Revue Romane, Bind 3 (1968) 2

Revue de dictionnaires

Poul Høybye

Side 182

LE PETIT ROBERT: Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Paris, Société du nouveau Littré, 1967, 1968 p.

A tous ceux qui depuis quelques années consultent régulièrement le Grand Robert, une brève introduction suffira: le Petit Robert est un extrait du grand, de même que Littré-Beaujean était un extrait du grand Littré. On a gardé presque tous les mots, en abrégeant les citations. On s'aperçoit pourtant vite que les rédacteurs ne se sont pas bornés à réduire. On trouve, en effet, beaucoup de mots nouveaux qui ne figurent pas dans le Grand Robert (par exemple bretelle - voie de raccordement: la bretelle d'une autoroute, et e'changeur - intersection routière à plusieurs niveaux).

Sur la couverture nous lisons: De Villon à Camus. Entendons-nous: on ne saurait
interpréter tout Villon à l'aide du Petit Robert. Ni Rabelais d'ailleurs: on ne trouve

Side 183

pas une guédoufle (bouteille à gros ventre), mot qu'on a repris de nos jours pour désigner une sorte d'huilier, que les Italiens appellent plaisamment « belle-mère et belle-fille » - « suocera e nuora » (voir l'illustration dans le Grand Larousse Encyclopédiqueet le Nouveau Larousse Universel).

Or, le lecteur avisé n'aura pas l'idée d'étudier des textes du XVe ou du XVIe
siècle dans des éditions sans commentaires - mais bien des textes du XVIIe siècle.

On appréciera les datations de la première apparition (connue!) des mots, ou
même des différentes acceptions des mots (voir horizon: 1360-1671-Début XIXe).

Parmi les Annexes il faut mentionner le répertoire chronologique des principaux textes cités, allant du VIIIe siècle (Gloses de Reichenau) jusqu'au « Robert » 1951-64, et la liste des adjectifs et noms tirés des noms propres, où l'on trouve Déodatien (Saint-Dié, Vosges) et Mussipontain (Pont-à-Mousson, Meurthe-et-Moselle).

Le tableau des noms de nombre nous a déjà rendu le service d'établir que 7l se lit soixante et onze - on a longtemps enseigné dans les écoles danoises qu'on pouvait aussi dire soixante-onze, qui figurait dans le Dictionnaire Général qui pourtant donnait la forme soixante et onze à l'article et. Nous en avons trouvé la confirmation dans la table de numération du Dictionnaire du français contemporain.

Pour donner une idée exacte des dimensions d'un dictionnaire, on se contente souvent d'indiquer le nombre des mots, c'est-à-dire des entrées; la rédaction l'a évalué à 50.000 environ. Il nous semble plus juste de compter les unités typographiques, ce qui est objectif et vite fait. Cela donne environ 19 millions d'unités typographiques. Une Bible française en contient quelques 4 millions et demi. C'est ainsi un peu plus de 4 fois la Bible.

Ce qui importe autant (et plus) que le nombre des entrées c'est le degré d'exhaustivité
auquel on est arrivé au sein de chaque article.

Évidemment on ne pourra faire la critique définitive d'un dictionnaire avant de
l'avoir consulté régulièrement pendant quelques années. Mais les sondages que nous
avons entrepris jusqu'ici sont absolument rassurants.

Ce sera désormais un de nos livres de consultation préférés pour la lecture des
textes les plus variés.

JEAN DUBOIS (et cinq corédacteurs): Dictionnaire du français contemporain. Paris, Larousse, 1966, 1224 p.

Ce dictionnaire est d'un autre type que le Petit Robert. Parlons chiffres d'abord. L'avant-propos parle de 25.000 « termes » (mots, expressions et constructions). Le nombre d'unités typographiques est de quelques 8 millions et demi, donc à peu près deux fois la Bible.

