consonnes sourdes danoises et allemandes, la pression d'air s'accroît dès la fin de l'émission de la voyelle précédente,tandis qu'une telle augmentation n'a pas lieu devant les correspondantessonores, ou, si l'augmentation a lieu, elle est minime. L'explicationdu jet d'air plus fort pourrait être un souffle pulmonaire vigoureux ou une modification des vibrations des cordes vocales, une anticipation de la position qu'elles ont à la phase de la consonne sourde: puisque la fonction de succion des cordes vocales diminue à cause de la pression supra-glottique élevée, les phases d'ouverture des vibrations se prolongent, ce qui permet à l'air de passer en plus grande quantité, d'où une nouvelle augmentation de la pression, etc. La conséquence pour la durée vocalique serait un raccourcissement de la voyelle, dû à la cessation des vibrations par l'égalisation des pressions sub- et supraglottique.-En 1964, E. Fischer-Jorgensen4B complète sa théorie par l'hypothèse suivante: l'innervation des différents sons a lieu à un momentdonné après le son précédent, et la cause de l'abrègement vocaliquedevant une consonne sourde serait une innervation plus forte, qui serait responsable du mouvement anticipé. — La théorie de E. Fischer-Jorgensen expliquerait peut-être le moindre allongement proportionneldes



47: op. cit. note 45.

48: op. cit. note 26.

Side 43

portionneldesvoyelles de CHH et de ThM devant leurs consonnes sonores, qui sont, en grande partie, des dévoisées par rapport à l'allongementdes voyelles de AM et de SM. D'autre part, leur voyelles laissent apparaître des durées inférieures à celles de AM et de SM devant les consonnes sourdes aussi.

Enfin on peut mentionner la théorie de M. Halle et K. Stevens49 et de N. Chomsky et M. Halle,so d'après lesquels l'allongement vocalique serait un délai dû au temps qu'exige l'ajustement des cordes vocales à la position des vibrations consonantiques. Une réfutation de leur théorie se trouve dans «Voicing, Tenseness and Aspiration in Stop Consonants, with Special Référence to French and Danish» de E. Fischer- Jorgensen,sl qui affirme (p. 105) que l'ajustement peut être une conséquence mécanique du rétrécissement articulâtoire, et qui ne voit pas pourquoi cet ajustement ne pourrait pas se produire au cours de la voyelle précédente, ainsi que c'est le cas pour les consonnes sourdes. Deux preuves en seraient, d'après E. Fischer-Jorgensen: (I) le maintien d'une influence allongeante sur la voyelle précédente de [b d g v z 3] français dévoisés par assimilation à une consonne suivante,s2 (2) le fait que CHH et ThM de l'étude présente, qui ont d'habitude des [v z 3 ] dévoisés, conservent l'allongement devant ces consonnes-là. De même, on n'a pu constater aucune relation pour les deux sujets entre la durée d'une voyelle et la plus ou moins grande partie de sonorité qu'a éventuellement conservée la consonne suivante.

11 ressort de ce qui précède que l'accord ne s'est pas encore fait sur la cause de l'allongement vocalique devant les occlusives et les fricatives sonores, et que les opinions sont même fort divisées. Un éclaircissement des rapports causals des relations quantitatives de l'opposition sourde/sonore des occlusives et des fricatives serait peut-être d'un certain intérêt pour expliquer l'allongement vocalique.

INFLUENCE DE LA CONSONNE SUIVANTE. II. LIEU D'ARTICULATION.

Bien des recherches ont montré que non seulement la différence entre



49: On thè Mechanism of dottai Vibration for Vowels and Consultants, MIT QPR no. 85, p. 267-270.

50: The Sound Pattern of English, New York, Evanston, London. 1968.

51: Annuat Report of llie Insliiule of Piwneiics of ihe Umvtrsily of Copenhngen 3. 1968. p. 63-114.

52: constaté par O. M. Thorsen, op. cit. note 13.

Side 44

sourde/sonore (fortis lenis), mais aussi les différences du lieu d'articulationde la consonne en question jouent un certain rôle pour la durée vocalique. Dans son ouvrage précité de 1964/>:î E. Fischer- Jorgensen rend compte des résultats obtenus jusque-là à cet égard. Pour les détails, je renvoie à son article. Ici ne seront présentés que les théories et les résultats essentiels. D'après P. Delattre/'4 les voyelles sont relativement brèves devant les consonnes qui sont articuléesen avant de la bouche. P. Delattre explique ceci comme une compensation d'énergie: les voyelles sont brèves devant les consonnes qui exigent un effort articulatoire relativement grand, et longues devant les consonnes dont l'effort articulatoire est moindre. Cependant son critère pour déterminer cet effort-là est, de même qu'on vient de le voir pour l'allongement vocalique devant les consonnes sonores, justement la durée de la voyelle précédente, c'est-à-dire qu'il procède d'un cercle vicieux.

