Revue Romane, Bind 3 (1968) 2

Le Danemark dans les œuvres de Rabelais

PAR

POVL SKÅRUP

Les pays Scandinaves ne se trouvent pas, certes, au centre du monde rabelaisien. Au ch. VI de la Pantagrueline Prognostication, Rabelais prédit les événements qui auront lieu dans la plupart des pays de l'Europe et jusqu'aux << Moscovites, Indiens, Perses et Troglodytes », « Boësmes, Juifz, Egiptiens », et même chez les « Escargotz, Sarabovytes, Cauquemarres, Canibales », mais le lecteur scandinave demande en vain ce qui va arriver dans son pays, Rabelais ne faisant pas de pronostic pour les pays situés plus loin vers le nord que l'« Angleterre, Escosse, les Estrelins » (les villes hanséatiques).

Rabelais n'ignore pourtant pas les pays Scandinaves. Dans leur conquête imaginaire du monde entier, les troupes de Picrochole « ont donné fièrement ensemble sus Lubek, Norwerge, Swedenrich, Dace1, Gotthie, Engroneland2, les Estrelins, jusques àla mer Glaciale. Ce faict, conquesierent ies isles Orchades et subjuguèrent Escosse, Angleterre et Irlande. De là, navigans par la mer Sabuleuse3 et par les Sarmates, ont vaincu et dominé Prussie, Polonie, Litwanie, ... »4.

Quand Rabelais mentionne les nations les plus (« absconses, imperméableset
incogneues » du Nord, il les cherche au-delà des pays Scandinaves



1 : Le nom de Dace « Danemark » est emprunté au latin du moyen âge Dada, courant à côté de Dania (voir l'article Dada par Jarl Gallen, dans Kulturhistorisk leksikon for nordisk middelalder, 11, Copenhague 1957). Il ne faut pas désigner un seul livre comme la source où Rabelais l'aurait puisé, comme le fait L. Sainéan (La Langue de Rabelais, 11, 1923, p. 518, cf. p. 522) à la suite de Le Duchat (dans son édition des œuvres de Rabelais, 1711). Sainéan (dans l'éd. A. Lefranc, 11, 1913, p. 299) ne connaît qu'un autre exemple de Dace « Danemark » en français, dans le roman de Perceforest, t. I, ch. XIII, cité par Le Duchat doc. cit.), sans doute d'après une édition imprimée.

2: Pour ce nom du Groenland, voir Etudes rabelaisiennes, VI, 1965, p. 58, n. 7.

3: Pontus sabuiosub, la mer Baltique.

4: Gargantua, ch XXXÏIÎ

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proprement dits. Ce sont « Lappia » (la Laponie), « les mons Riphées » (situés à l'extrémité nord du monde connu, d'après les géographes depuis l'Antiquité jusque vers l'époque moderne), « les Islandoys et Engronelands »5. Si les pays Scandinaves se trouvent assez loin du centre du monde rabelaisien, ils ne se trouvent donc pas non plus à la périphérie de celui-ci.

On trouve ailleurs aussi dans les œuvres de Rabelais des allusions aux pays Scandinaves. Le discours en danois et l'expression « les monts des Dannoys » dans Pantagruel font l'objet de l'article présent (dans le même livre, le mot « Dannoys » se trouve en outre deux fois, aux chapitres I et XXX, comme le surnom d'Ogier, qui est mentionné au ch. XXIII aussi, depuis l'édition de 1537, mais sans le surnom). Au Tiers Livre (eh. XLII), Bridoye raconte une anecdote qu'il emprunte à l'Arétin, mais qu'il place « on camp de Stokolm » (le roi du Danemark Christian II assiégea Stockholm en 1518 et en 1520). Les « monts Hyperborées » du ch. XXVIII du même livre sont trop littéraires pour pouvoir être identifiés sur d'autres mappemondes que la barbe ou les cheveux de Panurge.6

Au Quart Livre et au Cinquiesme Livre les pays Scandinaves ne sont pas mentionnés, au moins directement. Nous avons essayé de démontrer7 que c'est probablement l'île de Fare (= les îles Féroé) de la Carta Marina (1539) d'Olaus Magnus ou d'une des contrefaçons de celle-ci qui a donné à Rabelais l'idée de changer la mer des Farouches du Disciple de Pantagruel en une île Farouche8.

Les monts des Dannoys

Au ch. XXXII de Pantagruel le narrateur entre dans la bouche de Pantagruel. « Je y cheminoys comme lon faict en Sophie à Constantinople, et y veiz de grans rochiers, comme les monts des Dannoys, je croy que c'estoient ses dentz ». Et plus tard, « passay entre les rochiers, qui



5: Tiers Livre, ch.LI. Rabelais y mentionne Thélème aussi, mais on sait que cette abbaye se situe « jouste la rivière de Loyre » (Gargantua, ch. LU).

6: Les « monts Hyperborées » du ch.XXX du Cinquiesme Livre (le chapitre d'Ouy-dire) se situent plutôt au Proche-Orient ou en Afrique, et « l'isle Hiperborrée » du dernier chapitre du même livre (dans le manuscrit seulement) se trouve « en la mer Judaïque ».

7: Le physétère et l'île Farouche de Rabelais, dans Etudes rabelaisiennes, VI, 1965, pp. 57-59.

8: Quart Livre, ch.XXIX, XXXIII. XXXV-XLII.