Cet ouvrage « vise à présenter un état actuel du lexique usuel. En ce sens, il contient tous les mots qui entrent dans l'usage écrit ou parlé du français le plus habituel » (Avant-propos). On ne nous promet pas un instrument de travail pour interpréter des textes non-actuels. Nous supposons qu'il pourra servir surtout aux étudiants étrangers (et français aussi) qui font leur apprentissage de la langue en rédigeant des compositions ou qui, à l'occasion de leurs lectures, étudient systématiquementles familles de mots. Ils auront intérêt à savoir si les différentes expressionssont

Side 184

pressionssontd'un usage courant aujourd'hui. Ce dictionnaire sera aussi un outil
précieux entre les mains du professeur qui doit diriger ces exercices.

C'est pourquoi les rédacteurs ont rompu avec le principe de l'alphabétisation rigoureuse, en ce sens qu'on groupe, dans bien des cas, les mots par familles comme: sel, saler, salaison, dessaler, etc. Toutefois, on trouve chaque mot à sa place alphabétique sous forme de renvois. Un étudiant pourra apprendre chaque groupe de mots ordinaires en une seule fois, ce qui est une excellente habitude.

Autre innovation: on a souvent divisé un seul mot en plusieurs si les différentes acceptions semblent trop divergentes entre elles. Il y aura probablement beaucoup de théoriciens qui répugnent à l'idée de rompre ainsi l'unité du mot et il est vrai qu'on met quelque temps à s'habituer à trouver les mots dérivés répartis sous ces subdivisions. On a divisé timbre comme si c'étaient trois mots différents: 1° timbre (-poste) (avec timbrer — affranchir une lettre); 2° timbre: marque ou vignette (par exemple: timbre fiscal - avec papier timbré); 3° timbre du son d'une voix (avec voix bien timbrée). Et on omet, de propos délibéré, des acceptions rares ou nettement vieillies comme le timbre ou la corde du timbre du tambour et la partie du casque qui protégeait le crâne.

Seule l'expérience pourra montrer si ce sérieux essai pédagogique aura du succès.
Il est hors de doute que le public comparera le Dictionnaire du français contem-

porain et le Petit Robert. Il sera intéressant d'étudier les cas où ils se suppléent ou se
contredisent - ce qui est inévitable, par exemple pour la prononciation.

Voilà deux bons outils - qu'on pourra employer tour à tour. Connaissez-vous un
menuisier qui se contente d'une seule scie et d'un seul marteau?

A. DAUZAT et CH. ROSTAING: Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France. Paris, Larousse, 1963, 738 p.

Ce livre nous présente l'état actuel des études toponymiques. Les auteurs soulignent
eux-mêmes que beaucoup de leurs renseignements ont un caractère provisoire et il
faut louer leur attitude critique.

Dans la préface, Monsieur Charles Rostaing nous fait part qu'il espère bientôt voir la réalisation de deux autres projets du regretté Albert Dauzat, à savoir Noms de pays et de montagnes et Noms de rivières. Nous aurons alors un Corpus de la toponymie de la France.

Grâce aux datations soigneuses des premières formes des toponymes, on pourra,
sans doute, faire de nouvelles études dans le domaine de la phonétique historique
des dialectes français.

GASTON ESNAULT: Dictionnaire historique des argots français. Paris, Larousse, 1965, 644 p.

Gaston Esnault, qui publia déjà en 1919 Le poilu tel qu'il se parle - ouvrage de haute actualité alors - a continué toute sa vie à se documenter sur les argots. Et voilà la somme de son immense érudition dans ce domaine délicat. Un des grands mérites de son nouveau livre est d'être historique et critique. Ce n'est pas seulement une clé permettant de comprendre les termes argotiques dans les livres que nous lisons.

Side 185

Dans l'introduction, il définit utilement ce qu'il faut comprendre par « argot ». Il y donne également un aperçu critique des ouvrages de ses prédécesseurs et met en garde contre les écrivains qui forgent eux-mêmes beaucoup de leurs mots « argotiques » (Victor Hugo et Richepin) ou qui commettent des erreurs (Balzac).

BRUNO MIGLIORINI: Parole nuove - Dodicimila voci a complemento del « Dizionario
moderno » di Alfredo Fanzini.
Milano, Hoepli, 1963, 326 p., 5000 lire.

