Revue Romane, Bind 4 (1969) 1

LEIF SLETSJÖE: Le Mystère d'Adam. Edition diplomatique accompagnée d'une reproduction photographique du manuscrit de Tours et des leçons des éditions critiques. Bibliothèque française et romane. Série D: Initiation, textes et documents, n° 2. Paris, Klincksieck, 1968, xii + 89 p.

B. Munk Olsen

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Le texte du Mystère d'Adam n'a pas été délaissé par les médiévistes: depuis 1854 huit éditions ont vu le jour, et nous voici en présence de la neuvième édition qui est tout à fait différente des précédentes: elle ne veut pas donner un texte «lisible», mais bel et bien la teneur du manuscrit unique (Tours, Bibl. mun., n° 927). Elle comprend une reproduction photographique des feuillets 20 à 40, qui contiennent le plus ancien drame religieux français, une transcription du texte et une liste de toutes les leçons dans toutes les éditions antérieures qui s'écartent du texte du manuscrit; c'est un relevé extrêmement minutieux qui tient compte des moindres détails (division de la scriptura continua, emploi des signes diacritiques, de l'apostrophe,de certains signes de ponctuation, etc.); on est très impressionné par cette accumulation de leçons qui doit être propre surtout à imprégner les étudiants d'un certain scepticisme à l'égard des éditions qu'ils utilisent. Sous ce point de vue elle n'est certes pas inutile: nous avons toujours fait crédit à l'édition récente de M. Paul Aebischer1, et cela d'autant plus que le critique déclare avec emphase dans l'introduction,en faisant le procès des éditeurs précédents, qu'il a préféré s'en tenir au texte du manuscrit de Tours qu'il a examiné et collationné quatre fois sur place (p. 9-10). Or la liste de M. Sletsjôe permet de découvrir que, même si on laisse de côté les détails de présentation et les émendations commentées dans les notes en



1 : «Textes littéraires français», n° 99 i1963).

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bas des pages, il a réussi à s'écarter du manuscrit, qu'il prétend avoir copié fidèlement,plus de soixante fois (sur 944 vers). Nous croyons pourtant qu'il aurait été plus pédagogique de présenter toutes ces leçons d'une manière plus synthétique de façon que les endroits vraiment intéressants ne soient pas noyés dans la foule des variantes banales. En tout cas il aurait été utile de marquer, par un astérisque ou par un autre signe, les émendations voulues afin de les distinguer des simples inadvertances qui montrent seulement que les éditeurs ont travaillé trop vite sans se donner la peine de contrôler leur copie ou bien qu'ils n'ont jamais vu le manuscrit.

La transcription, très soigneuse, du texte est surtout destinée à faciliter la lecture des fac-similés, mais puisque M. Sletsjôe s'est donné tant de mal et qu'il a déchiffré le manuscrit avec une si grande compétence, il aurait pu aussi bien donner une vraie édition diplomatique, une «édition définitive», en s'inspirant par exemple des méthodes et des travaux remarquables du groupe du Scriptorium2. Dans sa forme actuelle l'édition est loin d'avoir épuisé tous les détails intéressants que cache le manuscrit de Tours: la question des encres n'est traitée qu'incidemment dans une note à la fin du volume; pour les corrections, les ratures, etc. le lecteur est renvoyé simplement à la reproduction photographique; l'éditeur fait allusion à la possibilité d'une deuxième main, responsable de certaines corrections, sans préciser pour autant les critères sur lesquels il se fonde ou les endroits qui sont en cause; mais ce sont là justement des faits «archéologiques» qui ne s'observent pas sur une photocopie, comme le reconnaît d'ailleurs M. Sletsjôe (p. vu, n. 1), et que seul l'oeil exercé du philologue peut déceler quand il a pratiqué pendant longtemps le manuscrit.

On est étonné également qu'une «édition diplomatique», même si elle renvoie aux introductions des éditions antérieures, ne précise pas que les reproductions photographiques sont en grandeur naturelle et que le manuscrit est sur papier bien qu'il puisse être daté probablement du deuxième quart du XIIIe siècle.

PARIS