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estoient ses dentz, et feis tant que je montay sus une ». Cela se trouve
dans toutes les éditions de Pantagruel depuis la première, où il s'agit du
ch. XXII.

On a expliqué « les monts des Dannoys » de plusieurs façons. Le Duchat, dans la première édition critique des œuvres de Rabelais, 11, 1711, p. 271, explique à ses lecteurs que « Les montagnes du Dannemarc sont presque en tout tems couvertes de neige », ce qui n'est pas sans étonner ceux qui connaissent ce pays, où les montagnes ne sont que des collines. Rabelais était-il aussi mal renseigné sur le Danemark que son premier commentateur, de sorte qu'il a pu choisir ici les montagnes du Danemark à cause de la neige dont elles seraient couvertes? Kr. Nyrop9 y voit en effet une preuve que Rabelais ne savait rien de la nature du Danemark. S'il est bien possible qu'il n'en savait pas grand-chose, on n'a pas prouvé qu'il ait pu croire à l'existence de montagnes au Danemark, et même s'il y a cru, on n'a pas expliqué pourquoi il a choisi les montagnes du Danemark plutôt que celles qu'il prend ailleurs comme exemples de montagnes couvertes de neige, celles de la Suisse et les monts Hyperborée s10.

Mieux renseigné que Le Duchat, Gottlob Régis, dans le commentaire qu'il a ajouté à sa traduction allemande des œuvres de Rabelais, 11, Leipzig 1839, p. 312, pense que «die Danischen Kreideklippen wegen ihrer Weisse mit den Zàhnen parallelisirt werden ». Cette explication est citée par L. Sainéan dans l'édition Lefrancll et reprise par Jacques Bouiengei, qui ajoute pourtant un signe d'interrogation'-, et par V. L. Saulnier, qui y voit l'une de deux explications possibles13. Mais on n'a pas montré que Rabelais ait pu connaître les récifs crayeux de l'île de Mon et qu'il ait pu penser que ses lecteurs comprendraient son allusion.

L'autre explication citée par Saulnier est qu'il s'agirait d'une « calembredaine(il n'y a pas de montagne au Danemark) ». Cette explication est reprise par Pierre Jourdal4 et Pierre Michells, qui parlent d'une « facétie ». On trouve dans Rabelais de ces comparaisons à termes contraires, qui sont une façon plaisante, et parfois ironique, de dire



9: Dans la revue danoise Dania, IV, 1897, p. 248.

10: Tiers Livre, ch.XXVIII.

11: IV, 1922, p. 331.

12: Ed. de la Pléiade, 2e2e éd., 1951, p. 328.

13: bd. de Pantagruel dans la coll. I extes Littéraires hrancais, 2121- eu., 1905, p. lo^.

14: Fd Cía" GarnJer. IQ6?} n

15: Club du meilleur livre, 1962, p. 200, et Livre de Poche, 1964, p. 416.

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« pas du tout ». Voici des exemples16 :«Au regard des letres de humanité, et de congnoissance des antiquitez et histoires, ilz en estoient chargez comme ung crapault de plumes, et en usent comme ung crusifix d'ung pifre »17;»17; Panurge était « fin à dorer comme une dague de plomb »18;»18; « ilz s'en vont en paradis, aussy droict comme une faucille et comme est le chemin de Paye » (qui était particulièrement sinueux)19; « Vous entendezautant (respondit Panurge) en exposition de ces récentes prophéties, comme faict truye en espices »20.»20. D'après cette interprétation les dents de Pantagruel ne seraient donc pas grandes du tout. Or tout, dans la descriptionde sa bouche, est vraiment énorme, et rien ne porte à croire que ses dents ne soient pas grandes comme de vraies montagnes. - D'ailleurs, si Rabelais avait voulu désigner un pays de plaine, il aurait plutôt choisi la Hollande ou la Frise, mieux connues et encore plus plates que le Danemark.

11 ne faut donc pas chercher une explication dans la nature du Danemark, mais dans le mot Dannoys. En effet, Sainéan propose de n'y voir qu'un jeu de mots sur dents21, explication reprise par Jean Plattard22; on sait que la voyelle de Dannoys était nasale et identique à celle de dents.

On pourrait être tenté de pousser cette explication plus loin, en interprétantDannoys comme un calembour sur dents noirs. Ceci est possible tant en ce qui concerne les dents de Pantagruel que la langue du XVIe siècle. Il est vrai que partout ailleurs chez Rabelais l'accord du mot dent (s) est féminin comme en français moderne, mais les exemples de l'accord masculin du mot, normal en latin et en ancien français, ne font pas défaut au XVIe siècle, comme le montre le dictionnaire d'Huguet (11, p. 800). La prononciation de noir (s) sans r était fréquente, sinon normale, à l'époque, et dans les Bigarrures (1595) de Tabourot, disciple de Rabelais, on trouve des calembours tout pareils sur noirs: poulots (poulets) noirs =



16: Recueillis par Pierre de La Juillière, Les Images dans Rabelais, Zeitschrift f. rom. Phil., Beih. 37, 1912, p. 53.

17: Pantagruel, ch.X, cité d'après Féd. Saulnier, 1965, p. 59, qui reproduit la première édition; la seconde comparaison est omise dans l'édition définitive de 1542.

18: fb., ch.XVI.

19: Gargantua, ch.XXVII.