Déjà en 1905 Alfredo Fanzini (1863-1939) publia un dictionnaire italien contenant
ce qui manquait dans les autres dictionnaires, ouvrage tellement apprécié que, du
vivant de l'auteur, il connut sept éditions, la dernière en 1935.

A la neuvième édition (1950), Bruno Migliorini y avait ajouté un supplément de
233 grandes pages.

Et voici maintenant le nouveau supplément indispensable à tous ceux qui étudient l'italien - et à beaucoup d'autres. Car il contient aussi un grand nombre de mots et d'expressions français, anglais (ou américains) et allemands tirés des journaux italiens. Les petits commentaires historiques qui accompagnent la plupart des mots font de ce supplément une lecture aussi amusante qu'instructive.

Nous l'avons dit et redit: pourquoi n'imite-t-on pas cette idée excellente pour
toutes les autres langues du monde? Le succès de librairie est sûr. Le tout est de
trouver le rédacteur. Voilà le hic!

BRUNO MIGLIORINI: Vocabolario della lingua italiana -Edizione rinnovata del Vocabolario
della lingua italiana di Giulio Cappuccini e Bruno Migliorini.
Torino, G. B. Paravia & C., 1965, 1637 p.

Le Vocabulario di Cappuccino parut pour la piemieic fui:» cn 1916, inaii uu giauJ nombre d'éditions allaient suivre. Ainsi, en 1945 parut un Vocabolario refait par Bruno Migliorini, qui après 20 années de travail vient d'en publier une nouvelle édition refondue et mise à jour. Une des plus grandes vertus de cet ouvrage est qu'il indique systématiquement pour chaque mot le caractère populaire, littéraire ou dialectal, etc. Il reste un guide très sûr.

CANDIDO GHIOTTI: // novissimo Ghiotti - Vocabolario italiano-francese e franceseitaliano.
Edizione curata da Giulio Cumino.
Torino, G. B. Petrini, 1962, 1256 et 1131 p., format 14 x 21 (un volume).

Personnellement nous avions tellement usé l'avant-dernière édition qu'elle tombait en morceaux. La nouvelle édition est donc venue à point. Elle est considérablement élargie, non seulement en ce qui concerne le nombre des mots. Dans la toute première édition de ce livre classique (1890), le mot caméra avait 5 lignes, dans l'avant-dernière 17 et dans la nouvelle 53!

Ajoutons que nous y avons, au cours des années, trouvé bien des mots français
qui étaient introuvables partout ailleurs.

Indispensable à tous ceux qui étudient en même temps le français et l'italien.

Side 186

Dizionario delle lingue italiana e tedesca - Realizzato dal Centro Lessicografico
Sansoni sotto ¡a direzione di Vladimiro Macchi. Parte prima: Italiano-tedesco.
Firenze, Sansoni, 1967.

Le vieux Bulle et Rigatini, qui maintenant est presque introuvable, a rendu de grands services à plusieurs générations d'étudiants, étant le plus grand dictionnaire italien-allemand et vice versa et, sauf erreur, il est le plus grand dictionnaire italien bilingue. Ce nouveau dictionnaire était donc attendu avec impatience. Les six premiers fascicules qui viennent de paraître vont jusqu'à lido (à la page 768). Les deux parties auront au total 3000 pages et il paraîtra 4 fascicules par an, chacun de 128 pages dans le format 22 x 30.

Jusqu'ici nous avons dû nous contenter de faire des sondages, qui suffisent pourtant pour nous convaincre de la haute qualité de l'ouvrage. La typographie et la rédaction sont impeccables. Pour un vieux collaborateur à'Andréas Blinkenberg c'est un plaisir de voir que la « queue » des grands articles est arrangée selon son système, par ordre alphabétique. La consultation du grand dictionnaire sera donc rapide.

Si tout va bien, l'année 1970 marquera une date dans l'étude des deux langues.

Dictionar German-Romîn.

Bucuresti, Editura Academiei Republicii Socialiste Romîne, 1966, 1172 pages sur
trois colonnes, format 18 x 25, 80 lei.

Pour l'étude pratique du roumain l'absence d'un grand dictionnaire bilingue, surtout
avec le roumain comme langue de sortie, a toujours été un grand obstacle. Ce
nouveau dictionnaire comble donc une grande lacune.