D'après E. Fischer-Jorgensen, les mesures de P. Delattre correspondent en gros à celles de I. G. Peterson et I. Leniste"'s effectuées sur les voyelles anglaises, de même qu'à celles de S. A. Zimmermann et S. M. Sapons6 effectuées sur les voyelles espagnoles, tandis que les voyelles anglaises de ceux-ci diffèrent de la règle.

Dans une étude de A. S. House et G. Fairbanks,s7 les voyelles sont plus brèves devant consonne dentale que devant labiale et vélaire, mais d'après une étude postérieure de A. S. House,sB la différence est assez faible et peu constante.

De plus, E. A. Meyers9 constate un allongement du [a] allemand suivi de consonne dentale par rapport à sa durée devant les labiales et les vélaires. et F. Falc'hun.tiU un allongement devant les occlusives vélaires qui correspond aux résultats de W. P. Lehmann et R. M.-S. Heffner.6l Selon ces trois derniers, les voyelles sont plus brèves devant



53: op. cit. note 26.

54: Some Factors oj Vowel Duration and their Cross-linguistic Validity, JASA 34, 1962, p. 1141-1143.

55: op. cit. note 36.

56: op. cit. note 38.

57: op. cit. note 35 The Influence . . .

58: op. cit. note 18.

59: op. cit. note 16.

60: Le système consonantique du Breton avec une étude comparative de phonétique expérimentale, 1951. p. 109 et suivantes.

61: op. cit. note 34 c.

Side 45

dentale sourde que devant labiale sourde, tandis que les relations
varient devant les sonores (E. Fischer-Jorgensen, p. 176).

L'explication de W. P. Lehmann et R. M.-S. Heffner de l'influence du lieu d'articulation de la consonne suivante est peu convaincante. En s'appuyant sur «Relative Frequency of English Speech Sounds» (Cambridge, Mass., 1923) de Godfrey Deweys, ils affirment que l'essentiel serait la facilité pour les sujets parlants d'articuler les consonnes en question à cause de leur fréquence dans la langue envisagée. Mais «Relative Frequency of English Speech Sounds» avait vingt ans au moment où ils s'en sont servi, et, de ce fait, ne reflète peut-être plus la situation actuelle. De même, il ne contient pas que des consonnes finales, ainsi que c'est le cas pour l'étude de Lehmann et Heffner, mais il contient aussi des consonnes initiales et mediales. De plus, des apparitions individuelles de mots particuliers peuvent jouer un rôle, de même que la connaissance de langues étrangères compliquerait l'image.

D'après E. Fischer-Jorgensen,62 la tendance: voyelle vélaire >> voyelleantérieure est plus évidente devant les consonnes dentales que devant les consonnes vélaires et labiales,63 tandis qu'elle ne voit pas une telle affirmation pour les voyelles de W. P. Lehmann et R. M.-S. Heffner. Dans son étude de 1964, E. Fischer-Jorgensen a obtenu les résultats suivants pour les combinaisons [i y u] + [b d g] : [i] plus long devant Ig| et [bj que devant |dj, |yj plus long devant LgJ que devant LbJ et |_dj, fui plus long devant [d] et moins long devant [b] que devant [g]. Les mesures des consonnes après voyelle montrent que les différences de [i y u] suivis de labiale, dentale, et vélaire pourraient s'expliquer par une compensation de durée, mais, ainsi que l'a signalé E. Fischer-Jorgensen,64 une explication basée sur le principe compensatoire n'est pas en soi une preuve suffisante, les vrais rapports causals n'étant pas démontrés. - D'ailleurs, [f/v] de l'étude présente ne sont pas plus longs que [s/z] et f JVsL bien que les voyelles précédentes soient relativement brèves devant [f/v]. - En tenant compte de la coarticulation, facteur qu'a négligé A. Maack (c'est-à-dire que, par exemple, la préparation d'une consonne labiale a lieu au cours de la voyelle précédente, et qu'elle ne prolonge pas par là la voyelle), et en tenant compte du fait que le dos de la langue articule moins vite que sa pointe, E. Fischer-Jorgensen



62: op. cit. note 26.

63: op. cit. note 8.

64: op. cit. note 26, p. 203.

Side 46

DIVL872

Fig. 1. Mingogramme de la phrase « On l'entend qui tousse mais on ne le voit pas ». 1. Oscillogramme duplex. 2. Intensité linéaire. 3. Intensité logarithmique (sans filtre). 4. Fréquence fondamentale (filtre passe-bas 90 cps., filtre passe-haut 60 cps.).

trouve une conformité parfaite avec la règle qu'un mouvement long et compliqué exige plus de temps qu'un mouvement restreint et peu compliquépour les relations susdites de [i y u] -f- [b d g]. De même que son explication du prolongement vocalique devant les consonnes sonores(voir p. 42), cette façon de voir implique (E. Fischer-Jorgensen,1964, p. 205) que l'innervation de la consonne a lieu à un moment fixe après l'innervation de la voyelle précédente, et que l'exécutiondépend de l'extension et de la complexité du mouvement exigé. - Ainsi les deux théories concordent.