20: Tiers Livre, ch.XVIII.

21: Ed. Lefranc, IV, 1922, p. 331.

22: Ed. Les Textes Français, 1929, p. 212.

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Poulonois, vingt livres tout noirs = vingt livres tournois2^. L'interprétation
des monts des Dannoys comme les monts des dents noirs s'accorde bien
avec la fréquence des calembours ou équivoques chez Rabelais24.

On peut y adresser deux objections. Comme nous venons de le dire, ce serait là le seul exemple chez Rabelais de l'accord masculin du mot dent (s). Et si Rabelais avait voulu faire un calembour sur noirs, il y aurait peut-être insisté davantage. Aussi, tandis que l'explication de Dannoys comme un jeu de mots sur dents est certainement la meilleure de celles qu'on a proposées, il vaut peut-être mieux s'abstenir de mettre en doute la blancheur des dents de Pantagruel !

Le discours danois

Les éditeurs modernes de Rabelais suivent presque toujours les dernières éditions revues par l'auteur lui-même, parce qu'elles représentent sa dernière volonté. Si ceci est vrai en général, il y a des détails - le plus souvent sans importance, il est vrai - qui ne représentent pas la volonté de l'auteur mais simplement des fautes d'impression qu'il a manqué de corriger.25 Dans ces cas, faut-il rester fidèle au texte définitif en reproduisant jusqu'à ses fautes, ou faut-il corriger même les fautes qui se trouvent dans toutes les éditions?

Un de ces détails est le discours danois qui se trouve au ch. IX de Pantagruel. On se rappelle que le personnage principal y rencontre Panurge et lui pose des questions, et que Panurge lui répond en plusieurs langues existantes ou inventées par Rabelais avant de s exprimer en français. Dans la première édition, parue sans doute en 1532, Panurge parle dix langues. Dans la deuxième édition préparée par l'auteur, publiée par François Juste en 1533 et désignée du sigle G dans la grande édition critique d'Abel Lefranc (111, 1922), Rabelais y ajoute deux discours, en écosssais et en « langaige Lanternoys » (« Prug frest ... »). Dans la troisième édition préparée par l'auteur, l'édition H publiée par Juste en 1534, il ajoute un texte danois. Enfin il ajoute un discours en basque dans l'édition M, dite définitive, publiée par Juste en 1542.26



23: F. Brunot, Histoire de la langue française des origines à 1900, 11, 1906, p. 272.

24: Sainéan, La Langue de Rabelais, 11, 1923, pp. 411-414.

25: Sainéan offre quelques exemples de coquilles typographiques dans son ouvrage cité, pp. 210-216.

26: L'exemplaire de l'ed. M qui se trouve à Id Bibliothèque Ro>dlc Je Copenhague est pareil à celui de la Bibl. Bodl. d'Oxford décrit par A. Tchemerzine dans sa Bibliographie d'Editions Originales, XI, 1933, p. 274.

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C'est cette édition-ci que la plupart des éditeurs modernes prétendent reproduire. On a publié aussi quelques-unes des éditions précédentes (A, E et G), mais jamais celle où le texte danois se trouve pour la première fois, l'éd. H de 1534. Voici le discours danois d'après l'exemplaire de cette édition rarissime qui se trouve au musée Condé, à Chantilly, où il porte le n° 1638 (feuillet 25 recto; nous gardons les lignes de l'original27):

Lors dist le copaignon. Myn

herré endog ieg met inghen tûnge talede, lyge som boern och vskvvlig creatner: myne kleebon och myne legoms mager hed vvduyser allyguel klalig hvvad tyng meg meest behoffgirereb, som aer san deligh mad och drycke : hvvar for forbar me teg om syder offuer meg: och befael at gyffue meg nogeth : aff huylket ieg kâd styre myne groeendes maghe lygeruyss som mand Cerbero en soppeforsetthr. Soa schal tu loeffue lenge och lyk sa- Hgh.

Nous passons sous silence le commentaire qui suit sur la beauté de la
langue danoise.

Ce texte contient déjà des fautes. L'original a dû porter vskaelig2^ creaîuer, magerhed, klarlig, gioerefi, sandeligh, forbarme, gweendes, soppe forsetther, lyksaligh, si l'on admet que l'informateur danois a écrit ae et oe pour œ et 0, ce qui n'était pas normal.

Avant de discuter qui a pu fournir le texte danois à Rabelais, nous allons tracer son histoire à travers les éditions jusqu'à nos jours. Celles du XVIe et du XVIIe siècle ne font que le reproduire mécaniquement en ajoutant chacune ses fautes d'impression à celles des éditions précédentes. Cela vaut aussi pour l'édition dite définitive de 1542. Pour le texte danois, celle-ci ne représente donc pas la dernière volonté de l'auteur: il n'y a pas touché. Il est vrai que ces fautes n'endommagent guère de valeurs



27: On voit par là l'explication des leçons mager hed et forbar me des éditions postérieures. Elles sont mal expliquées par Marius Kristensen, Hvorfra havde Rabelais sin danske sprogprove? (dans la revue danoise Danske Studier, 1938, pp. 142-146), p. 144. Sa restitution du texte sera citée plus loin.

28: Cf. Marius Kristensen dans l'article cité, p. 144.

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littéraires: avec ou sans fautes les lecteurs ordinaires n'y comprenaient
rien.