Les mots fondamentaux sont traités consciencieusement avec une riche phraséologie; mais on a de la peine à voir le système selon lequel les locutions sont arrangées. Dans l'article Zeit, on trouve à la troisième ligne: lange Zeit: muli timp et une trentaine de lignes plus loin: das dauert eine lange Zeit: uceas ta dureaza mult timp et 3 lignes après: einige Zeit lang: cîtva timp.

11 faut donc s'armer de patience pour trouver la combinaison qu'il vous faut.
La même maison d'édition nous promet aussi un dictionnaire anglais-roumain.

Dictionar Italian-Romin.

Bucuresti, Editura stiintincà 1963, 916 p. sur deux colonnes, format 12 X 20,

Ce dictionnaire, moins grand que le précédent, nous a été très utile. Pour ceux qui étudient le roumain en même temps que l'italien, il est extrêmement pratique de confronter constamment ces deux langues, pour observer leurs grandes ressemblances - et leurs non moins grandes différences.

A. SALACI, N. FAÇON e G. PETRONIO: Piccolo vocabolario romeno-italiano e italianoromeno
dell'uso moderno.

Bologna, Giuseppe Malipiero, 1963, 1134 p. sur deux colonnes, format 9 x 14 (un
volume), 2000 lire.

A recommander à ceux qui désirent un petit dictionnaire, pourtant un peu plus
grand que les dictionnaires de poche.

Side 187

COPENHAGUE

Lucio AMBRUZZI: Nuovo Dizionario Spagnolo-Italiano e Italiano-Spagnolo. Torino, G. B. Paravia & C., 1963-64, 1130 et 1332 p. sur deux colonnes, format 14 x 21 (en deux volumes).

Nous ne faisons que mentionner ces deux dictionnaires à l'intention de ceux qui
combinent l'étude de ces deux langues romanes. La première impression est favorable.

PIERRE GRAPPIN (et collaborateurs): Dictionnaire moderne français-allemand et Dictionnaire moderne allemand-français. Paris, Larousse, 1963, 848 et 808 p. sur deux colonnes, format comme Le Petit Larousse (en un volume).

Bien qu'il y ait d'autres dictionnaires plus grands pour l'étude de ces deux langues, nous attirons l'attention sur le livre de Pierre Grappin. Surtout parce qu'il contient tant de mots modernes que nous avons cherchés en vain dans les autres. Il pourra aussi rendre de grands services comme dictionnaire de prononciation. Une innovation à signaler: emploi de planches avec texte français et allemand, voir par exemple Pferd - Cheval (toutes les parties de l'anatomie) ou Lokomotive - Locomotive (avec 14 parties de la machine).

Avant de terminer cette revue lexicologique, nous nous permettrons de dire deux mots de quelques livres qui ont paru avant la naissance de la Revue Romane. D'abord les deux livres de J. E. Mansión: Harrap's Standard French and English Dictionary. Maintenant que nous avons la nouvelle édition de Dansk-Engelsk Ordbog de Vinterberg et Bodelsen, il y aura avantage à employer Mansión II (anglais-français) pour les mots et phrases qui manquent dans nos dictionnaires danois-français.

Ensuite nous tenons à reconnaître une vieille dette envers Jules Guiraud, qui publia en 1926 chez Belm un Dictionnaire anglais—français en 2107 pages sur deux colonne;», format comme Le Petit Larousse (le livre est presque cubique). La phraséologie surtout est admirable. Des citations des meilleurs écrivains anglais y sont rendues sous une forme naturelle et courante - souvent de petits chefs-d'œuvre de traduction. Nous y avons puisé largement, sans jamais épuiser la mine.

Pour terminer, nous mentionnerons aussi avec gratitude le dictionnaire latinfrançais de'Benoist et Goelzer (de 1900!), qui plus d'une fois nous a aidé à trouver la bonne traduction française. Il y a sans doute de nouvelles éditions de ce livre vénérable et des ouvrages parallèles d'autres savants latinistes français.

Nos lecteurs les trouveront eux-mêmes.