Revue Romane, Bind 4 (1969) 2Bjarne Westring Christensen(20/8 1939 — 4/5 1969) Henning Spang-Hanssen Ebbe Spang-Hanssen Bjarne Westring Christensen fut un des jeunes espoirs de la linguistique danoise. Il n'était plus seulement le brillant élève plein de promesses; il avait déjà donné des preuves de son grand talent pour la recherche scientifique quand la maladie l'enleva à l'âge de 29 ans. Chez lui, la curiosité scientifique s'alliait à des connaissances très solides. Bien qu'il se fût orienté très tôt vers la linguistique théorique, il avait fait des études approfondies de la plupart des aspects des lettres françaises: philologie, grammaire, phonétique, histoire de la littérature, critique littéraire, etc. Il était tout le contraire d'un spécialiste étroit. Il s'intéressait passionnément aux grands problèmes philosophiques et politiques de notre époque. Sa force de pénétration et sa rare capacité de travail lui permettaient d'aborder les problèmes les plus divers sans jamais tomber dans le superficiel. Si l'on joint à cela ses autres qualités humaines, parmi lesquelles il faudrait surtout relever son obligeance et sa totale franchise, on comprend qu'il semblait appelé à jouer un rôle de premier plan dans la vie universitaire de son pays. Leu travaux linguistiques de Bjarne Westring Ckrisienì>en montrent son goût pour l'application des théories générales à des matériaux concrets, aussi bien en vue d'une description complète et précise des phénomènes linguistiques qu'en vue d'une évaluation des théories. Appartenant lui-même à la troisième génération des structuralistes danois, il continua, à cet égard, dans une des directions indiquées par le structuralisme de la deuxième génération, notamment par Structure immanente de la langue française de KnudTogeby (1951). Westring Christensen choisit comme champ de ses recherches les combinaisons des phonèmes et des graphèmes en français moderne, problèmes qu'il traita dans trois articles importants (Acta Linguistica Hafniensia, tome 9 (1965) pp. 77-101 et tome 10 (1967) pp. 217-40; Revue Romane, tome 1 (1966) pp. 24-45). Ces articles prouvent non seulement son aptitude à comprendre et à juger les théories des autres, mais encore ses dons pour combiner et développer les théories de manière à les rendre adéquates à la description des phénomènes qu'il étudiait. Son point de départ était la théorie glossématique, mais il sut y allier les possibilités offertes par les méthodes quantitatives. Dans ses derniers travaux il s'intéressa aussi à la recherche d'algorithmes en linguistique, impressionné qu'il était par la rigueur des systèmes de règles proposés par l'école transformationaliste. Il accordait une grande importance à l'idée même d'une grammaire generative, idée dont il trouvait l'expression aussi bien dans la glossématique que chez Chomsky. Son souci constant de joindre la théorie à la pratique fut également profitable à son enseignement de phonétique et de syntaxe française à l'Université de Copenhague; il ne négligeait aucun aspect de l'enseignement, fût-ce le plus humble, mais tout ce qu'il faisait était marqué par ses convictions théoriques. Il compléta sa propre formation de linguiste en ajoutant un certificat de philosophie aux titres déjà acquis dans le domaine de la philologie romane. Dans son tout dernier travail Glossématique, linguistique fonctionnelle, grammaire generative et stratification du langage, (Word, vol. 13, 1968, pp. 57-73), on peut voir avec quelle ingéniosité il savait comparer des théories apparemment très différentes pour examiner leur compatibilité. Cet effort éminemment constructif pour évaluer et, si possible, combiner les différentes théories - au lieu de remplacer simplement la théorie d'une école par celle d'une autre - est un des traits les plus prometteurs chez les linguistes de la jeune génération. Bjarne Westring Christensen fut un des meilleurs représentants de cette tendance, et l'on avait fondé de grands espoirs sur lui pour la réorganisation et pour le développement des études de linguistique générale à l'Université de Copenhague; luimême désirait ardemment pouvoir bientôt se consacrer tout entier à ce travail. Sa perte sera durement ressentie par les étudiants, par ses collègues et par ses nombreux amis. COPENHAGUE
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