La première édition critique des œuvres de Rabelais fut publiée à Amsterdam en 1711 par Le Duchat. Elle contient une rédaction du discours danois visiblement faite par un Danois, dont le nom n'est pas indiqué et dont nous ignorons l'identité. Voici cette rédaction:

Min Herré, endog jeg med ingen tunge talede, ligesom born, oc uskellige creatuure: Mine kleedebon oc mit legoms magerhed udviser alligevel klarlig huad ting mig best behof gioris [faute pour gioris], som er sandelig mad oc dricke: Huorfor forbarme dig ofver mig, oc befal at gisve [écrit gifve, faute pour gifve] mig noget, af huilcket jeg kand styre min giocendis [faute pour gioeiidis] mage, ligerviis som mand Cerbero en suppe forsetter: Saa skalt du lefve laenge oc lycksalig.

On voit que le Danois anonyme n'a pas seulement corrigé et modernisé l'orthographe du texte, mais il a remplacé meest behoff par best behof et il a omis om syder. Cette rédaction se maintint seule dans les éditions de Rabelais pendant un siècle et demi. Dans l'édition variorum d'Esmangart et Johanneau, 111, 1823, p. 293 s., le texte a été restitué « dans l'orthographeet le style des auteurs danois du XVIe siècle » par Malte-Brun29, qui offre aussi la première traduction française du discours danois (voir plus loin), niais c'est toujours la rédaction de 1711 (la « restitution » de Malte-Brun ne consiste qu'à remplacer j et v par i et u; en outre il a remplacé 0 par œ et corrigé gisve en giue et giocendis en giœendis; on trouve dans son texte les fautes d'impression noguet et slyre, dont la première aura une longue vie). Cette rédaction se retrouve, avec des variations surtout pour i/j et u/v et des fautes d'impression, dans les éditions suivantes et jusque dans la dernière édition de Burgaud des Marets et Rathery (1893, 1e éd. 1857), qui est probablement l'édition citée par Kr. Nyrop dans son article cité de 189730. Celui-ci est probablement la source utilisée par Johs. Brandum-Nielsen dans le journal danois



29: Malthe Conrad Bruun (1775-1826) fut obligé de quitter le Danemark à cause de ses ouvrages polémiques. Il vint s'installer à Paris en 1799 et y travailla comme journaliste et savant sous le nom de Malte-Brun; il y fut surtout connu pour ses ouvrages de géographie. Voir Paul V. Rubow dans l'ouvrage rédigé par Franz v. Jessen, Danskc : Paris genncm Tidcrnc, I, 1936, pp. 471-476.

30: Voir ci-dessus, note 9.

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Nalionaltidende (7 mars 1939, p. 9), d'où le texte est cité par Marius Kristensen dans l'article qu'il lui a consacré3l. Ala fin de son article, Marius Kristensen pose la question: « D'où vient le changement d'orthographedans les éditions postérieures de Rabelais? et quand fut-il fait? » Nous pouvons donc répondre qu'il est dû surtout à un Danois anonyme en 1711 et en seconde ligne à Malte-Brun en 1823.

Une troisième phase de l'histoire du discours danois commence par l'édition de Pierre Jannet, 1867-68, où pour la première fois le texte danois est reproduit d'après l'édition dite définitive de 1542, non sans fautes d'impression32. Désormais c'est le texte de 1542 qu'on trouve dans presque toutes les éditions (nous avons vu que Burgaud des Marets et Rathery gardent celui de 1711/1823 dans leur édition de 1893). Presque en même temps que Jannet, Montaiglon et Lacour (I, 1868) reproduisent le texte danois de 1542, en y mettant non seulement des fautes d'impressionmais aussi quelques corrections33 dues àA. Rothe34, dont les traductions du texte en danois moderne et en français et les commentaires sont cités dans le tome 111 de la même édition, 1872, p. 227 et suiv. Ces corrections se retrouvent dans certaines éditions postérieures jusqu'au début du XXe siècle. Les éditions importantes du XXe siècle suivent le texte de 1542 sans corrections, mais non sans fautes d'impression. C'est le cas pour les éditions déjà citées publiées par Lefranc (111, 1922)35,



31: Voir ci-dessus, note 27.

32: Nous n'avons pas vu cette première édition de Jannet, mais la deuxièmej parue en 1873, paraît en être une réimpression exacte.

33: uskielig creatuer, kle[d]ebon, allyge[vel] (1542: allygue), kla[r]lig, gyffue (1542: gyjfuc), lygeru[ii]ss (1542: lygeruss); les crochets sont de l'édition.

34: Ludvig August Rothe (1795-1879) fut professeur de langue et de littérature françaises à l'Académie de Sorô de 1822 à 1849. Il est l'auteur d'un ouvrage rédigé en français sur les Romans du Renard (1845) et d'un autre, rédigé en danois, sur Ogier le Danois (1847), ouvrages sobres et bons pour l'époque.

35: Celle-ci porte Myn Herré pour Mynherre (1542), med pour met, uudviser pour vvduyser, shal pour schal, och lyksalight pour ochlyksaligth ou ochlyk saligth, sans compter les nombreux cas comme lygesom pour lyge som ou bef ael pour befael ni le rendement arbitraire des v comme u ou v et des / comme / ou j ni la ponctuation modernisée. Dans l'apparat critique de l'éd. Lefranc, qui doit rendre compte des variantes des éditions antérieures à celle de 1542, on ne trouve pas seulement des omissions, mais aussi directement des fautes. Ainsi, l'éd. H (1534) ne porte pas lygeruiis, mais lygeruyss. - Cela vaut pour le livre entier de Pantagruel, non seulement pour le texte danois, que les informations fournies par l'apparat critique de l'éd. Lefranc sur le texte H de 1534 ne sont pas seulement incomplètes mais même très souvent fautives.

