Revue Romane, Bind 2 (1967) 1

MERETE GERLACH-NIELSEN: Stendhal théoricien et romancier de l'amour. Historisk- filosofiske Meddelelser udgivet af Det Kongelige Danske Videnskabernes Selskab, bind 40, nr. 6. Copenhague, Munksgaard, 1965, 122 p.

Hans Boll Johansen

Merete Gerlach-Nielsen s'est proposé de démontrer la constance de la conception amoureuse chez Stendhal. A cette fin, elle a divisé son étude en deux parties: dans la première, elle résume succinctement le traité de Stendhal sur l'amour. Dans la seconde, elle étudie l'usage que le romancier fait de ses théories.

De VAmour est un livre touffu. Stendhal n'a jamais voulu arranger cet ouvrage «écrit au crayon à Milan». Merete Gerlach-Nielsen veut bien nous rendre ce service. Elle ordonne le chaos, coupant digressions et anecdotes, les allusions d'un caractère privé, etc., afin que seules nous restent les idées essentielles.

Elle passe en revue les sept phases proposées par Stendhal, en s'intéressant tout particulièrement à la cristallisation. Elle poursuit en mentionnant les symptômes qui, selon Stendhal, caractérisent l'amour: la timidité, le doute, la crainte, la jalousie, le fiasco. . .

L'auteur se demande si la conception stendhalienne de l'amour est optimiste ou pessimiste. Sans tenir compte du fait que Stendhal considère la cristallisation comme une source de délices {De F Amour, éd. Garnier, p. 31 et passim), Mme Gerlach- Nielsen est d'avis qu'on trouve à peine quelques lueurs d'optimisme dans le traité, parce que l'amour partagé y semble inaccessible.

Après avoir illustré la théorie par l'exemple frappant û'trnestine, l'auteur étudie dans quelle mesure Stendhal est resté fidèle à ses idées dans l'œuvre romanesque. Elle examine ainsi successivement l'évolution des intrigues amoureuses dans Armance, Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen, La Chartreuse de Parme, Les Chroniques italiennes, Fragments de romans et nouvelles, Lcmiel.

En ce qui concerne Armance, l'étude que Mme Gerlach-Nielsen a faite du traité lui permet de dégager des conclusions convaincantes sur la psychologie d'Octave. Avec le stendhalien norvégien C. V. Holst, Merete Gerlach-Nielsen pense que l'impuissance d'Octave est un effet de son amour, et non la cause de son attitude. Elle formule ainsi une conclusion qui a échappé à plusieurs stendhaliens,

L'étude du Rouge et Noir retient l'attention par le nombre de détails précis qui révèlent les liens entre le traité et le roman. Il s'agit là d'une analyse minutieuse qui suit toutes les phases de l'évolution des sentiments de Julien, de Madame de Rénal et de Mathilde.

S'opposant à Henri Delacroix, Mme Gerlach-Nielsen croit trouver dans la
Chartreuse une psychologie amoureuse moins nuancée que dans les autres romans
de Stendhal.

Mme Gerlach-Nielsen conclut à «la persistance dans l'œuvre romanesque d'une
conception stendhalienne de l'amour, élargie et enrichie au contact de l'art».

Side 82

«Les caractères fictifs ont», selon notre auteur, «débordé les limites du traité»
(p. H7).

Le procédé qui consiste à résumer successivement les différents romans a peutêtre l'inconvénient de ne pas faire ressortir avec toute la clarté désirable les analogies et les différences qui existent entre le traité et les romans. Mais ce même procédé fait du livre de Mme Gerlach-Nielsen un guide utile qui rendra de grands services aux lecteurs des romans de Stendhal.

COPENHAGUE