Une observation des moyennes des voyeiies accentuées de l'étude présente (p. 34) montre que les voyelles suivies de [f/v] sont relativement brèves, celles suivies de [J/3] le plus souvent relativement longues, [a] accentué suivi d'une occlusive sourde tend à être le plus long devant [k], tandis que les relations devant [p] et [t] varient. Suivi des occlusives sonores, [a] est relativement bref devant [b], et les relations devant [d] et [g] varient. - Les voyelles inaccentuées suivies de fricatives sonores (il n'y a que [i u o] à se trouver devant les trois types de consonnes) (p. 34) tendent à être les plus brèves devant [v] (les seules exceptions étant CHH: [u] plus long devant [v] que devant [z], ThM: [i] plus long devant [v] que devant [z]). De plus, elles tendent à être les plus longues devant [3], tandis que les relations devant les correspondantes sourdes (p. 34) sont peu claires.

Side 47

DIVL875

Fig. 2. Mingogramme de la phrase « Sa femme se repose mais pour peu de temps ». 1. Oscillogramme duplex. 2. Intensité linéaire. 3. Intensité logarithmique (filtre passe-bas 500 cps.). 4. Fréquence fondamentale (filtre passe-bas 150 cps., filtre passe-haut 100 cps.).

La moindre durée devant labiales s'explique par la coarticulation: pour arriver à la position de [f / v], qui peuvent être arrondis ou nonarrondis selon les sons voisins, il ne faut qu'un mouvement labial qui se produit indépendamment de la position de la langue. De même, l'allongement devant [J/3] peut être escompté vu la complexité du mouvement articulâtoire: creusement et élévation de la langue, de même qu'un avancement des lèvres. - Bien que la théorie qui veut que l'articulation des sons impliquant un mouvement large et difficile dure plus longtemps, soit en gros justifiée par l'étude présente, un examen des combinaisons particulières de voyelle -f- consonne ne donne pas un image très claire. Des recherches comprenant un nombre élevé d'exemples dans chaque position seraient souhaitables, et donneraient probablement des résultats plus évidents.

INFLUENCE DE LA CONSONNE PRÉCÉDENTE.

Le rôle que joue une consonne précédente pour la durée vocalique est peu clair. Les différences qu'on a pu constater sont le plus souvent restreintes, et les recherches ne les justifient pas toutes. L'étude présente ne renfermant pas d'exemples adéquats a un examen de la sorte, je n'indiquerai que les théories et les résultats essentiels sans les contrôler de plus près.

Side 48

DIVL909

Fig. 3. Mingogramme de la phrase « II est dans sa cage mais ça ne se voit pas ». 1. Oscillogramme duplex. 2. Intensité linéaire. 3. Intensité logarithmique (filtre passe-bas 500 cps.). 4. Fréquence fondamentale (filtre passe-bas 150 cps., filtre passe-haut 100 cps.).

Dans son ouvrage de 1903, E. A. Meyer6s ne trouve pas d'influence marquée d'une consonne précédente sur la durée vocalique. De plus, G. E. Peterson et I. Leniste66 signalent qu'une telle influence paraît insignifiante. L'influence éventuelle due à la différence: consonne initialesourde/sonore a été examinée par R. M.-S. Heffner et W. P. Lehmann ,67 selon lesquels un allongement vocalique après la consonne sonore n'est pas vraisemblable. En revanche, H. A. Rositzke6B constate une moindre durée après [p t k] qu'après [b d g], et l'interprète comme une compensation due à la différence d'énergie des consonnes: l'énergie considérable de la fermeture de [p t k] serait compensée par un abrègementde la voyelle suivante, l'énergie plus faible de celle de [b d g] par un allongement de la voyelle. A. Maack69 constate une influence opposée de la consonne initiale, ce qui est probablement une question de délimitation sur les courbes.7o La tendance a été prouvée par des



65: op. cit. note 15.

66: op. cit. note 36.

67: a. Notes on the Length of Vowels, 111 American Speech XV, 1940, p. 377-380. b. A Note on the Vowel Length in American Speech, Language XVI, 1940, p. 33-47 (seulement R. M.-S. Heffner).

68: op. cit. note 19.

69: op. cit. note 27.

70: op. cit. note 26, p. 205.