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Plattard (1929), Boulenger (1934, 1955), Saulnier (1946, 1959, 1965),
Jourda (1962), Michel (1962 et 1964).

Une restitution du modèle qu'avait Rabelais a été essayée par le philologue danois Marius Kristensen, dans son article cité. Sa rédaction ne semble avoir été reprise que par C. B. Falbe-Hansen, dans son excellente traduction danoise des œuvres de Rabelais (11, 1945, p. 46). Kristensen a établi le texte d'après sa copie fautive du texte fautif de 1542; c'est pourquoi il écrit alliguel pour allyguel (allyguel 1534, allygue 1542), giores pour giorefi = gioress (girereb 1534 et 1542), lygeruiss pour lygeruyss (lygeruyss 1534, lygeruss 1542) et tue pour tu (tu 1534, tue 1542). Ces quatre cas mis à part, il a corrigé d'une façon heureuse les fautes commises par lui-même, par les imprimeurs de 1534 à 1542 et par Rabelais copiste. Voici sa restitution du texte:

Myn herré endog ieg met inghen tunge talede lyge som born och vskœlig creatuer: myne kleebon och myne legoms magerhed wduyser alliguel klarlig hwad tyng meg meest behoff giores, som ser sandeligh mad och drycke: hwar for forbarme teg om syder offuer meg : och befael at gyffue meg nogeth : aff huylket ieg kand styre myne gioendes maghe lygeruiss som mand Cerbero en soppe forsetther. Soa schal tue 10ffue lenge och lyksaligh.

Un éditeur moderne doit-il offrir le texte danois « définitif » mais fautif de 1542 ou celui de 1534 sans corrections, donc fautif lui aussi, ou celui de 1534 corrigé? Cela dépend de ses intentions. S'il veut reproduire, à l'usage des philologues, une certaine édition parue du vivant de Rabelais, il suivra celle-ci jusque dans ses fautes (mais sans en ajouter d'autres de son cru comme le font tous les éditeurs modernes, ce qui est évidemment inadmissible). Mais s'il ne veut pas faire une édition philologique, il nous semble qu'il pourra bien offrir le texte danois de 1534 avec les corrections nécessaires. Nous pensons même que les éditeurs auraient déjà adopté cette solution s'ils avaient su le danois: dans le texte français ils n'hésitent pas à corriger les coquilles évidentes.

Le discours danois ne semble avoir été traduit en français que deux fois,
par Malte-Brun pour l'édition variorum de 1823 (111, p. 293 s.) et par
A. Rothe en 1872. Voici la traduction de Malte-Brun:

Monsieur, encore que je ne parle pas avec une langue comme
les enfants et les animaux sans raison, mes vêtements et la maigreur
de mon corps montrent clairement ce dont j'ai un besoin urgent,

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savoir, de manger et de boire. C'est pourquoi ayez pitié de moi et ordonnez qu'on me donne quelque chose avec quoi je pourrois apaiser mon ventre aboyant, de même qu'on met une soupe devant Cerbère; alors vous vivrez long-temps et bienheureux.

11 est vrai que dans certaines éditions parues entre 1823 et 1872 on trouve des traductions françaises apparemment assez différentes de celle de Malte-Brun, mais il ne s'agit pas, semble-t-il, de nouvelles traductions, ni même de révisions faites d'après le texte danois par quelqu'un qui savait le danois (on y trouve la même interprétation fausse de la première phrase que dans celle de Malte-Brun), mais les éditeurs ont voulu corriger le style de la traduction de Malte-Brun, de même que les éditeurs postérieurs à 1872 ont amélioré le style de la traduction de Rothe.

Celle-ci fut faite pour l'édition de Montaiglon et Lacour (111, 1872, p. 227), pour laquelle Rothe avait aussi fait des corrections du texte danois, dont nous avons déjà parlé, et des commentaires, auxquels nous reviendrons plus loin. La traduction de Rothe a été adoptée par les éditeurs postérieurs, dont chacun a ajouté ses corrections à celles de ses prédécesseurs. Voici le texte original de sa traduction avec ses propres commentaires :

Monsieur, même au cas que, comme des enfants et des bêtes brutes (créatures sans raison ni jugement; Kreatur, pluriel Kreaturer, est employé vulgairement en danois dans le sens de bétail, bestiaux), je ne pariasse aucune langue, mes vêtements et la maigreur de ni un corps montreraient néanmoins clairement les choses dont j'ai besoin, ce qui est vraiment de quoi manger et de quoi boire. Ayez donc pitié de moi, et ordonnez qu'on me donne de quoi maîtriser (satisfaire) mon estomac aboyant (criant), de même qu'on met une soupe devant Cerbère. En ce cas tu vivras longtemps et heureux.

