Revue Romane, Bind 4 (1969) 1PETER RONGE : Polemik, Parodie und Satire bei Ionesco. Berlin-Zürich, Verlag Gehlen, 1967, 232 p.Anita Garde Side 111
Peter Ronge s'est
proposé un examen approfondi de la position critique de
lonesco Dans la première, Peter Ronge résume la conception qu'a lonesco du théâtre, telle qu'elle apparaît dans ses Notes et contre-notes, ouvrage sur lequel Peter Ronge s'appuie. lonesco s'est fait homme de théâtre, parce que, pour lui, la scène est le seul lieu où absolument rien ne se passe. Aussi attaque-t-il d'autant plus les tenants du théâtre engagé, lesquels répandent leurs théories idéologiques au nom de l'art. Une œuvre d'art est une œuvre d'art, rien d'autre. L'auteur analyse, dans la seconde partie de son étude, les deux premières pièces de lonesco avec les données de son examen préliminaire comme point de départ. Il choisit La Cantatrice chauve, car de son opinion cette œuvre est une parodie de tout théâtre. Peter Ronge montre que ce qui est nouveau dans ce théâtre n'est pas tant sa forme anti-réaliste que l'intention, ici réalisée, d'écrire une parodie sur la structure logique du théâtre traditionnel, tt comme lonesco n'a pu poursuivre dans cette voie, qui, selon Peter Ronge, se clôt sur La Cantatrice chauve, il s'est tourné vers une autre esthétique, celle de La Leçon. Malgré les incohérences et l'espérance Side 112
toujours avortée de trouver des raisons d'agir, La Leçon n'est pas la parodie d'une structure logique. On y trouve, en effet, les éléments du théâtre conventionnel, mais ceux-ci ne servent que de soutien à la tension dramatique, en créant la progressiond'une passion sans objet. Pour ce qui est
de l'interprétation même de La Cantatrice chauve, il me
semble (cette pièce est
devenue) une anti-pièce, c'est-à-dire une vraie parodie
de pièce, il ne veut pas entendre par là que son intention ait été de parodier le théâtre traditionnel. Au contraire, l'auteur nous avoue que, fortuitement, ces mots qui pour lui ne sont que «des écorces sonores, dénués de sens» (ib. 159), sont devenus une pièce, une anti-pièce. Néanmoins, fidèle à son principe, lonesco ne trouve aucun inconvénient à ce que ses spectateurs interprètent la pièce à leur gré, mais pour lui il s'agit,
surtout, d'une sorte de petite bourgeoisie universelle,
le petit-bourgeois En ce qui
concerne l'opposition que Peter Ronge fait entre La
Cantatrice chauve La Cantatrice chauve aussi bien que La Leçon: .. . Toute intrigue, toute action particulière est dénuée d'intérêt. Elle peut être accessoire, elle doit n'être que la canalisation d'une tension dramatique, son appui, ses paliers, ses étapes. Il faut arriver à libérer la tension dramatique sans le secours d'aucune véritable intrigue, d'aucun objet particulier, (ib. 160) Dans la troisième partie, Peter Ronge démontre comment lonesco, avec L'lmpromptu de l'Aima, rompt avec ses propres prétentions. Lui qui insiste sur ce qu'une pièce de théâtre doive naître d'un état affectif et surgir des profondeurs de l'âme (cf. ib. 126), compose lui-même une œuvre traitant un thème purement intellectuel. lonesco y attaque les prosélytes et les partisans d'autres formes théâtrales que la sienne, et tombe ainsi dans son propre piège. Ce qu'il reproche aux «Brechtiens», c'est précisément d'être des terroristes en ne reconnaissant qu'une seule et unique forme de théâtre: le théâtre didactique. A la fin de sa pièce, lonesco doit se rendre à l'évidence et admettre que «ne pas être docteur, c'est encore être docteur.» (L'lmpromptu, Théâtre 11, Gallimard 1959, p. 57). Peter Ronge examine soigneusement cette œuvre et nous révèle comment lonesco a copié presque entièrement son texte sur des articles de trois critiques: Bernard Dort, Roland Barthes et J.-J. Gautier (dans la pièce Bartholoméus I, II et III). Cette partie de l'étude de Ronge est la plus intéressante, car l'auteur y confronte le texte de lonesco à «l'original». Ce qui prouve que lonesco n'a pas tort de dire dans sa pièce «que le texte en très grande partie est puisé dans les écrits des docteurs ici présents.» (ib. 55). Vers la fin de L'lmpromptu, l'auteur vient lui-même sur scène prendre la parole: les critiques prétendent diriger ou tyranniser la création artistique, alors qu'ils devraient tout apprendre du créateur et ne juger une pièce que selon les lois mêmes de l'expression artistique. Side 113
II est difficile de dégager les intentions de Peter Ronge dans son livre: ou bien il a voulu nous exposer la querelle entre lonesco et les critiques, ou bien il s'est attaché à approfondir la dramaturgie de l'auteur. Il n'est pas possible d'aboutir à une conclusion précise en partant de données aussi disparates, dont les éléments ne puissent servir qu'à l'élucidation de L'lmpromptu de l'Aima. Cette pièce occupant une place tout à fait à part dans la production de lonesco, je ne pense pas que le livre de Peter Ronge puisse intéresser beaucoup de monde. lonesco a exposé les mêmes idées - et cela avec beaucoup plus de clarté - dans ses Notes et contre-notes et c'est peut-être pourquoi les critiques français ne montrent que peu d'intérêt pour L'lmpromptu, qu'ils doivent juger peu attachant du point de vue de l'art théâtral. L'étude de Peter Ronge ne contribue pas à éclairer les rapports de lonesco avec la critique, car tout ce qui peut être dit là-dessus se trouve déjà dans Notes et contre-notes. Voilà pourquoi il me paraît difficile de comprendre ce qui a amené Peter Ronge à entreprendre cette analyse, qui, pour détaillée qu'elle soit, traite d'un sujet qui ne méritait pas des recherches aussi approfondies. A plus forte raison quand on sait que Llmpromptu de l'Aima est qualifié par son auteur de «mauvaise plaisanterie» (Notes et contre-notes, p. 108)! COPENHAGUE
|