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DIVL912

Fig. 4. Mingogramme de la phrase « C'est lui qui l'achève malgré mes conseils ». 1. Oscillogramme duplex. 2. Intensité linéaire. 3. Intensité logarithmique (filtre passe-bas 500 cps.)- 4. Fréquence fondamentale (filtre passe-bas 90 cps.), filtre passe-haut 100 cps.).

recherches sur les voyelles danoises par E. Fischer-Jorgensen.n La cause du raccourcissement vocalique pourrait bien être une compensationd'énergie due à la force de l'expiration des consonnes précédentes,et pourrait ainsi, peut-être, expliquer l'abrègement d'une voyelle après une occlusive sourde française,72 la différence de durée vocalique étant plus grande que la différence de l'intervalle entre l'explosion de l'occlusive et la voyelle suivante, contrairement, par exemple, au danoisoù l'abrègement vocalique après une consonne sourde et aspirée s'expliquerait par un retard des vibrations des cordes vocales dû au jet d'air vigoureux (cf. son explication de l'abrègement vocalique devant les consonnes sourdes, p. 42).

Le lieu d'articulation de la consonne initiale influe sur la durée vocalique dans la même direction que celui de la finale, mais l'influence est moins évidente pour l'initiale que pour la finale.73 C'est-à-dire qu'une telle influence s'expliquerait par le mouvement articulatoire qui est nécessaire pour arriver de la position de la consonne initiale à celle de la voyelle.

Comme mentionné, il n'a pas été tenu compte d'une influence éventuellede
la consonne initiale pour expliquer les relations quantitatives



71: op. cit. note 26, p. 202.

72: op. cit. note 51, p. 88.

73: op. cit. note 26, p. 207.

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des voyelles dans l'étude présente. Ainsi on ne peut pas exclure qu'une
telle influence puisse expliquer quelques-unes des différences quantitativesminimes.

CONCLUSION.

Les conclusions les plus importantes qu'on peut tirer de l'étude présente
sont les suivantes:

La tendance générale des relations quantitatives entre les différentes voyelles est en gros justifiée, c'est-à-dire que les voyelles fermées sont, cœteris paribus, relativement brèves, et la durée proportionelle au degré d'ouverture. Ces relations s'expliquent par une considération des mouvements articulatoires, un mouvement facile exigeant moins de temps qu'un mouvement grand et compliqué. La théorie s'applique aussi à l'explication du rôle que joue la différence des points d'articulation de la consonne suivante: les voyelles sont relativement brèves devant [f / v], et relativement longues devant [ J" / 3].

Quelques tendances opposées se sont présentées: [u] est assez long devant [3], ce qui s'explique par la complexité articulatoire de [3] ou par mon choix d'exemples, [e] est relativement bref, [0] et [o] sont relativement longs, probablement à cause d'un allongement compensatoire

De plus, les voyelles sont allongées devant les fricatives sonores (de même que devant les dévoisées) par rapport à la durée devant les correspondantes sourdes, l'allongement étant moins évident pour [o a a] que pour les autres voyelles. Proportionnellement, l'allongement est en raison inverse des relations quantitatives constatées entre les voyelles.

- Non seulement les voyelles accentuées sont allongées devant une fricative sonore, mais les voyelles inaccentuées présentent un allongement constant, bien que minime. - Une explication plausible de l'allongement devant consonne sonore est celle qui se base sur l'augmentation de la pression d'air à la fin des voyelles suivies de consonne sourde, et qui veut que cette augmentation soit la cause de la suspension des vibrations des cordes vocales, et abrège par là la voyelle en question.

Une influence sur la durée vocalique due à la consonne précédente
n'a pas pu être constatée dans ces matériaux.

Enfin, on peut relever un allongement des fricatives sourdes (ainsi que
des dévoisées) par rapport aux correspondantes sonores, plus évident à
l'initiale de la syllabe accentuée qu'à la finale, de même qu'un allongementdu

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mentdu[a] accentué devant une occlusive sonore par rapport à sa
durée devant la correspondante sourde, allongement qui est moindre
que celui qui a lieu devant les fricatives sonores.

Karen Landschultz

COPENHAGUE

RÉSUMÉ

Des mesures effectuées sur des mingogrammes représentant les voyelles françaises justifient grosso modo la tendance générale: une voyelle fermée est assez brève, et sa durée proportionnelle au degré d'ouverture (sauf[f]qui est assez bref, et [0] et [o] qui sont assez longs). Explication plausible: plus le mouvement est facile, moins il exige de temps. Cela explique aussi l'influence du point d'articulation de la consonne suivante. - De plus, l'étude justifie l'allongement vocalique devant une fricative sonore (éventuellement dévoisée), allongement qui est proportionnellement en raison inverse des relations constatées entre les voyelles. Nous adhérons à une explication qui se base sur l'augmentation de la pression d'air constatée à la fin d'une voyelle suivie d'une consonne sourde: les vibrations des cordes vocales sont suspendues, d'où un abrègement de la voyelle. - Enfin, on a relevé un allongement des fricatives sourdes.