Tandis que Malte-Brun s'était contenté d'ajouter à sa traduction française du discours danois la remarque que celui-ci avait dû être écrit par un Danois, Rothe en examine l'orthographe et conclut que celle-ci «est antérieure à l'époque où Rabelais composait son Pantagruel; elle paraît plutôt celle du XV*' siècle ». Malheureusement, ses exemples sont pris au texte de 1542, qu'on lui avait envoyé; celui-ci diffère de celui de 1534 sur deux des trois points mentionnés par Rothe pour prouver l'âge du texte: -ih dans ochlyksaligth 1542 (och lyk saligh 1534) et ocg 1542 (och 1534); ceci ne prouve donc pas l'âge du texte, mais seulement

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l'inadvertance des imprimeurs. Son troisième argument est l'emploi de y pour i (dans myn(e), allygevel, omsyder, etc.), qui, dit-il, « est généralementabandonné à l'époque de l'apparition de Pantagruel ; mais les livres du XVe siècle ont fréquemment l'y pour l'i ». Il n'est pourtant pas rare de trouver y pour iau XVIe siècle36, par exemple dans une quittance écrite par Christiern Torckelsen Morsmg en 1529 on lit myn, Bylde(s), uty pour min, Bille(s), udPl. Rothe n'a donc pas réussi à prouver que l'orthographedu texte danois soit antérieure à 1534.

Kr. Nyrop, dans son article cité ci-dessus (note 9), se contente de poser
la question de l'origine du texte danois de Rabelais, sans essayer d'y
répondre.

L. Sainéan écrit la note suivante dans l'édition Lefranc, 111, 1922, p. 118 : « Ce neuvième discours est en danois. Morceau littéraire, de couleur archaïsantc, sans doute œuvre d'un étudiant danois alors à Paris. Le danois n'a jamais été parlé en France. Le caractère adventice de ce fragment, comme des autres, est indubitable. » A la page précédente, Sainéan écrit: « Le septième discours est en hollandais. Même provenance littéraire que le neuvième (v, ci-dessous). » Quant à la « couleur archaïsante» du morceau, Sainéan pense peut-être aux arguments de Rothe, que nous venons de rejeter. Si par « provenance littéraire », « morceau littéraire » et « caractère adventice », Sainéan veut dire que Rabelais a trouvé le texte tout fait, il a tort. D'abord ce fragment ne se trouve dans aucun texte danois connu. Et son contenu est tout à fait parallèle à celui des autres réponses compréhensibles de Panurge; dans toutes, celui-ci se plaint de sa faim et de sa misère et demande à Pantagruel de l'aider. Enfin son style est tout rabelaisien: on trouve ailleurs dans les œuvres de Rabelais les abois de l'estomac38 et la soupe offerte à Cerbère39. Il n'y a pas à douter que Rabelais adûle rédiger en français ou en latin pour le faire traduire ensuite. Cela vaut aussi pour les autres langues qu'il ne savait pas ou qu'il ne créait pas. C'est là une raison de



36: Peter Skautrup, Dei danske sprogs historie, 11, Copenhague 1947, p. 181.

37: Christiern Torckelsen Morsings danske Skrifter = Klassisk dansk Medicin, Voi. I, Copenhague 1937, p. 67.

38: Gargantua, ch.XXIII, et Tiers Livre, ch.XIII et ch.XV, cf. Erasme, Adages, 111, 8, 12, qui cite Horace, Sat. 11,2, 18, et Homère (M. A. Screech, éd. du Tiers Livre, 1964, p. 104; L. Sainéan, La Langue de Rabelais, 11, 1923, p. 236). La connaissance d'Horace n'est pas un critère pour identifier l'informateur danois (cp. Mcuiub Krintensen, op. cit., p. 146).

39: Tierv Livre, ch.XV, cf. Virgile. En VI. 420.

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plus pour que les éditeurs ne prennent pas trop à la légère le texte des
réponses de Panurge.

Le discours en danois est-il « œuvre d'un étudiant danois alors à Paris », comme le pense Sainéan? Nous ne le pensons pas. Le fait qu'il ne se trouve ni dans l'édition de 1532, ni dans celle de 1533, mais pour la première fois dans celle de 1534, montre que Rabelais l'a acquis en 1533 ou en 1534, et à cette époque-là Rabelais n'était pas à Paris, mais à Lyon et, au printemps de 1534, en Italie.

Le professeur Rudolf Meissner, de Bonn, écrit dans une lettre citée par Johs. Brondum-Nielsen dans l'article cité ci-dessus: « Man darf vermuten, dass Rabelais auf das Dànische durch die Tàtigkeit Chr. Pedersens in Paris aufmerksam geworden ist. » Brondum-Nielsen ajoute (nous traduisons): « II est évident que Rabelais n'a pas fabriqué ce morceau de danois lui-même. Le texte est trop authentique pour cela. Il se peut bien qu'il lui ait été fourni par Chr. Pedersen. Les deux humanistes se seraient-ils rencontrés pendant leurs vagabondages en Europe? » Chr. Pedersen (1475/80-1554), bien connu pour avoir publié Gesta Danorum de Saxo (Paris, 1514), Kejser Karl Magnus' Kronike (1534) et Kong Olger Danskes Kronike (1534) et pour avoir traduit les fables d'Esope et la Bible en danois, visita la France pour la dernière fois en 1527 (il y avait étudié de 1508 à 1516 environ). Il n'a pas pu rencontrer Rabelais en 1533-34, et d'ailleurs l'orthographe du texte danois de Pantagruel est différente de la sienne, comme l'a montré Marius Kristensen dans son article que nous avons déjà cité à plusieurs reprises, Hvorfra havde Rabelais sin danske sprogprove?

Par une erreur curieuse, Kristensen croit que la première édition de Pantagruel est celle de 1542. Il se demande donc quels Danois Rabelais a pu rencontrer pendant les années qui précédèrent 1542. Il s'arrête à Christiern Torckelsen Morsing, que Rabelais a pu rencontrer pendant le voyage qu'il fit entre 1532 et 1537, et dont l'orthographe et le dialecte4o s'accordent bien avec le texte danois de Pantagruel.

Nous avons vu que c'est en 1533 ou en 1534 que Rabelais a dû acquérir
le texte danois. Or c'est justement à cette époque-là que Rabelais a pu



40: « At meddeleren har vœret jyde, tyder fiere ting pâ, sâledes nogle falske eer i myne (to gange), alligue(l), soppe og vel ogsâ loeffue, som dog kan vcere trykfejl for leefue » (p. 145). Nous avons soumis ces arguments au dialectologue M. Ove Rasmussen, selon qui myne, allyguel et soppe peuvent se trouver hors du dialecte jutlandais; si loeffue n'est pas une faute pour leefue, c'est là un trait jutlandais. La conclusion de Marius Kristensen est donc assez faible.

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rencontrer Morsing. Et Morsing et son jeune pupille Peder Oxe, le futur grand sénéchal du Danemark, sont les seuls Danois dont nous sachions positivement qu'ils ont pu rencontrer Rabelais à cette époque. Même si Rabelais a pu rencontrer d'autres Danois en 1533 ou en 1534 sans que nous le sachions, il y a lieu de s'arrêter à Morsing (Peder Oxe n'a guère pu fournir la traduction danoise à Rabelais). On nous permettra de rassembler, pour la première fois, tout ce que les sources connues nous font savoir sur le voyage pendant lequel Morsing a pu rencontrer Rabelais.

Né environ 1485 dans l'île jutlandaise de Mors (d'où son surnom Morsing), Christiern Torckelsen Morsing41 étudia dans plusieurs universités étrangères. Bientôt après son retour il fut nommé professeur à l'université de Copenhague, et même recteur en 1522. Après de nouvelles études à l'étranger, en dernier lieu à Louvain, de 1524 à 1529, il reprit ses fonctions à l'université de Copenhague, mais deux ans plus tard, vers la fin de 1531 ou en 1532, il repartit pour l'étranger, cette fois comme précepteur du jeune gentilhomme Peder Oxe. A Noël 1532 ils sont à Paris42. L'université de Montpellier est la dernière qu'il a visitée, dira-t-il plus de vingt ans plus tard, en ajoutant des louanges pour cette fameuse école de médecine43; si ce n'est pas la dernière qu'il a visitée, il ya sans doute étudié pendant son dernier voyage à l'étranger, c'est-à-dire environ 1533-34. On dit couramment que Morsing et Peder Oxe ont visité l'ltalie aussi ; nous savons que Morsing ya étudié44, mais nous ne savons pas si c'est dans sa jeunesse ou pendant son voyage avec Peder Oxe qu'il y a séjourné.



41 : La biographie de Morsing a été établie par Holger Fr. Rordam dans son ouvrage Kjobenhavns Universitets Historié fra 1537 til 1621, I, Copenhague 1868-69, pp. 432-446. Voir aussi H. Ehrencron-Müller, Forfatterlexikon omfattende Danmark, Norge og Island indtil 1814, V, 1927, p. 427, Bjorn Kornerup dans Dansk Biografisk Leksikon, XVI, 1939, pp. 129-131, et l'introduction à l'édition des ouvrages danois de Morsing, citée ci-dessus, note 37.

42: E. C. Werlauff, Kiobenhavns Universitet, fra dets Stiftelse af Kong Christian den Forste indtil Reformationen, dans le programme publié par l'Université de Copenhague à l'occasion de l'anniversaire du roi en 1850, p. 68. - Holger Fr. Rordam, Danske studerende i Paris 1532, dans la revue Danske Magazin, 4.R. 4.8., 1878, pp. 347-348.

43: Préface écrite par Morsing pour l'édition 1557 du livre Tredie Urtegaard de Henrik Smith. Cette préface est réimprimée par Rordam (op. cit., IV, 1868-1874, 74-77) et dans Chr. T. Morsings danskc Skrifter, 1937, pp. 62-65.

44: H le dit lui-même dans la préface citée dans la note précédente.

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Au cours de Tannée académique qui alla du ler1er mai 1534 au 30 avril 1535, Morsing fut inscrit àla faculté de médecine à Baie45. Il y fut promu docteur en médecine46 en 153447 et a donc dû y arriver avant la fin de cette année. Morsing et Peder Oxe y firent la connaissance de Sébastian Munster, de Simon Grynasus et de Conrad Gesner48. En 1536, Morsing y était professeur de mathématiques49, et la même année il y publia la deuxième édition de son livre Arithmetica50. Le 13 mars 1537 il quitta Baie51 après avoir été rappelé à Copenhague pour réorganiser l'université après la Réforme, qui avait eu lieu l'année précédente52. Là il fut professur de médecine jusqu'à sa mort, survenue en 1560.



45: Die Matrikel der Universitat Base!, p.p. Hans Georg Wackernagel, II 1532/33-1600/01, 1956, p. 7. - On a essayé d'identifier notre Christiernus Morsing avec Christiernus Umbra Cimber (Cimber = Jutlandais), qui écrivit, le 24 mars 1535, à Louvain, une lettre à Nicolaus Olahus (Oláh Miklós), et qui composa un « épitaphe » à l'occasion de la mort de l'historien Povl Helgesen, survenue probablement en 1535 (voir, pour cette identification, la revue danoise Historisk Tidsskrifi, II.R. 5.8., 1950-59, pp. 29 et ss.). Ces deux Jutlandais n'étaient sans doute pas identiques, parce que Morsing n'était probablement pas à Louvain mais à Baie en mars 1535, et parce qu'on ne voit pas pourquoi il ne s'y appellerait pas de son vrai nom. On ne sait rien sur ce Christiernus Umbra. Il a pu être originaire du village de Skygge (le mot danois « skygge » signifie « ombre »), situé au Jutland, entre Herning et Silkeborg, non dans File de Mors.

46: Joannes Svaningius (Hans Svaning, 1503-1584, élève de Morsing), Christiernus 11. Danice Rex, Francfort 1658, p. 81.

47: Athenn? Rauricae, si ve Catalogas Professoritm Acc,deir,iae Basiliensis ab A. MCCCCLX. ad A. MDCCLXXVIH. cum brevi singulorum biographia, Baie 1778, pp. 411-412. - Die Matrikel der Universitat Basel, p. 7.

48: A. N. Ryge, Peder Oxes ... Liv og Levnets Beskrivelse, Copenhague 1765, p. 42. - Efraim Lundmark, Sébastian Munsters kosmografi och N'orden. Obeaktade brev fràn Münster til Georg Norman och Christen Morsing, dans la revue suédoise Lychnos 1939, pp. 85-86 et 97. - Briefe Sébastian Munsters, lateinisch und deutsch hrsg. und übers. von Karl Heinz Burmeister, Francfort 1964, pp. 71-73.

49: Athenac Raitricae, p. 411. - Conrad Gesner, cité dans Lychnos 1939, p. 85.

50: Chr. Bruun, Aarsberetninger og Meddelelser fra det store kongelige Bib/iothek, 11, Copenhague 1875, p. 152. On ne connaît aucun exemplaire de cette édition.

51: Athenae Rauricae, p. 412.

52: Morsing, Ordinatio lectionum in Academia Haffniensi, 1537, réimprimée par William Norvin dans son ouvrage Kobenhavns Universitet i Rcformationens og Orthodoxiens Tidsa/der, 11, Copenhague 1940, pp. 4-8. - D'après Rerdam (I, p. 438), suivi d'Ehrencron-Müller (loe.cit.), Morsing et Oxe auraient visité Anvers aussi. Cette information semble remonter à la tradition d'après laquelle Morsing aurait été rappelé d'Anvers pour réorganiser l'université de Copen-

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Morsing a sans doute lu, à Paris ou à Montpellier, les ouvrages de médecine que Rabelais publia en 1532; la médecine philologique l'intéressait beaucoup. Et s'il a eu l'occasion de se présenter à Rabelais, il ne l'aura pas manquee. Cette occasion il l'a eue à plusieurs reprises à l'époque où Rabelais préparait l'édition 1534 de Pantagruel, où le texte danois se trouve pour la première fois. Morsing et Peder Oxe sont probablement allés de Paris à Montpellier en 1533: ils ont dû passer par Lyon, où Rabelais était médecin. S'ils sont allés en Italie, ils ont pu rencontrer Rabelais à Rome ou à Florence au printemps de 1534, et en se rendant d'ltalie à Baie, où ils sont arrivés après le ler1er mai 1534, ils ont pu aller à Marseille en bateau et de là à Baie en passant par Lyon (c'était en effet la route normale); or Rabelais était de retour à Lyon depuis l'été de 1534. S'ils sont allés directement de Montpellier à Baie, ils ont dû passer par Lyon.

Nous ne pouvons pas affirmer que Rabelais ait rencontré Morsing, ni qu'il n'ait pas rencontré d'autres Danois au moment où il préparait la nouvelle édition de son livre. Mais nous pouvons affirmer que Rabelais a pu rencontrer Morsing à cette époque-là, et que Morsing et son jeune pupille sont les seuls Danois dont nous puissions affirmer cela, et que, tandis que d'autres Danois ont pu (sans que nous le sachions) passer par Lyon à cette époque-là sans rencontrer Rabelais, Morsing, médecin erudii, n'a sans doute pas visité Lyon sans aller voir l'hôpital de la ville et Rabelais, médecin et éditeur d'ouvrages médicaux. Il y a donc de bonnes raisons pour supposer, avec Marius Kristensen. que c'est Morsing qui a fourni à Rabelais la traduction danoise, sans qu'il soit possible de le prouver définitivement. Il est légitime de se plaire à imaginer la rencontre des deux humanistes et médecins.

Povl Skàrup

ÀRHUS



hague après la Réforme (Johannes Olai Slangendorpius, Oratio de Initiis doctrinas religionis, Copenhague 1591, feuillet P 4; Erasmus Pauli F. Vindingius, Regia Academia Haunicnsis, Copenhague 1665, p 62) Or c'est de Baie qu'il fut rappelé en 1537. On a peut-être confondu son rappel de Baie en 1537 avec son retour de Belgique en 1529.